Je ne sais pas vous, mais j'éprouve une tendresse toute particulière pour la burrata. La burrata, c'est tendre, c'est moelleux, c'est câlin. La burrata a cette faculté, rare, peut-être unique, d'être fraîche et réconfortante à la fois. La burrata ne nécessite ni crocs affûtés ni mâchoires néandertaliennes pour pouvoir la laisser fondre dans sur la langue, comme le soulignait à juste titre l'humoriste Marina Rollman.
La burrata est un don du ciel. Un plaisir de l'humanité qui fait plus l'unanimité que la pizza ou le chocolat. Personne ne rechigne à planter sa fourchette dans le coeur fileux de ce fromage plus ou moins élégamment écrasé sur une assiette creuse, avec un soupçon de gros sel et un généreux trait d'huile d'olive. Tomates, vinaigre balsamique ou basilic en guise d'accessoire. Personne.
C'est sans doute le potentiel messianique de la burrata qui est à l'origine du tollé provoqué par Kenza Waldorf, influenceuse française de 27 ans.
Mais reprenons le fil de cette affaire fascinante.
C'est le 3 mai, sur TikTok, que Kenza plante les graines de la polémique auprès de son demi-million d'abonnés. L'influenceuse n'est pas contente. Elle est même très énervée, vu la hargne avec laquelle la jeune femme plante le bec de ses bouteilles de vinaigre et d'huile d'olive dans l'innocente boule blanche - qui n'a rien demandé à personne.
Tout ça, à cause d'une autre influenceuse, Maee Brun, qui aurait publié par moins de sept vidéos mettant en vedette... une burrata.
Un concept, précisons-le d'emblée, né dans les Pouilles lors du terrible hiver de 1956, lorsque la neige empêche le fermier et éleveur italien Lorenzo Bianchino de livrer son lait à ses laiteries-fromageries habituelles. Ce génie décide alors de sauver sa production en produisant ce produit artisanal. Un véritable succès local, puis national.
Il n'en fallait pas plus pour que les propos enflammés de Kenza Waldorf suscitent une vague. Une avalanche. Un tsunami. Une myriade de commentaires ulcérés. La burrata, ce bien universel que les Italiens ont bien voulu partager avec le reste du monde, réduite à un «concept» mise au point par une énième influenceuse paradant son sac Dior dans les rues de Paris?
Evidemment, les réactions ne se font pas faites attendre. Ce sont bientôt des milliers de commentaires qui abondent sous cette publication au potentiel autrement plus destructeur qu'un Italien installé face à une pizza Hawaï. Kenza Waldorf devient l'objet de montages et de parodies en masse. Un lynchage numérique tel, que la malheureuse aurait terminé à l'hôpital.
Dans une story publiée dimanche sur Instagram, la jeune femme affirme avoir fait un «début d'AVC» sous la pression. Les principaux symptômes, dont une «paralysie», ont été traités, précise-t-elle, et ses jours ne sont pas en danger. Elle tient encore à présenter ses «excuses» à ceux qu'elle aurait pu offenser.
La burrata, dans toute sa rondeur et son potentiel rassembleur, la pardonnera sans doute pour cette erreur. Les Italiens, c'est moins sûr.