Un compte Netflix commun avec un collègue de travail ou un frère qui habite dans une autre ville. Cette pratique est très répandue en Suisse et a été tolérée jusqu'à présent par le géant du streaming. Bien que cela ne soit pas autorisé au sens strict: selon les conditions d'utilisation de Netflix, seules les personnes vivant sous le même toit sont autorisées à partager un compte.
Le plus grand service de streaming au monde veut désormais se montrer plus sévère. Les petits filous devront payer dès le printemps 2023. Selon les estimations de Netflix, les quelque 223 millions d'abonnés payants dans le monde sont contrebalancés par environ 100 millions d'utilisateurs qui ne paient rien. Le calcul est vite fait: chaque année, plusieurs milliards de dollars échappent au géant du streaming. Avec la nouvelle réglementation, Netflix espère réaliser des recettes annuelles supplémentaires de 721 millions de dollars rien qu'aux Etats-Unis et au Canada.
Netflix a testé la nouvelle réglementation dans le cadre d'essais pilotes en Amérique latine. Elle doit maintenant être introduite à l'échelle internationale. Mais on ne sait toujours pas quand et dans quels pays en premier.
C'est ce que confirme un porte-parole de Netflix pour les pays germanophones: il n'y a pas encore de «calendrier précis» pour l'introduction en Suisse et en Allemagne. L'aménagement serait également encore en cours de planification, Netflix testerait «différentes variantes» afin de trouver la «meilleure solution».
Grâce au suivi des adresses IP, des informations de connexion et des activités du compte, Netflix veut vérifier si tous les utilisateurs du compte vivent réellement dans un même foyer. Cette mesure comporte un risque considérable pour Netflix, car elle pourrait faire fuir les clients payants. C'est ce qu'affirme Ralf Beyeler, expert en télécommunications et en streaming auprès du service de comparaison en ligne Moneyland:
De nombreux clients payants qui utilisent leur compte de manière légitime pourraient se sentir suspectés. Que se passe-t-il si une famille possède une maison de vacances et qu'elle fait du streaming à partir de là? Comment Netflix peut-il faire la différence entre cela et un partage de mot de passe non autorisé? De telles questions constituent un défi de taille pour le géant du streaming.
Ralf Beyeler a également des doutes quant à la propension réelle des profiteurs à passer à la caisse:
Selon l'expert en streaming, beaucoup utiliseraient Netflix s'ils pouvaient le faire confortablement et gratuitement. «Mais avec un contrat et des coûts tout de même assez élevés, jusqu'à 25 francs par mois? Non, merci.» Ceux qui ne veulent pas payer pour regarder Netflix trouveront toujours des moyens, même légaux: «La solution la plus simple est de regarder simplement chez une collègue sur le canapé». Selon Beyeler, c'est une «illusion qui n'a jamais fonctionné» que seules les personnes ayant un abonnement utilisent l'offre.
Si Netflix propose en plus des deals avantageux pour inciter les profiteurs à s'abonner malgré tout, les payeurs complets se sentiront à leur tour «définitivement floués», déclare Beyeler. «La frontière est très mince pour ne pas perdre plus d'abonnements que l'on en gagne.»
Il y a aussi l'énorme offre concurrente. Avec plus de trois millions d'utilisateurs en Suisse, Netflix reste certes le leader incontesté, mais les services de streaming comme Disney+, Swisscom blue ou Amazon Prime gagnent du terrain. Les offres gratuites des chaînes de télévision, comme Play Suisse, sont également de plus en plus populaires.
Les autres services de streaming suivront-ils l'exemple de Netflix et empêcheront-ils le partage des mots de passe? «Ils vont maintenant observer très attentivement ce que Netflix fait et comment la clientèle réagit», déclare Ralf Beyeler. Si Netflix fait des expériences positives, ils essaieront probablement de le faire.
(aargauerzeitung.ch/traduction et adaptation par sas)