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Témoignage watson

Noma à Copenhague: «J'ai goûté du pénis au menu»

Noma à Copenhague: «J'ai goûté du pénis au menu»
Le menu de tacos que je mets en entier dans ma bouche, ce n'est pas chez Noma. C'était au Mexique mais je trouvais que ça faisait une bonne photo de teaser.watson
Témoignage watson

J'ai goûté du pénis chez Noma et c'est le meilleur zizi que j'ai mangé

Je suis allée chez Noma à Copenhague mi-janvier, c'est-à-dire une semaine après que le chef René Redzepi a annoncé qu'il fermait son restaurant en 2024. Une expérience extraordinaire qui sera difficile à égaler.
31.01.2023, 18:4416.02.2023, 13:32
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L'annonce a fait le tour du monde: Noma fermera ses portes à la fin de l'année 2024. Alors qu'il est difficile d'avoir une table dans ce restaurant triplement étoilé de Copenhague, c'est désormais impossible (le site affiche actuellement sold out).

Noma fait rêver les amateurs de cuisine du monde entier. Il y a quelque chose de mystérieux autour de ce restaurant et autour de son chef, même s'il n'a pas toujours eu bonne presse. C'est un peu le Willy Wonka de la cuisine nordique.

Sacré plusieurs fois meilleur restaurant du monde par le World’s 50 Best, Noma fermera ses portes pour se transformer en un laboratoire culinaire, même si ça n'est pas encore très clair. Ce qui est clair par contre, c'est que le chef et toute son équipe, c'est-à-dire 70 personnes, poseront leurs valises à Kyoto le temps d'un pop-up de deux mois, entre le 15 mars et le 20 mai 2023.

J'ai mangé chez Noma mi-janvier, une semaine après cette annonce... Pur hasard du calendrier. Nous avions réservé avec des amis il y a 6 mois (en vérité, il y a 3 ans, mais le Covid a bousculé nos plans). Les réservations fonctionnent par saison. Du 25 octobre au 18 février, c'est la saison de la chasse et de la forêt. Ça ne veut pas dire que les véganes ne sont pas les bienvenus, mais ils auront probablement plus de plaisir en été, à la saison des légumes.

Noma est situé un peu en dehors de la ville de Copenhague. En fait, quand on arrive, on ne voit pas le restaurant. Un hipster comme le Danemark les façonne si bien prend notre nom et nous indique le chemin. On marche sur une allée entourée de graminées avant de se retrouver devant une porte ornée de bois de rennes. Probablement qu'elle est décorée ainsi, car c'est le thème chasse et forêt. Par contre, aucune mention du nom du resto. A quoi bon? Tout le monde sait que c'est Noma.

Quelque chose me dit qu'on va manger du renne.
Quelque chose me dit qu'on va manger du renne.Image: watson

On pousse la porte et deux serveuses nous demandent tout de suite de les suivre. Pour rejoindre notre table, on passe devant les cuisines qui sont littéralement au milieu de la salle et toute la brigade s'arrête de travailler et se met en rang pour nous saluer. Ça fait clairement son effet. La prestigieuse expérience commence alors qu'on n'est même pas encore assis.

Les cuisines sont au milieu du restaurant. Il n'y a personne sur la photo car c'est la fin du service de midi. Il est 4 heures.
Les cuisines sont au milieu du restaurant. Il n'y a personne sur la photo car c'est la fin du service de midi. Il est 4 heures.Image: watson

Côté déco, c'est ambiance hygge: du bois, des lumières tamisées, des branches suspendues au plafond, la souche d'un arbre comme déco et des peaux de bête sur des chaises de design danois. On se sent dans un cocon ultra cozy.

Niveau ambiance, ça change des établissements étoilés classiques dans lesquels on n'entend pas une mouche voler. Les clients ne chuchotent pas et les cuisiniers non plus. Régulièrement, on entend la brigade crier: «Yeeees!» en cœur. On a un peu l'impression d'être face à une secte. On apprendra plus tard que c'est un moyen d'avoir une parfaite communication entre les différents postes. D'ailleurs, le film The Menu se moque de cette façon de procéder en cuisine. Espérons que notre expérience n'aura pas la même issue.

Le menu, prédéfini, est secret jusqu'à la fin du lunch. Pour accompagner les 16 plats, on a le choix entre un pairing avec du vin ou un pairing avec de la kombucha maison. Je n'ai jamais fait un gastro sans vin. Je n'ai d'ailleurs jamais fait un gastro sans finir bourrée au bout du quatrième verre. Comme j'ai envie de rester concentrée jusqu'au bout, j'opte pour le pairing de kombucha.

Côté vaisselle, pas de cristal: les verres sont en verre, mais il y a un vrai souci du détail, comme ces étiquettes sur les bouteilles de kombucha qui sont en terre cuite.
Côté vaisselle, pas de cristal: les verres sont en verre, mais il y a un vrai souci du détail, comme ces étiquettes sur les bouteilles de kombucha qui sont en terre cuite.Image: watson

Chez Noma, les kombuchas sont sans gaz ce qui peut surprendre si on est habitué à celles de la grande distribution. Certaines étaient au coing et au fenouil, d'autres étaient au pin et au géranium. La plus surprenante restera celle à la chanterelle.

La tête dans le sous-bois

Le premier plat arrive: cœur de renne délicatement présenté sur des branches de mélèze et à manger avec les doigts. Les morceaux laqués fondent dans la bouche, on s'en lèche littéralement les doigts, ce qui surprend certains clients qui viennent d'arriver (dans quelques minutes, ils passeront par là, eux aussi). L'Immersion est entière et directe. On a dès la première bouchée la tête dans le sous-bois.

Le tartare de cœur de renne est présenté comme un sandwich.
Le tartare de cœur de renne est présenté comme un sandwich. Image: watson

Le renne, on va le retrouver dans la plupart des plats (même le dessert), façon de dire que Noma ne gaspille rien. On mange donc du tartare de cœur de renne, du filet de renne, de la cervelle de renne et même du pénis de renne. Je comprends mieux pourquoi on ne nous a pas donné le menu au début du repas. Qu'on s'entende, ce n'est pas qu'ils posent un zizi sur une assiette... c'est quand même subtile. Il s'agit plutôt d'une salade d'épeautre aromatisée au pénis de renne. Si on ne le sait pas, on ne s'en rend pas compte. En vrai, qui est capable de dire:

«Je reconnais, c'est du pénis de renne!»
C'est couillu de mettre du zizi dans un plat.
C'est couillu de mettre du zizi dans un plat.Image: watson

La plupart des plats sont à manger avec les mains. Le genre de détail qui change radicalement l'expérience. Dans combien de restaurants triplement étoilés a-t-on l'occasion de tremper un morceau de viande rouge à peine saisi dans une sauce grasse et épaisse et de s'en mettre plein les doigts au point de les lécher (parce que ma foi, c'est trop bon)? Manger avec les doigts, ça se fait dans plusieurs cultures: la cuisine éthiopienne, la cuisine japonaise, la street food américaine... mais en Europe, c'est plutôt rare. Chez Noma, nous n'avons d'ailleurs jamais mangé avec une fourchette. Quand il y avait un couvert, c'était uniquement une cuillère.

Et puis cette façon de manger n'est pas nouvelle chez Noma, car le restaurant n'a pas ouvert hier. Ça fait 20 ans que son chef René Redzepi a révolutionné la cuisine scandinave. Un vendeur de l'imprononçable food market Torvehallerne me confirmera d'ailleurs que l'établissement a bousculé la culture de la nourriture au Danemark. Grâce à Noma, les gens se sont rendu compte qu'il y avait des ressources incroyables et un potentiel énorme.

Le plat de résistance: le filet de renne à manger avec les doigts.
Le plat de résistance: le filet de renne à manger avec les doigts.Image: watson

Autre détail qui change des autres restaurants gastronomiques: le service. Il y a bien une sommelière et une serveuse attitrées pour chaque table, mais la plupart des cuisiniers viennent présenter chacun un plat, ce qui donne ce lien avec la cuisine. On est d'ailleurs surpris à quel point chacun s'exprime comme s'il avait fait le concours oratoire, mais sans le côté pompeux.

Par contre, comme dans beaucoup de restaurants gastronomiques nouvelle génération, il n'y a pas de pain à table, histoire que les clients ne se goinfrent pas entre les plats et n'aient plus faim après les entrées. Mais l'un des serveurs nous explique que s'il voit des clients qui ont faim, ils en ont en réserve. On n'a pas osé demander comment il voyait que les gens avaient faim.

Cette boule adorable est moelleuse comme un câlin. A l'intérieur, de la viande d'ours. Il fallait ensuite lécher la cuillère de caramel salé.
Cette boule adorable est moelleuse comme un câlin. A l'intérieur, de la viande d'ours. Il fallait ensuite lécher la cuillère de caramel salé. Image: watson

La présentation des plats est «simplexe», elle semble simple, mais elle est complexe. Disons qu'il n'y a pas de chichi à la pince à épiler. Chaque assiette respecte le thème «chasse et forêt». Parfois, des feuilles mortes, de la mousse ou des branches viennent mettre en valeur la nourriture, d'autres fois, on mange carrément dans une feuille, d'autres fois encore la déco est directement en lien avec le produit. Par exemple, la cervelle de renne était servie dans le crâne de l'animal. Il fallait retourner l'os et le racler avec une cuillère.

La cervelle de renne.
La cervelle de renne.Image: watson

Les desserts

Le dessert à l'assiette à la Française, il faut oublier chez Noma. A la place, une glace au safran, pavot et copeaux de chocolat, le tout servi dans un petit pot en cire d'abeille qui a l'air comestible. Le serveur nous précise d'ailleurs: «Oui, ça a l'air de se manger, mais ça ne se mange pas.» C'est simple et pourtant si bon et si juste.

La glace au safran, pavot et copeaux de chocolat était servie dans un bol en cire d'abeille légèrement mou dans lequel on avait très envie de croquer.
La glace au safran, pavot et copeaux de chocolat était servie dans un bol en cire d'abeille légèrement mou dans lequel on avait très envie de croquer.Image: watson

Puis le repas se termine sur une bougie. Quatre des cuisiniers posent devant chacun d'entre nous une vraie bougie allumée. Il faut attendre que la mèche, comestible, s'éteigne pour manger un caramel mou au sang de renne. Le trompe-l'oeil est bluffant. C'est la meilleure bougie que j'ai jamais mangée. Comme pour le pénis, ce n'est pas qu'on sent le goût du sang, mais on ne s'y attend pas du tout, un peu comme si René Redzepi nous mettait une dernière claque, histoire qu'on n'oublie pas que Noma est le meilleur restaurant du monde.

Là par contre, on pouvait croquer la bougie à pleines dents. Le trompe-l'oeil était vraiment parfait.
Là par contre, on pouvait croquer la bougie à pleines dents. Le trompe-l'oeil était vraiment parfait.

Mes attentes en entrant dans ce restaurant étaient si grandes que je me disais que j'allais forcément être déçue. Mais Noma m'a subjuguée par son univers, par son originalité, pas sa cohérence.

Quant à la facture, c'est très cher, mais pas de surprise. En réservant, on paie déjà une partie, ce qui permet de se faire une petite idée. Le repas aura coûté 700 francs par personne (vin compris).

L'expérience se conclut sur une visite de l'établissement. C'est l'hipster du début qui nous accompagne. On passe dans l'arrière-cuisine, là où la brigade qui a terminé son service est en train de mettre des aliments dans des Tuppeware, puis on traverse la cafeteria du staff. On peut poser toutes les questions qu'on souhaite. On apprend par exemple que les cuisiniers et les serveurs mangent tous les matins le même petit-déjeuner à la Japonaise avec du riz, car le chef est fan du Japon. On apprend également que ce repas ne plait pas à tout le monde.

Finalement, on est raccompagné jusqu'à l'entrée extérieure du restaurant, là où le hipster nous a accueillis il y a environ 4 heures. Désormais, il fait nuit. Les hivers à Copenhague sont rudes. Le soir-même, c'est-à-dire deux heures après, on est allé manger chez Polp, le resto de burgers du Noma. C'est pas qu'on avait faim, c'est juste qu'on est des porcs et que le froid, ça creuse. Le burger, excessivement simple, était délicieux. Big up au pain moelleux et à la sauce légèrement piquante.

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Les restos, c'est pas toujours super...

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J'avais déjà un avis sur les restaurants gastronomiques

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