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Suisse: je me suis fait retirer l'utérus et c'était un calvaire

Une femme tenant un utérus en plastique au niveau de son bassin.
Image: Shutterstock

Je me suis fait retirer l'utérus et c'était un calvaire

Cela fait presque quatre ans que je n'ai plus d'utérus et je suis très heureuse depuis. Mais le chemin pour y parvenir n'a pas été simple, car si je peux me faire augmenter la taille des seins ou épiler tous les poils du corps au laser, lorsqu'il s'agit de ma capacité à enfanter, je n'ai apparemment plus le droit de décider par moi-même. Et ce même si je souffre.
18.02.2024, 07:4818.02.2024, 18:20
Nadja Zeindler / ch media
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La plupart des gens savent que donner naissance n'est pas un jeu d'enfant, en particulier pour le corps. Mais qui s'imagine réellement les nombreuses conséquences? Par exemple, l'utérus et la vessie peuvent glisser quelques étages plus bas parce que le plancher pelvien s'est «dégonflé».

J'ai fait cette expérience fascinante après avoir donné naissance à mon fils. Diagnostic: descente de l'utérus et de la vessie. Je ne savais même pas que c'était possible. Mais apparemment, c'est presque normal – jusqu'à un certain point – et cela se résorbe souvent sans que la femme s'en rende compte.

En mars 2020, on m'a enfin retiré l'utérus.
En mars 2020, on m'a enfin retiré l'utérus.Image: zen

Personnellement, j'ai bien remarqué qu'il y avait quelque chose de bizarre – et pour être honnête, quelque chose de dégoûtant – et cela me faisait aussi très mal. Il m'était impossible de faire du sport, même m'asseoir était douloureux, et lorsque je voulais courir pour attraper le tram, j'avais l'impression que quelque chose allait me tomber de la culotte.

La pression du corps médical

Mon médecin m'a conseillé d'attendre ou d'essayer la physiothérapie. Mais même après des mois, la situation ne montrait aucun signe d'amélioration.

J'ai donc cherché d'autres mesures et j'ai découvert la possibilité d'une ablation de l'utérus. Bingo! Mon médecin était toutefois sceptique et moi impatiente. Je suis donc allée voir un autre médecin, qui m'a dit qu'une hystérectomie était possible, mais que se passerait-il si je voulais d'autres enfants? Je n'en voulais pas. «Mais que faire si vous changez d'avis?» Il m'a posé cette question plusieurs fois de différentes manières, et je commençais sérieusement à me demander si ses oreilles n'étaient pas là que pour la décoration.

Même si je voulais d'autres enfants – ce qui n'était pas le cas – je pouvais à peine m'asseoir normalement, comment exactement pourrais-je faire un enfant? C'est là qu'est venu le coup de grâce: «Et votre mari?» Excusez-moi, vous pouvez répéter la question?

La solution

Au final, j'ai trouvé un médecin qui m'a dit exactement ce qu'il fallait: mon problème n'est pas mortel, mais s'il me dérange, on peut y remédier. Et après presque un an à marcher comme si le sol était bouillant, la «chose» est enfin sortie.

A ce moment-là, pour moi, ce n'était rien de plus qu'un appendice ou une dent de sagesse. Ça faisait mal et ce n'était pas vital. Malgré tout, je me suis heurté à une résistance. Et la lutte aurait sans doute pu durer encore plus longtemps. Comme pour beaucoup d'autres femmes.

Un combat pour de nombreuses femmes

Je connais beaucoup de femmes, autant personnellement que sur internet, qui ont eu de grosses difficultés à se faire retirer l'utérus.

Une ablation de l'utérus peut être motivée par différentes raisons, par exemple parce qu'elles souffrent d'endométriose ou parce qu'elles ne veulent tout simplement pas d'enfants. Bien sûr, dans ce dernier cas, il est possible d'utiliser une simple contraception, mais sans compter les nombreux effets secondaires, aucune contraception n'est garantie à 100%.

Il n'est pas nécessaire de se faire enlever un organe entier si l'on veut rester sans enfant. Il y aurait aussi la possibilité d'une stérilisation, qui a des effets similaires – et les mêmes préjugés sociaux. D'un point de vue médical, il ne faut toutefois pas la confondre avec l'ablation de l'utérus.

Il n'existe pas de loi pour l'ablation de l'utérus

Le professeur Michael Müller est co-directeur de clinique et médecin-chef en gynécologie et oncologie gynécologique à l'Hôpital de l'Ile à Berne et président du comité de Gynécologie Suisse. Il explique:

«Lors d'une stérilisation, les trompes de Fallope sont sectionnées ou interrompues, mais l'utérus reste en place. En cas d'ablation de l'utérus, celui-ci est retiré et ne peut plus être remplacé. C'est pourquoi la décision doit être prise en toute connaissance de cause».

La loi n'impose de prescriptions que pour la stérilisation en général. Elle n'est autorisée que pour les personnes âgées de 18 ans et plus, et seulement si elles sont capables de discernement, ont été informées en détail et ont donné leur consentement écrit de manière volontaire. Michael Müller poursuit:

«Il n'existe pas de loi explicite pour l'ablation de l'utérus, mais les points mentionnés peuvent certainement être définis comme des conditions minimales pour une hystérectomie».

De violents vents contraires

Mais qu'il s'agisse d'une stérilisation ou d'une ablation de l'utérus, lorsqu'il s'agit de sa propre fertilité, une femme est souvent confrontée à des vents contraires violents; de la part de sa propre famille, mais aussi de la part des médecins. Et parfois, les raisons deviennent absurdes.

Par exemple, une amie a entendu de son médecin que, par principe, «il ne faisait pas ça» chez une femme de moins de 30 ans. En ligne, il existe d'innombrables femmes qui témoignent d'expériences similaires. L'une d'entre elles a raconté par exemple que son médecin ne le ferait que si elle avait déjà deux enfants.

L'humoriste autrichienne Julia Brandner a partagé la conclusion presque tragico-comique lors d'un talk-show sur la chaîne ARD qui est devenue virale: elle a raconté qu'elle avait dû subir une évaluation psychologique pour prouver sa responsabilité dans une stérilisation. Et de se poser la question suivante:

«Si l'expertise montrait que je ne suis pas saine d'esprit, aurais-je le droit d'avoir des enfants»

Une telle évaluation existe également en Suisse - mais uniquement lorsqu'il s'agit d'une ablation de l'utérus et que la patiente a moins de 30 ans. Le professeur Michael Müller précise:

«Non pas pour définir si la personne est capable de discernement ou non, mais plutôt pour voir si la personne est suffisamment stable pour supporter le fait d'éventuellement regretter sa décision plus tard».

Le médecin a le dernier mot

En fin de compte, la décision revient au médecin qui doit «définir lui-même les conditions dans lesquelles il accepte ou non le ‹mandat›». Par exemple, en cas d'ambivalence de la personne qui souhaite l'ablation de l'utérus ou si le médecin ne peut pas concilier l'intervention avec ses propres convictions.

Le professeur Michael Müller sait lui aussi que les femmes souhaitant se faire retirer l'utérus ont parfois beaucoup de mal à trouver quelqu'un qui pratique l'intervention. L'un des problèmes est également que les médecins doivent se protéger contre d'éventuelles plaintes. Il rappelle:

«Les gynécologues sont souvent accusés de retirer beaucoup trop d'utérus»
Professeur Michael Müller, président du comité de Gynécologie Suisse.

C'est sans doute la raison pour laquelle les médecins ont un tel besoin d'être sûrs que la décision est prise en toute confiance, ce qui est compréhensible. Mais parfois, cela prend des formes non seulement ridicules, mais aussi sexistes. Par exemple, lorsqu'on vous demande ce que dirait le futur homme de vos rêves que vous n'avez pas encore rencontré.

Les hommes rencontrent moins de problèmes

A ce propos, il semblerait que les hommes qui souhaitent subir une vasectomie aient moins de problèmes de ce genre. C'est drôle, car comme le dit le professeur Michael Müller, aujourd'hui, il n'est pas plus difficile de pratiquer une ligature des trompes sur une jeune femme que d'effectuer une vasectomie sur un jeune homme. Il explique:

«Grâce aux ‹mesures techniques de reproduction› actuelles, il est toujours possible de réaliser un désir d'enfant si la stérilisation engendre des regrets».

Mais à l'inverse, l'ablation de l'utérus est, comme nous l'avons déjà dit, définitive et ne peut pas être annulée.

Bien sûr, il s'agit d'une décision très personnelle qui ne doit en aucun cas être prise à la légère. Et il y a des risques et des effets secondaires dont il faut tenir compte. Je ne peux donc parler qu'en mon nom. Mais même si je devais regretter cette décision irréversible, ce serait ma propre malchance. Car c'était ma propre décision. J'aimerais juste qu'elle ne soit pas aussi souvent remise en question.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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