L'ambiance crépite entre le couple qui s'amuse dans la forêt. La femme, attachée à un arbre, gémit d'abord doucement, puis de plus en plus fort. Au bout de quelques minutes, elle atteint le point culminant. «Coupez!», crie la réalisatrice en mettant fin à l'enregistrement. Les deux acteurs dans le studio se sourient. Un début satisfaisant pour cette journée pluvieuse - et pourtant, ils ne se sont même pas touchés au cours des minutes précédentes: car ce qui a été produit ici n'était pas un film érotique, mais un porno audio. Nous avons pu assister à la production.
Un audioporn est un livre audio au contenu érotique. Les histoires mettent en scène deux ou plusieurs personnes qui réalisent leurs fantasmes sexuels. Les voix sont censées exciter les auditeurs, voire les amener à l'orgasme. Mais contrairement aux romans à l'eau de rose des kiosques, les scénarios évitent les scènes trop kitsch.
Les enregistrements pour l'audioporn ont lieu dans un studio confortablement aménagé, où d'ordinaire, des groupes enregistrent leurs chansons. Contrairement au tournage porno, on n'y cherche pas du gel lubrifiant et des accessoires érotiques. Les locuteurs doivent susciter le plaisir par leur seule voix, et éventuellement amener les auditeurs à l'orgasme.
Avant de commencer, Charis Uster, réalisatrice et scénariste pour la plateforme érotique Cheex, discute du scénario avec les deux comédiens: «Pouvez-vous vous identifier aux protagonistes?» Layana Flachs et Robin Astera, qui prêtent leur voix aux personnages, acquiescent. Charis explique que ce n'est que lorsque les locuteurs peuvent «sentir» leurs personnages que les paroles ont l'air authentiques.
Le fait que son script soit modifié à plusieurs reprises, et parfois même pendant l'enregistrement, ne dérange pas la réalisatrice de Cheex. Même si elle y a parfois travaillé durant plusieurs semaines. Pour elle, il est plus important que tout sonne plausible, et que tout semble spontané.
Layana et Robin se préparent aux microphones, les textes sur un pupitre devant eux. Bien qu'ils s'apprêtent à avoir des rapports sexuels audio pour la première fois, ils semblent plutôt détendus.
Robin, écrivain et comédien audio, a, lui aussi, simplement lu le script quelques fois au préalable. «Les exercices vocaux juste avant l'enregistrement sont très importants», explique-t-il. Ils permettent de ne faire qu'un avec soi-même. Il se masse donc le visage et tente d'assouplir l'articulation de sa mâchoire.
Peu après, l'enregistrement commence. Layana et Robin ne se trouvent plus dans le studio d'enregistrement frais et sombre, mais dans une clairière lumineuse en été. Au fil du script, de petites modifications subtiles surviennent: ils raccourcissent inconsciemment des phrases, répètent des exclamations sous le coup de l'extase, rient malicieusement ou ajoutent un léger gémissement.
Au moment de la scène de sexe, le courant passe si bien entre eux qu'on en oublierait presque la réalité. Pourtant, ils lisent encore tout sur un script - et se tiennent en plus à moins d'un mètre l'un de l'autre. Leurs voix sont érotiques, exigeantes, voluptueuses. La scène de sexe, qui s'étend sur quatre pages dans le script, est prononcée de manière si électrisée qu'au bout de quelques minutes seulement, l'un des deux personnages atteint le point culminant.
Dès que la première prise est terminée, la réalisatrice demande s'il y a des demandes de modification. «Eh bien, je ne dirais jamais "détrempé", lance Robin Astera. Cela sonne trop peu érotique.» Le mot est rapidement remplacé par «humide» ou «mouillé». «Pas de problème», répond Charis en souriant.
Afin d'avoir un plus grand choix lors du montage de la pièce radiophonique, un deuxième enregistrement suit. Ici, l'accent est mis uniquement sur la scène de sexe. La différence est évidente: la deuxième fois, tout semble encore plus réaliste que la première. Et ce, bien que les deux n'aient pas encore eu de contact physique d'une quelconque manière.
Mais avant que l'ambiance ne retombe, les intervenants doivent encore une fois se mettre au travail. «Je veux que vous gémissiez pendant une minute entière», demande la réalisatrice. Cela pourrait ensuite être placé aux bons endroits dans la pièce radiophonique.
Ce n'est pas une tâche facile, avouent les intervenants. En effet, l'hyperventilation peut vite arriver. Robin commence. Sur commande, il commence d'abord doucement, puis avec de plus en plus de plaisir, de bruit et d'exigence.
Au bout d'une minute et demie, il a terminé - il est stupéfiant de constater que tout cela n'est que du cinéma. Layana émet ensuite, elle aussi, des gémissements et des exclamations sexuelles, qui semblent être bien plus que de simples enregistrements sonores joués.
Ensuite, ils tombent dans les bras l'un de l'autre, rayonnants de joie - le premier vrai contact physique entre eux pendant la séance. Alors, comment se sentent-ils si peu de temps après l'enregistrement?
Ils rayonnent comme s'ils venaient d'avoir plusieurs orgasmes.
Après une pause, ils enregistrent d'autres passages de la même histoire. L'objectif est de trouver les meilleurs passages possibles et d'en faire un porno audio idéal, explique Charis. La plupart du temps, l'enregistrement d'une pièce radiophonique d'une dizaine de minutes dure entre deux et quatre heures. Viennent ensuite le montage et l'édition. La production d'un livre audio érotique est donc bien plus complexe qu'on ne le pense au premier abord.
Et contrairement aux petits films érotiques, on peut en profiter sans que personne s'en rende compte. Qui sait ce qui passe dans les écouteurs de la personne en face de vous dans le bus?
(Traduit par Chiara Lecca)