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Journée des droits des femmes: la Suisse reste frileuse

Des femmes manifestent lors d'une marche a l'ocasion de la greve feministe ce mardi 14 juin 2022 a Geneve. (KEYSTONE/Valentin Flauraud)
Grève féministe du 14 juin 2022 à Genève.Image: KEYSTONE
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Egalité des genres: la Suisse reste frileuse

Mardi 7 mars, le Conseil national a refusé de dépénaliser l'avortement. Le Conseil des états a quant à lui accepté de redéfinir la notion de viol, à certaines conditions. Deux décisions prises la veille de la Journée internationale du droit des femmes, qui montrent encore une certaine réticence face à plus d'égalité.
08.03.2023, 18:5509.03.2023, 05:39
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Mardi 7 mars, le Conseil national a décidé de ne pas retirer l'avortement du Code pénal suisse. En clair, en 2023, cet acte reste officiellement illégal dans notre pays.

Le même jour, le Conseil des Etats s'est quant à lui prononcé sur la redéfinition du viol, acceptant notamment d'intégrer l'état de sidération (lorsque la personne est incapable de réagir). Elle restera toutefois basée sur le refus: pour que le viol soit reconnu et condamnable, la victime doit s'y opposer, verbalement ou non verbalement. Cette définition est en opposition à la solution du «seul un oui est un oui», basée quant à elle sur le consentement de toutes les parties impliquées.

Deux décisions prisent la veille du 8 mars, Journée internationale du droit des femmes, qui illustrent la réticence encore présente chez certains parlementaires lorsqu'il s'agit d'égalité des genres. Explications.

L'avortement restera pénal

Sur Twitter, Santé sexuelle suisse a réagit au maintien de l'avortement dans le Code pénal:

Léonore Porchet (Verts/VD) est à l'origine de cette initiative (déposée en juin 2022). Citée par la RTS, elle réagit à la décision du national et regrette «qu'aujourd'hui encore, les personnes concernées soient culpabilisées pour leur décision ou subissent des pressions pour renoncer à un avortement».

Noëmi Grütter, co-présidente de Santé sexuelle suisse, affirme quant à elle que la pénalisation de l'avortement ne correspond plus à la réalité en Suisse. Pourquoi? Premièrement, car selon le Code pénal, les personnes concernées doivent se justifier en invoquant une situation de détresse pour avoir recourt à cette procédure. «Une personne qui souhaite avorter n'est pas forcément en situation de détresse», explique-t-elle. «Elle n'a peut-être simplement pas envie d'avoir un enfant, point». Et d'ajouter:

«On ôte le droit des femmes à l'autodétermination sur leurs propres corps»
Noëmi Grütter, co-présidente de Santé sexuelle suisse.

Secondement, aucun avortement n'a été pénalement condamné depuis 20 ans. Un constat qui amène Santé sexuelle suisse à se questionner sur la pertinence de son maintient dans le Code pénal. Yves Nidegger (UDC/GE) justifie toutefois:

«Depuis vingt ans, il n'y a plus eu de poursuites pénales liées à un avortement, soit l'année même du plébiscite populaire pour le régime des délais. Ce régime rend de facto licite l'avortement, s'il est effectué dans le délai de 12 semaines. C'est donc une initiative purement symbolique, absurde»
Noëmi Grütter, co-présidente de Santé sexuelle suisse.
Noëmi Grütter, co-présidente de Santé sexuelle suisse.

Noëmi Grütter ne se décourage pas pour autant, et pour cause: l'initiative n'a été rejetée que de 99 voix contre 91, avec 6 abstentions. Elle espère qu'un jour, l'avortement (dans un délai de 12 semaines) sera inscrit dans une loi sur la santé sexuelle, par exemple.

«Une partie du corps médical et de la population perçoit encore cette intervention comme illégale. Elle l'est à priori, puisqu'elle figure toujours dans le Code pénal», rappelle-t-elle. Une image qui empêcherait de nombreuses personnes d'y avoir recours, et qui offrirait à certains professionnels de la santé un argument pour ne pas la pratiquer.

«Non c'est non»

Toujours sur Twitter, c'est Amnesty International qui s'est cette fois-ci exprimée sur la modification du droit pénal sexuel:

Noëmi Grütter s'est engagée dans la campagne en faveur de la solution «seul un oui est un oui» aux côtés de l'ONG. Comme d'autres de ses homologues (les conseillères nationales Tamara Funiciello (PS/BE) ou Léonore Porchet (Les Verts) notamment), elle est satisfaite de cette redéfinition du viol, même si, selon elle, les parlementaires ne sont pas allés jusqu'au bout.

«Face à la composition, majoritairement masculine, de notre parlement, nous avons obtenu la solution maximale»

Désormais, le refus exprimé par la victime pourra être implicite comme explicite, verbal ou non verbal. La notion de sidération permettra quant à elle de condamner l'agresseur, même si la victime n'était pas en mesure de dire «non» d'une manière ou d'une autre.

Qu'en sera-t-il toutefois face à d'autres types de situation, par exemple lors d'agressions sexuelles par surprise? Noëmi Grütter répond:

«Dans le futur, j'espère que les juges s'assureront qu'il y a eu consentement avant la pénétration sexuelle»

Et de préciser: «Dans la pratique, cette modification de la loi se rapproche énormément du "seul un oui est un oui". Par exemple: une simple main mise devant la personne pourrait être considérée comme un refus.»

Une meilleure sensibilisation

Deux autres améliorations vont également être apportées au Code pénal.

La première stipulera que toute pénétration, peu importe sa nature, peu importe le genre des personnes impliquées, sera considérée comme un viol. La seconde obligera systématiquement les agresseurs sexuels à suivre un programme de sensibilisation. Car comme l'explique Noëmi Grütter: «La majorité d'entre eux ont tendance à récidiver.»

Ce dernier point, qui doit encore être implémenté dans la pratique, permet de pointer du doigt la responsabilité de l'agresseur (et non plus de la victime) et offre désormais une plus grande marge de manœuvre lors de la prévention sur la notion de consentement et de violences sexuelles.

Un travail de fond

Si le refus de l'initiative sur la dépénalisation de l'avortement déçoit Noëmi Grütter, la réforme du droit pénal sexuel démontre que le travail de fond déployé depuis 4 ans, notamment par les milieux féministes, porte ses fruits et fait changer les mentalités. D'après elle, une telle avancée n'aurait jamais été possible par le passé:

«La Suisse n'est pas le pays le plus progressiste en matière d'égalité de genres. Les décisions se prennent lentement. Mais les parlementaires nous ont dit qu'ils avaient beaucoup appris en écoutant les experts, les activistes et toutes les personnes qui travaillent dans les différents milieux concernés. Ils ont montré qu'ils restent, malgré tout, ouverts à faire des pas en avant»
Noëmi Grütter, co-présidente de Santé sexuelle suisse.

Elle rappelle que la lutte pour l'égalité doit continuer et que les hommes ont un rôle à jouer: «Ils doivent écouter, accompagner, faire entendre leur voix et se rallier aux causes en faveur des droits des femmes».

Selon ses dires, la jeune génération se montre toutefois plus en avance et ouverte sur les questions d'égalité.

«Ils trouvent par exemple que la notion de consentement est totalement normale. Cela nous donne de l'espoir pour la suite»
La première grève féministe de Suisse le 14 juin 1991
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source: keystone
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