La Suisse a connu un léger rafraîchissement, plutôt bienvenu. Avec des températures avoisinant les 25 degrés, rendant la vie et le travail quotidiens plus supportables. Mais la chaleur fait déjà son retour.
Parler météo est toutefois secondaire à l'heure où la crise climatique s'annonce: on reconnaît les effets du réchauffement mondial non pas grâce à des événements isolés, mais bel et bien à travers une vue d'ensemble. Ainsi, au siècle dernier, il y a également eu des journées d'été avec des températures caniculaires de plus de 35 degrés. C'est une anecdote particulièrement appréciée par les «climato-sceptiques» qui nient la science, pour minimiser la signification des vagues de chaleur de cette année.
Or, le changement climatique entraîne une augmentation de la fréquence de ces événements extrêmes. Et il y en a eu beaucoup en 2022.
A commencer par ce que l'on appelle la limite du zéro degré: c'est une valeur particulière, car elle est la plus difficile à ressentir spontanément au quotidien. Pour simplifier, elle indique à combien de mètres d'altitude il fait en moyenne zéro degré. Cette altitude n'est pas la même partout et, contrairement à la limite des chutes de neige, elle n'est pas visible à l'œil nu. Cette valeur aide toutefois à mieux classer les facteurs interdépendants de la prévision météorologique, de la biologie et de la physique. Elle est généralement déterminée deux fois par jour à l'aide de ballons météorologiques.
Un nouveau record y a été récemment établi: lundi, l'Office fédéral de météorologie et de climatologie (MétéoSuisse) a annoncé une valeur de 5184 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui est nettement supérieur au plus haut sommet des Alpes (Pointe Dufour, 4634 m d'altitude).
L'ancien record (5117 mètres) date du 20 juillet 1997, ont indiqué MétéoSuisse et MeteoNews. Il est, avec celui de cette année, le seul à avoir été mesuré à plus de 5000 mètres. La limite du zéro degré atteint habituellement des valeurs autour de 4325 mètres d'altitude au mois de juillet. La tendance climatologique est à la hausse, comme le montrent les données de la Confédération.
Retournons quand même aux événements individuels: le mois dernier, la Suisse a enregistré la température la plus élevée jamais enregistrée en juin. Le 19 juillet, le thermomètre est monté à 36,9 degrés à Beznau (AG). Cela correspond exactement au record précédent de 1947, lorsqu'il avait fait aussi chaud fin juin, «égalisant» ainsi le pic historique.
D'autres sites de mesure ont toutefois battu plusieurs records du mois de juin, comme à Neuchâtel, Sion ou Buchs (AG). Toutes ces valeurs proviennent de la vague de chaleur du milieu du mois, qui avait également une particularité historique: elle a constitué l'une des périodes de chaleur les plus précoces de l'année, après plusieurs jours particulièrement chauds en mai 2022.
En climatologie, ces vagues de chaleur sont mesurées par ce que l'on appelle la «chaleur de trois jours»: de tels événements sont habituellement attendus plus rarement qu'une fois tous les 25 ans en juin. Un coup d'œil sur les données montre toutefois que le réchauffement climatique se fait sentir ici aussi, même si les périodes de trois jours de canicule de cette année ne constituent pas encore un record en moyenne.
Un mois plus tôt, le nombre de jours d'été avait atteint un nouveau record: si le mois de mai a commencé avec une météo capricieuse, c'est une météo ensoleillée qui a dominé durant la deuxième moitié du mois. Cela a entraîné non seulement une première période de chaleur, mais aussi de manière générale plus de jours où la température maximale atteignait les 25 degrés et plus. C'est en effet à partir ce cette limite qu'un jour est compté comme un «jour d'été».
Les pics mensuels ont été enregistrés à Genève avec 15 jours d'été (ancien record: 2011 avec 14 jours) et à Locarno avec 16 jours (ancien record: 1986 avec 13 jours). Le mois de mai n'avait plus été aussi ensoleillé depuis plus de 75 ans.
Les nombreuses heures d'ensoleillement ont également fait grimper les températures. Le 20 mai 2022, une température caniculaire de 33,7 degrés a été mesurée à Bad Ragaz (SG), ce qui constitue un nouveau record journalier depuis 1953 (32,6 degrés). Les records ont également explosé en montagne: au Grand-Saint-Bernard, on a mesuré 16,4 degrés le 22 mai – le dernier record de mai datait de 1868 et était de 14,8 degrés.
Le printemps a également battu des records, notamment en matière de précipitations. Dans les régions du centre et de l'est du pays, plusieurs sites ont enregistré la plus faible somme de précipitations, ou la deuxième plus faible, pour le mois de mars – et ce par rapport à toute la série de mesures sur 100 ans, comme l'écrit MétéoSuisse. Dans certaines régions, il fallait remonter plus de 50 ans pour voir des mois d'une sécheresse comparable.
Les climatologues de la Confédération l'ont illustré par les valeurs mesurées à Lachen (SZ): dans la plaine de la Linth, jamais un mois de mai n'avait été aussi sec depuis 1883, avec 19,4 mm de précipitations.
Comme l'écrivait watson à la mi-juin, les glaciers souffrent tout particulièrement de cette situation et de l'évolution météorologique qui s'ensuit: non seulement ils fondent en raison des températures plus élevées en été, mais il leur manque aussi les précipitations habituelles en hiver et au printemps pour se régénérer.
Les prévisions météorologiques pour une période plus longue dans le futur sont considérées comme peu sérieuses. Watson a expliqué pourquoi dans un article sur les prévisions d'orage: les facteurs météorologiques sont – mathématiquement parlant – trop chaotiques pour pouvoir être modélisés avec une grande fiabilité. C'est particulièrement vrai pour les «situations orageuses».
Les météorologues professionnels le savent bien. C'est pourquoi MétéoSuisse ne fournit à la population que des perspectives de tendances: elles ne peuvent pas indiquer si la barre des 40 degrés sera franchie en août, mais seulement ce à quoi on peut se préparer avec une grande certitude.
Pour la première semaine d'août, il est extrêmement probable qu'il fasse plus chaud que la moyenne pluriannuelle. Pour le nord et l'est de la Suisse, l'office fédéral estime qu'il y a plus de 80% de chances qu'il fasse plus de 20,3 degrés.
Cela peut sembler agréablement frais, mais il s'agit d'une moyenne qui tient compte des températures diurnes et nocturnes sur une semaine entière. En d'autres termes, la Suisse va continuer à transpirer. Et avec elle, la nature, car les précipitations ne sont pas non plus au rendez-vous.
On pourrait naïvement penser que cette année, avec tous ces records, ne représente qu'un cas isolé. La comparaison avec l'histoire montre toutefois clairement que l'époque des soi-disant «variations naturelles» est révolue: de telles variations existaient à l'époque préindustrielle au début du 20e siècle, mais la tendance ne va que dans une seule direction depuis plus de 100 ans. Il fait de plus en plus chaud en raison des émissions de gaz à effet de serre.
Cet effet de serre a été reconnu par des climatologues de renom il y a plus d'un siècle déjà – et dans le cas du physicien Jean Baptiste Fourier, il y a même près de 200 ans. Mais dans l'histoire moderne de l'humanité, de telles connaissances scientifiques ont souvent été niées ou n'ont pas été prises en compte pour interpréter les phénomènes météorologiques changeants.