Quand je vous dis «Marilyn», vous voyez quoi? L'éclat d'une chevelure platine, d'un gloss vermillon, d'une robe de satin blanc ondoyant au-dessus d'une bouche de métro? Un grain de beauté, une parure de diamants sur une poitrine laiteuse, ou encore un maillot de bain vintage? Peut-être vos souvenirs ne sont-ils pas que visuels. L'effluve du mythique Chanel Numéro 5? Ou encore ce timbre de voix susurrant un «Happy Birthday, Mister President», si doux, si fragile, de ceux qui font jaillir en nous un irrépressible désir de protection?
Marilyn Monroe. Jamais un patronyme n'a été porteur d'un imaginaire collectif aussi vaste, dégoulinant de glamour, de bling-bling, d'Hollywood et de fantasmes. Soixante ans jour pour jour après sa disparition à Los Angeles, la légende fascine avec la même force.
Une icône qui transcende tout le monde, de la gamine de 8 ans paumée dans son Val-de-Travers natal, à la vedette d'envergure planétaire Kim Kardashian. Chacune, à sa manière, caresse maladroitement le désir de ressembler à ce sex-symbol. L'une se coupera les cheveux (toute seule) pour obtenir le célèbre carré bouclé, l'autre se glissera (avec l'aide d'une troupe d'assistants) dans ses robes de soirée. Toutes deux armées d'une paire de ciseaux... mais sans grand succès.
Aussi caricaturale (et caricaturée) qu'elle soit, Marilyn est inimitable. Jamais une «copie» ne fera l'unanimité. Que ce soit Madonna, Billie Eilish ou encore l'actrice Michelle Williams, qui, à l'occasion de la sortie du film My Week With Marilyn, il y a dix ans, confiait: «Dans le rôle de Marilyn, je ne pouvais qu'être ridicule».
Dernière polémique en date: la comédienne cubaine Ana de Armas dans le biopic Blonde, prévu pour septembre, dont l'accent chantant à peine trop marqué hérisse déjà le poil de téléspectateurs conservateurs.
Ces réactions épidermiques s'expliquent peut-être par le fait que Marilyn semble nous appartenir. Au moins un petit peu. La preuve, on l'appelle par son prénom. Elle a disparu depuis plus d'un demi-siècle, mais son visage est partout. Qui n'a jamais possédé un objet à son effigie? Qu'elle se métamorphose en tableau kitsch sur le mur de la cuisine de Chantal ou en costume bricolé pour une soirée d'Halloween. Qu'elle affole les enchères en sérigraphie signée Andy Warhol et adjugée pour des centaines de millions de dollars ou qu'elle s'écoule sous forme de t-shits, mugs, porte-clefs et autres cadres-photos sur Amazon. Marilyn, et tout ce qu'elle représente, continue de faire vendre et d'alimenter la culture populaire.
Sans compter le succès que rencontre son histoire, encore et toujours, sur les écrans. Pas plus tard qu’hier, je pestais contre la flopée de biopics et autres documentaires aux «révélations inédites» dont on nous abreuve à rythme régulier depuis quelques années... Mais dont on ne se lasse pas, trop curieux de parvenir à gratter derrière le vernis, pourtant inlassablement indélébile, de la femme fatale.
Il est peut-être là, au fond, le secret de la longévité de Marilyn: être un iceberg à la profondeur et aux reliefs longtemps insoupçonnés. Loin sous la surface de poupée douce, docile et simplette, il y a tout le reste: les fragilités, l'intelligence aiguë, la quête effrénée de perfection, les névroses, les failles.
Tout ce qui est un peu moins «poupoupidou»... mais qui rend la légende de Monroe autrement plus éternelle que la coupe au bol d'une fillette de 8 ans aux grands rêves.