«Même si vous ne lisez pas les tabloïds, vous ne pouvez pas lui échapper», écrivait la journaliste Kay S. Hymowitz dans un article pour le City Journal au sujet de Paris Hilton, en 2006. Presque vingt ans plus tard, la formule tient toujours.
Qu'elle agace ou fascine, nous sommes tous familiers avec la blondeur, les frasques et l'éternel chihuahua de l'héritière la plus riche et célèbre de la planète. Nous le sommes moins avec ses années noires. Cette adolescence moins clinquante que le personnage qu'elle se fabrique à l'âge adulte. Un nom célèbre et des millions sur un compte en banque ne peuvent préserver de tout. Paris Hilton en est la preuve.
Sur ses papiers, tout roule pour la petite Paris Whitney Hilton, qui voit le jour le 17 février 1981. A commencer par son nom: Hilton. Le même que cette chaîne de plus de 4000 hôtels éparpillés dans plus de 80 pays et fondée par son arrière-grand-père. N'oublions pas son prénom: Paris, la «plus belle ville du monde». Et comme ça ne suffit pas, sa mère, Kathy, préfère la surnommer «Star».
La jeune Paris Hilton évolue entre une maison à Beverly Hills, une autre dans les Hamptons et une suite de l'hôtel Waldorf de Manhattan. Un cocon familial guindé, strict, conservateur. Un brin étouffant pour une fillette qui se rêve vétérinaire, au point d'élever une chèvre sur le terrain de tennis de son grand-père, et d'économiser son argent de poche pour adopter un chimpanzé.
Dans les années 1990, la famille Hilton pose ses valises à New York. Loin des aspirations de papa-maman qui rêvent d'une fille «convenable, simple», une rich girl toute bonne à marier et projeter dans la bonne société, Paris cultive à fond sa fibre rebelle.
Faisant fi des cours de savoir-vivre, des interdictions de maquillage ou d'un petit copain, l'adolescente de 16 ans sèche les cours et se faufile déjà dans des soirées privées. Pour la retrouver, sa mère contacte directement le tabloïd New York Post, qui suit déjà avec passion les frasques nocturnes de l'héritière frondeuse.
Après un énième renvoi d'un lycée pour indiscipline chronique, les parents Hilton, déconfits, décident de sévir.
Un soir, deux hommes viennent cueillir l'ado récalcitrante dans son lit. «Je n'avais aucune idée pourquoi ni où j'étais emmené contre ma volonté. J'ai vite appris qu'on m'envoyait en enfer», écrira Paris Hilton en 2021 dans une tribune pour le Washington Post.
Paris Hilton découvre Provo Canyon. Internat pour jeunes émotionnellement troublés, paumé au fin fond de l'Utah, qui se targue de remettre les bébés nantis sur le droit chemin. Moyennant 300 000 dollars par an. Ses méthodes? Isolement en cellule, médication forcée, privation de sommeil, violences physiques et sexuelles, selon les témoignages d'anciens pensionnaires. Depuis lors, l'établissement fait face à plusieurs plaintes pour traitements abusifs.
Vingt-quatre ans plus tard, Paris Hilton, qui se décrit davantage comme «survivante» que comme «patiente», est revenue sur ces abus pour le New York Times:
Au terme de onze mois de calvaire, pendant lesquels elle sera «étouffée, giflée, espionnée pendant la douche, privée de sommeil, forcée de prendre des médicaments sans diagnostic qui l'ont engourdie et épuisée», Paris Hilton est libre.
Enfin, presque.
A 18 ans, elle n’est ni vétérinaire, ni la petite fille modèle dont rêvaient ses parents. Paris Hilton enfile de son propre gré une camisole d'un autre genre: un personnage. Elle devient cette «chose», dont le nom et le blond vont détonner dans le monde de la nuit et des podiums. Quelques mois plus tard, Hilton acquiert un prénom et une renommée mondiale avec un cliché de David Lachapelle pour Vanity Fair.
En 2020, à l'occasion d'un documentaire, «This is Paris», la hit-girl mutée en femmes d'affaires, révèle pour la première fois les sévices subis pendant son adolescence. Elle ravive l'intérêt et la flamme du hashtag viral #BreakingCodeSilence. A force de tweets et de témoignages, ce mouvement dénonce les traitements abusifs prodigués lors de ces thérapies privées.
Son combat prend une ampleur politique. Un an plus tard, Paris comparait devant l'Etat de l'Utah, avec deux mots à la bouche: «législation» et «transparence».
Paris Hilton exige de projeter plus de lumière et de surveiller les méthodes obscures des pensionnants. Le projet de loi, connu sous le nom de «SB127», est approuvé le 2 mars 2021.
«Il est important de parler de ces moments douloureux pour que je puisse guérir et aider à mettre fin à ces abus», conclut Paris Hilton dans le New York Times ce 11 octobre 2022.
Si elle ne compte pas enterrer le mythe de l'héritière fêtarde, artificielle et vénale qu'elle chérit depuis des années, Paris Hilton vient de gratter un peu la surface. Sans doute pas au point d'en révéler tous les rouages.