Bouchez-vous le nez, c'est bientôt l'heure du grand dégobillage: jeudi, les mémoires de Harry ont été rendus disponibles dans quelques librairies espagnoles. Son titre? En la sombra. Traduction française: dans l'ombre (mais plus pour longtemps). «Nous avons reçu le livre aujourd'hui. Rien n'indiquait que nous ne pouvions pas le mettre en vente avant une certaine date, alors nous l'avons placé dans les rayons.»
Une «erreur» peu crédible. Et une explication d'une tonitruante banalité.
Des fuites espagnoles pour un scandale décidément incontinent. Ce qui devait être la sortie la plus sensible de l’année, escortée à la culotte par une armée d'avocats mandatés par l'éditeur Penguin Random House, est (re)devenu un vulgaire bouquin. Quelques exemplaires extirpés d'un carton ordinaire, puis disposés par des libraires dénués de «grandes nouveautés à proposer aux clients», selon le Dailymail. Profitant (évidemment) d'annoncer qu'ils ont pu se procurer l'arme du crime en espagnol.
Vous voulez un (énième) scoop? Le prince Harry affirme que lui et William ont supplié Charles de ne pas épouser Camilla. Pourquoi? Par crainte qu'elle ne devienne leur «méchante belle-mère». Une campagne orchestrée par la principale intéressée pour qu'elle puisse enfin devenir reine. Tout un programme.
Le bouquin doit sortir le 10 janvier et on est épuisé avant lui. Depuis quelques jours, les médias américains et britanniques rivalisent d'opportunisme musclé pour ébruiter des révélations en stéréo. Toutes les deux heures, son lot de tacles au-dessus du genou. Meghan serait «difficile», «grossière», «abrasive». William aurait agrippé Harry par le col et jeté au sol. Quid de l'uniforme nazi?
Dans quelques heures, vous apprendrez peut-être que Kanye West a été le dealer de Meghan, qu'Elizabeth II était un extraterrestre et que le cul de Harry, c'est du poulet. Le tout, bien avant de vous ruer chez Payot.
Si, hier encore, «seule une poignée de cadres supérieurs» étaient assis sur leur exemplaire en primeur, nous voilà tous sous le robinet à scandales, flux en continu, la bouche grande ouverte.
Certains libraires vont se faire méchamment taper sur les doigts, des amendes et des menaces de procès vont voler. Tout cela, of course, «par accident».
Spare aurait dû se lire comme un roman de gare «tiré d'une histoire vraie», entre le bain du petit dernier et le film du soir. Mais la bombe éditoriale s'est transformée en bombe à fragmentations médiatiques. Et c'est probablement mieux ainsi.
Les gamins de la couronne ont toujours été beaucoup moins à l'étroit dans la presse quotidienne à tintamarres, que dans les 416 misérables pages d'une intrigue aigrie et revancharde, dont on connait déjà la fin: la reine nous manque terriblement.