La lacto-fermentation est passée de votre grand-mère à une tendance lifestyle pour la plupart des gens qui ne jurent que par une alimentation saine, et également pour les fins gastronomes. Une tendance qui a pris de l'ampleur, notamment depuis le premier confinement, en 2020, lorsque beaucoup d'entre nous se sont pris de passion pour le pain au levain et son pétrissage à la main ou encore l'élevage d'une souche de kombucha, sorte de méduse extraterrestre flottant dans un bocal et transformant l'eau en limonade.
Depuis, la fermentation est devenue un véritable terrain de jeu pour la plupart des restaurants gastro et bistronomique. Le genre d’endroit où un serveur tatoué, avec un look des années 80, vous proposera une raviole d’endive lacto-fermentée et sa crème de kéfir. Même le restaurant Noma au Danemark, élu plusieurs fois meilleur restaurant du monde, a sorti un livre sur la fermentation.
Chez le chef René Redzepi, à Copenhague, chaque recette comporte une part d’ingrédients fermentés. Pour de nombreux chefs, la fermentation est une science du vivant qui permet de conserver les aliments tout en décuplant leurs vertus et saveurs. Un art de transformer, voire même de sublimer des ingrédients du quotidien en plus d'être irréprochable sur l'écologie en luttant contre le gaspillage.
La fermentation, c’est une pratique ancestrale, c'est même la plus vieille technique de conservation qui soit puisqu'elle existe depuis la préhistoire. Une technique qui s'appliquait jusqu'à nos grand-mères, qui s’est perdue avec l'industrialisation. Pour en faire, rien de plus simple, suffit de laisser pourrir des trucs, sauf que contrairement au tupperware qui traîne depuis trois mois dans le frigo du boulot, ici, la fermentation est contrôlée, et c’est ce qu’on appelle la lacto-fermentation. Un travail de patience puisque c'est le temps qui fait toute la saveur de ces produits.
Pas besoin de grand-chose pour en faire, il faut un bocal, du sel qui conserve, des épices pour le goût et parfois de l’eau, si vous voulez faire de la saumure. C’est comme ça que sont nés la choucroute, le tofu, le yogourt, la limonade, les cornichons ou encore la sauce poisson comme le Nuoc-Màm vietnamien ou l'imprononçable sauce anglaise Worcester.
Le phénomène de la fermentation permet de transformer les sucres naturellement présents dans une grande variété d’aliments soit en acide lactique (choucroute, yaourt ), soit en alcool (vin, bière, cidre…) soit en acide acétique (vinaigre). Dans le cadre de la lacto-fermentation, c’est un processus de fermentation mené par des bactéries. C'est l'acide lactique qui donne ce petit goût aigre acidulé aux produits et qui transforme la qualité nutritive des aliments qu’on fait fermenter.
D'ailleurs «lacto» n’a aucun rapport avec le lait ou le lactose. Quand on a inventé le fromage il y a 10 000 ans, c’était avant tout pour conserver le lait, mais surtout parce que c’était le meilleur moyen de le consommer sans avoir une indigestion. Eh oui, à l'époque, les gens n'étaient pas encore intolérants au lactose comme aujourd’hui.
Tous les aliments fermentés sont bons pour la santé, car les bactéries fabriquent des vitamines en grande quantité, des acides aminés et des probiotiques précieux au bon fonctionnement de notre intestin et de notre système immunitaire. En rendant les fibres moins irritantes pour les intestins, la fermentation améliore la digestion et l’assimilation des aliments dans notre organisme.
Une simple soupe au chou, c’est une bonne source de bêta-carotène, qui aide à la bonne santé de la peau, des os et des yeux, et c’est bourré de vitamine C. Cependant, vous ne serez pas à l’abri d’une nuit de pets qui pourraient potentiellement faire venir un extraterrestre dans votre jardin.
Prenons la choucroute, par exemple. Vous retirez tous les morceaux de cochons qui s’y trouvent, elle garde les vertus du chou, qui désinfecte le système digestif, régénère la flore intestinale, et peut agir contre la constipation et les hémorroïdes. Elle devient formidablement bénéfique pour la santé. Contrairement à la pasteurisation qui tue les vitamines, la fermentation a la particularité d’en créer de nouvelles.
Quant au goût, une des spécificités des produits lacto-fermentés, c’est qu’ils sont de vrais exhausteurs de goût. Selon les produits que vous faites fermenter, il peut y avoir une infinité de possibilités qui ont toutes un point commun: l’umami. Ce cinquième goût qui se caractérise par sa profondeur et sa longueur en bouche, mais aussi par sa rondeur.
Le goût umami a été identifié il y a plus de 100 ans au Japon par le chercheur Kikunae Ikeda . Il a nommé ce goût supplémentaire «umami», qui signifie littéralement «essence de délice» en japonais. Le Dr Ikeda a finalement découvert que le goût de l'umami était attribué au glutamate, obtenu par la fermentation de l’amidon notamment. Dans nos contrées, on pourrait appeler ça l’Aromat.
C'est un jeu d'enfant de préparer soi-même des légumes lacto-fermentés: il suffit pour cela de les couper ou de les râper crus, puis de les recouvrir de sel, d’ajouter de l’eau et des condiments, comme de l'ail ou des fines herbes. C'est ce qui s'appelle de la saumure. Le récipient doit être hermétique. La fermentation se met peu à peu en place en quelques jours, les sucres se transformant en acide lactique sous l’action des bactéries lactiques. La mère des vertus étant la patience, il en faudra puisque seul le temps permet à un aliment fermenté d’atteindre sa plénitude.
Il existe de nombreux livres, blogs et compte Instagram riches en recettes, comme celui ci-dessous que je me devais de vous partager.
Gros coup de cœur pour le fromage fort, une recette traditionnelle française qui peut même être transmise à vos petits-enfants, car c’est un produit impérissable. Attention cependant quand vous la tartinez sur du pain, apparemment, ça a du retour, c’est très fort et ça brûle les narines comme des toilettes d’autoroute en été. Mais sur du pain au levain, avec un peu de kimchi et un verre de Kombucha, ça doit sûrement valoir 30 balles dans un menu bistronomique.