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Témoignage watson

Onlyfans: cette Romande paie ses études en évaluant des pénis

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Cette Romande a financé ses études en évaluant des pénis sur Onlyfans

Une étudiante en droit pensait avoir trouvé le moyen de se faire de l'argent facilement. La précarité de la plateforme érotique l'a finalement conduite à se dénuder à visage découvert alors qu'elle ambitionne de devenir avocate. L'organisation suisse de défense des intérêts des travailleurs du sexe met en garde contre les dangers entourant les profils inexpérimentés.
12.03.2023, 07:5713.03.2023, 12:24
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Le coût de la vie en Suisse ne cesse d'augmenter et, avec lui, la difficulté des étudiants pour tenter de joindre les deux bouts. De fait, passer ses fins de journée et ses week-ends à la caisse d'un magasin ou à faire du baby-sitting ne suffit plus. Désormais, dans l'ombre de ces jobs alimentaires, c'est un secteur bien loin des métiers traditionnels qui attire les poches vides des universitaires: le monde du «X» 2.0 et ses outils phares tels que Onlyfans.

Si de nombreux étudiants pensent à y évoluer en tant que créateurs, rares sont néanmoins ceux qui sautent véritablement le pas. Eléonore* n'aurait d'ailleurs jamais pensé se lancer sur la plateforme à contenu érotique. Mais la Romande en dernière année de bachelor en droit avoue avoir été séduite par la simplicité du gain:

«Comme tout le monde, je me suis dit que c’était de l’argent facile. J’ai donc décidé de mettre ma morale de côté»
Eléonore*, 24 ans, étudiante en droitwatson

«Girlfriend experience»

Car depuis six ans, en dehors de ses cours, Eleonore*, 24 ans, travaille comme caissière à la Coop. Et les 2000 francs générés par mois servent à peine à payer son loyer, son assurance maladie, son abonnement général CFF et ses courses. Alors, en été, elle travaille aussi dans le secteur du nettoyage. Problème: de toutes ces activités, Eléonore* récolte surtout de l'épuisement physique et mental, au détriment de ce qui compte le plus à ses yeux, ses études:

«Aujourd’hui, par exemple, je n’ai pas réussi à aller en cours. Mon horaire de 11 heures à 22 heures, hier, m'a épuisée»
Eléonore*, 24 ans, étudiante en droitWatson

En janvier 2022, lassée, l’étudiante diminue son horaire à la Coop. Face aux difficultés financières, et suite aux recommandations d'une connaissance créant du contenu sur Onlyfans, cette dernière décide de rejoindre ce qu'elle imagine être un eldorado:

«J’avais désespérément besoin d’argent»
Eléonore*Watson

Seule, dans son studio, à l'abri des regards et plus particulièrement du jugement de sa famille qu'elle s'interdit de mettre au courant, l'élève en droit décide de proposer anonymement plusieurs offres particulières:

«Je ne partageais que des photos de mon corps en lingerie. J’avais aussi décidé d’évaluer le pénis de mes abonnés. Ils pouvaient choisir entre une critique honnête ou qui enjolive la réalité. Il y en avait aussi un qui avait payé pour bénéficier d'une "Girlfriend experience": je devais lui parler comme si j’étais sa copine, pendant une semaine, mais à distance. Cela consistait à lui écrire quotidiennement, lui demander comment il allait, s’il avait bien dormi, ce qu’il comptait faire de sa journée, etc.»
Eléonore*, 24 answatson

Réalité biaisée

En échange, le trentenaire lui verse 50 francs par jour. «Je n’avais pas osé fixer des prix mirobolants vu que je venais d'arriver dans le milieu», se remémore-t-elle, pensant à l'époque que les prochains jours allaient lui être favorables. Mais le temps défile et le trafic ne décolle pas. En réalité, les profils anonymes comme celui de la jeune femme se comptent par milliers sur la plateforme. Pour Eléonore*, le manque à gagner est une désillusion.

Il faut dire que le mythe de l'argent facile porte Onlyfans depuis ses débuts. En 2022, la plateforme s'est hissée au 47e rang des sites internet les plus visités au monde avec une croissance de plus de 500% acquise durant la pandémie Covid, rapportent les statistiques respectives de Semrush et de Business insider. Les stars d'Onlyfans ont aisément fait miroiter des fortunes colossales encaissées en supposant pour la plupart du temps n'y poster que de simples photos en maillot de bain, et ce, durant leur temps libre. Or, comme le souligne Rebecca Angelini:

«Le travail du sexe n'est pas un hobby. C'est un vrai métier, avec un cadre à respecter et des risques à prendre en compte avant de le pratiquer»
Rebecca Angelini, directrice de ProCoRe, l'organisation suisse de défense des intérêts des travailleurs du sexewatson

Pour la directrice de Prostitution Collective Réflexion (Procore), l'organisation suisse de défense des intérêts des travailleurs du sexe, ce genre de communication éclipse la précarité du métier. «Il n’y a qu’une infime partie des travailleurs et travailleuses du sexe qui gagnent bien leur vie dans ce domaine», insiste-t-elle en rappelant un danger inhérent: «La réalité du terrain souvent galvanisée par un besoin urgent d’argent peut pousser une personne non expérimentée à adopter des comportements à risque pour arriver à ses fins». Eléonore en a, en effet, fait l’expérience.

Des cas comme celui de ce mannequin sont donc exceptionnels:

Limites dépassées

Avant de créer du contenu sur Onlyfans, Eléonore* explique s'être imposée plusieurs restrictions. Elle ne voulait ni rencontrer un abonné dans la vie réelle ni poser en montrant son visage. Mais pour améliorer ses rentrées d'argent, la jeune femme de 24 ans déroge à la seconde règle: «C'était la seule manière de me distinguer des milliers d’autres profils anonymes, et donc, d’obtenir plus rapidement des abonnés», justifie-t-elle. Et la démarche porte ses fruits.

Par appât du gain, Eléonore* empiète toujours plus sur ses propres limites: elle envoie des photos «plus osées» à des abonnés exclusifs qui déboursent davantage. «J'ai également commencé à partager des photos en lingerie avec mon visage découvert sur mon compte Twitter personnel qui était pas mal suivi. C’était un moyen d’obtenir plus d’abonnés sur Onlyfans. Ça a superbement bien fonctionné.»

En cinq mois, le salaire le plus élevé que l’étudiante récolte grâce à Onlyfans s'élève à 700 francs. Cette dernière réalise que, si l'on n'est pas influenceur ou célèbre au départ, la plateforme n'est, en fait, «pas rentable»:

«Avec un contrat de huit heures par semaine, dans mon job d'étudiant, je gagne environ 750 francs par mois. Or, créer du contenu sur Onlyfans pouvait me demander jusqu’à 48 heures de travail par semaine pour, au final, ne pas gagner plus et qui plus est, de manière aléatoire selon les mois.»
Eléonore*, 24 ans, étudiante en droitwatson

La célèbre plateforme censée aider financièrement l'étudiante se mue progressivement en une corvée. Alors que les examens de fin d'année approchent, ses abonnés réclament leur dû. Du côté d'Eléonore*, c'est la perte de contrôle:

«Certains visiteurs qui avaient payé pour recevoir du contenu me harcelaient pour que je leur réponde. Un autre voulait sortir avec moi et me suppliait que l’on se rencontre. Je culpabilisais énormément. Je n'étais plus concentrée en cours.»
Eléonore*Watson

La pression et l'investissement accordés étant devenus trop importants, la Romande prend la décision de mettre un terme à son activité sur Onlyfans en juin 2022.

Déstigmatiser les métiers du sexe

Aujourd’hui, la jeune femme qui s’apprête à terminer son bachelor compte poursuivre sa formation avec un master. Ayant bloqué l'audience suisse de toutes les plateformes dans lesquelles elle était apparue dénudée, Eléonore* affirme ne pas craindre pour son avenir professionnel. Et si cette expérience devait être révélée au grand jour, celle qui ambitionne de défendre des clients dans le domaine du civil se rassure: elle n'a jamais partagé de photos «plus obscènes que ce que l'on peut généralement voir sur les réseaux sociaux grand public». Elle explique avoir du moins pris soin d’intégrer un filigrane qui garantisse que ces images ne soient jamais réutilisées sans son accord, sous peine de poursuites.

Mais, objectivement, Eléonore* pourra-t-elle réellement devenir avocate plus tard? «Oui, c'est possible. Mais il se peut qu'elle fasse malheureusement face à des préjugés», répond Rebecca Angelini. Certes, la directrice de Procore regrette que beaucoup de créateurs de contenus dévoilant leur identité sur de telles plateformes oublient «qu'une fois que l'on publie quelque chose sur internet, c'est à vie». Néanmoins, pour son organisation, la priorité est surtout de lutter contre la stigmatisation qui entoure plus globalement les métiers du sexe:

«Il est impératif de rappeler que le travail du sexe est avant tout un métier. Il ne faut pas pénaliser ceux y ayant évolué»
Rebecca Angelini, directrice de Procore, l'organisation suisse de défense des intérêts des travailleurs du sexewatson

Pour protéger les travailleurs du sexe et ceux visant à l'être, la solution de Rebecca Angelini est claire: informer et obtenir plus de droits et de possibilités de travail légal. L'expérience d'Eléonore* lui permet de rappeler que les étudiants travaillant sur des plateformes érotiques ne connaissent souvent aucun référent officiel qui puisse les aider dans leur parcours. Procore et ses 27 organisations affiliées ont justement cette ambition en Suisse. La directrice nationale cite notamment Aspasie, à Genève, et Fleur de Pavé à Lausanne, toutes deux à l'origine de Call me to play. Le site d’annonces érotiques mis en place par ces associations de défense des droits des travailleuses et des travailleurs du sexe est entièrement gratuit. Il permet à ces derniers de recevoir toutes les informations nécessaires à un métier dans le domaine, en limitant les risques.

Eléonore* n'est pas retournée sur Onlyfans depuis l'été dernier. Elle précise cependant n'avoir ni supprimé son compte ni les photos qui s’y trouvent:

«Je ne me vois pas recommencer depuis le début en recherchant à nouveau des abonnés, si un jour j’avais à nouveau besoin d’un peu d’argent»
Eléonore*, 24 ans, étudiante en droitWatson

Mais l'étudiante est formelle: «Je ne deviendrai jamais créatrice de contenu érotique à 100%. Mon but reste de devenir avocate».

*Nom connu de la rédaction

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