Alerte générale. Sydney Sweeney a des seins. De gros seins. Naturels et élevés en plein air. Une poitrine qui fait jaser. L'encre coule à chaque fois que l'actrice américaine de 26 ans les trimballe sur un tapis rouge. A l'instar d'une Billie Eilish, Sydney avoue avoir longtemps privilégié les sweats XXL. Pour détourner l'attention et désexualiser son adolescence. Ces derniers mois, voilà qu’elle libère son corps pour mieux ridiculiser le beauf bedonnant qui se touche derrière son écran.
Toutes les armes sont légitimes quand il s'agit d'esquinter le cliché de la femme-objet, que même l'époque peine à éradiquer.
A 18 ans, elle n'aurait pas dit non à une réduction mammaire. Sa maman l'en empêchera. Aujourd'hui, elle en a fait ses «meilleurs amis». C'est elle qui le dit. Mais ne tombons pas dans le traquenard pour autant: si Sydney Sweeney en joue, c'est parce qu'on en fait tout un foin. Et que ses seins, hélas, font de l'ombre à son talent.
Loin de vouloir en faire quelque chose d'aussi peu affriolant qu'une table basse, Sydney Sweeney a décidé de faire avec. Comme si elle avait le choix. Comme Marilyn Monroe avant elle. Comme pour mieux exposer les cons qui se bousculent à son balcon et se réapproprier le scénario.
En essayant d'incarner «la maîtresse de piste de ce cirque particulier», analyse Hannah Yelin, spécialiste des médias et de la culture à l'Université Brookes d'Oxford, la star d'Euphoria et de White Lotus envoie bouler la passivité que le cinéma imposait aux femmes depuis les années 70.
C’est mieux que rien, diront les autres.
Dans l'émission humoristique Saturday Night Live, sur son compte Instagram ou en interview, Sydney Sweeney défend désormais les «meilleurs seins d'Hollywood», comme les surnomment tendrement ses grands-parents.
En les arrosant de larges éclats de rire.
Bien sûr, les beaufs n'ont pas disparu pour autant. Mais leurs râles préhistoriques sont couverts par les applaudissements des fans et des filles, qui en redemandent. La communauté LGBT l'adore. Parce que, pour ne rien arranger, elle est rigolote Sydney. La bonne copine, la meuf pas compliquée, la partner in crime idéale pour lâcher les chiens pendant une semaine de vacances à Hawaï.
Il n'en fallait pas davantage pour que les conservateurs américains tombent dans le panneau. En quelques semaines, Sydney Sweeney a remplacé Taylor Swift dans le cœur inconsolable des citoyens qui n’imaginent pas faire caca sans le drapeau des Etats-Unis sous le bras. Ils ont d'ailleurs mis du temps à admettre que l'ex-country-girl de Nashville n'a jamais été la «fille de l'Amérique» qu'ils imaginaient.
Hélas, n'ayant rien appris de ses erreurs, l'Oncle Sam réac s'est engouffré dans le décolleté de la future meilleure actrice de tous les temps. Pour célébrer le retour des deux mamelles d'une Constitution américaine piétinée par le progressisme. Ils en sont persuadés et ne s'en cachent pas: la jeune-blonde-yeux-bleus-gros-nibards va Make America Great Again. A l'image du média canadien conservateur The National Post, l'heure est à la prosternation devant l'antithèse de «la féministe agressive».
Et pas question de peser les mots:
Si ce manifeste suinte la parodie et le mâle en guerre contre sa propre testostérone, il est pourtant l'œuvre d'une femme. Pour la journaliste Amy Hamm, «les gens veulent voir de la beauté à la télévision, mais en sont privés parce que l'attractivité est jugée immorale».
La patience et le courage rafraîchissant de Sydney Sweeney, de toute évidence trop sexy pour être de gauche, ont été interprétés comme le top départ d'une liberté d'expression retrouvée. Après des années de «wokisme» durant lesquelles baver devant les seins d'une actrice ressemblait à un acte de désobéissance civile.
En 2024, certains chrétiens nationalistes pensent sincèrement que Sydney fait péter le soutif en l'honneur du Premier amendement, comme Superman déchirait sa chemise avant d'aller secourir les New-Yorkais.
Derrière cette hystérie conservatrice, il y a un tacle à peine voilé dans les genoux de la communauté LGBT, accusée de vouloir cacher ce sein que l'on ne saurait voir. En tombant sur un article de The Spectator, on comprend que les Américains qui votent rouge n'ont jamais vraiment digéré la fin de carrière de Pamela Anderson.
Face au «corps hyperbolique» de Sydney Sweeney, l'écrivaine Bridget Phétasy, toutes voiles dehors, soutient que «les Américains normaux, hommes et femmes, se sont trop longtemps habitués à devoir marcher sur des œufs avec la blonde aux gros nichons». A l'instar d'une gamine injustement privée de sa Barbie.
Pourquoi le parti de Donald Trump a-t-il sagement attendu Sydney Sweeney pour élire sa nouvelle Marianne et déboucher le champagne? Scarlett Johansson, pour ne citer qu'elle, aurait très bien pu faire l'affaire. Selon le magazine américain Slate, les conservateurs attendaient bêtement le feu vert. La blonde consentante. La cheerleader qu'il n'est pas utile de convaincre. Celle qui affiche ses courbes et les assume. Celle qui est suffisamment à l'aise avec son corps pour tourner à poil, comme dans la série Euphoria.
En vérité, c'est encore plus con que ça. Les apôtres MAGA sont tombés amoureux de la «nouvelle fille de l'Amérique» à l'occasion des soixante printemps de sa maman, en août 2022. Parmi les invités, certains arboraient une casquette rouge qu'ils connaissent bien, flanquée d'un slogan détourné: «Make Sixty Great Again».
Sydney réagira sur la plateforme X, pour renvoyer les cowboys du candidat milliardaire à la niche.
Vous vous en doutez bien, l'actrice ne milite pas pour le retour du body rouge sur les plages de Malibu et de Donald à la Maison-Blanche. Elle compose avec un corps qui est le sien. Celui qui n'a, hélas, jamais cessé d'incarner le doudou toxique d'une certaine Amérique, incapable de s'endormir toute seule avec ses angoisses.
Alors au lieu de crier une énième fois au scandale, on pourrait peut-être remercier Sydney Sweeney d'avoir nourri les républicains au sein. En pleine année électorale, c'est l'énième indice de la santé catastrophique d'un parti politique à l'agonie, qui ignore les sujets majeurs et n'a manifestement besoin de personne pour se couvrir de ridicule.