Les parents de Grégory, tué à l'âge de 4 ans, ne sont plus apparus dans les médias depuis un passage à la télévision en 1994. Trente ans que Jean-Marie Villemin n’a plus rien dit, ou presque sur ce qu'il s'est passé il y a maintenant quarante ans, le 16 octobre 1984. Quand ce petit garçon de quatre ans a été retrouvé mort dans une rivière des Vosges, son bonnet rabattu sur le visage, pieds et poings liés par une cordelette. Un meurtre qui va horrifier l'Europe et marquer l'histoire judiciaire française en raison de sa longévité et du caractère énigmatique de l'affaire.
En effet, sitôt après l’assassinat de Grégory, une lettre anonyme revendique le crime en ces termes:
Mais au-delà du mystère, cette histoire sera surtout marquée par le sensationnalisme d'un acharnement médiatique et de nombreuses erreurs judiciaires, qui vont pousser Jean-Marie et Christine Villemin dans un abîme encore plus profond.
Dans cet album baptisé sobrement Grégory, Jean-Marie Villemin a collaboré avec le scénariste Pat Perna et le dessinateur Christophe Gaultie. Il explique leur avoir fourni toutes les informations nécessaires, et passé des mois et des mois à éplucher le dossier, leur fournissant une connaissance impossible à acquérir pour un documentaliste.
La couverture représente la dernière image que le père de l'enfant ait vue avant sa disparition. Jean-Marie Villemin en est le personnage principal, et prend comme point de départ son procès à lui, qui avait été condamné en 1993 à cinq ans de prison, dont un avec sursis, pour le meurtre en 1985 de son cousin Bernard Laroche. Un homme dont Jean-Marie reste convaincu, encore aujourd'hui, qu’il est l’assassin de Grégory. Ainsi, tout le déroulé de cette histoire de vengeance nous est compté par les témoignages à la barre des différents acteurs impliqués dans cette affaire. Les membres de la famille, tels que Murielle Bolle dont le témoignage accusait Bernard Laroche, ou encore le juge Lambert, le magistrat incompétent et vaniteux qui s'est chargé de l'affaire.
Si les traits du dessinateur Christophe Gaultier peuvent sembler parfois un peu grossier, son sens du cadre et du rythme sont à saluer. Par le biais des flashbacks durant le procès, le récit nous permet de revivre la disparition de Gregory et le tourbillon qui a suivi. Reste que le choix de la bande dessinée comme moyen d'expression ne leur a pas permis de boucler l’histoire en un tome. C'est donc sur «A suivre…» que le livre se termine. Peut-être qu'un tome deux suivra, ou que le mot FIN aurait été simplement de trop dans une affaire qui livre encore ses secrets aujourd'hui.
Dans la préface, Jean-Marie Villemin explique en détail sa décision de raconter sa version des faits en BD. Dès la première phrase, il évoque «l'anéantissement total» qu'il a ressenti avec son épouse Christine après le meurtre du petit Grégory à Lépanges-sur-Vologne.
Cette préface lui permet aussi d’exprimer ses remords, lui qui a tué son cousin Bernard Laroche, le 29 mars 1985, persuadé de sa culpabilité.
Si Jean-Marie Villemin veut raconter sa vérité, c'est parce que selon lui, tout et n'importe quoi a été raconté au sujet de cette affaire. A commencer par les accusations contre sa femme Christine, la mère de Gregory. Incarcérée cinq jours en 1985 alors enceinte de six mois, elle fut inculpée pour l'assassinat de son enfant avant d'être lavée de tout soupçon.
Le père de Grégory dénonce dans son texte la médiatisation de sa tragédie et fustige les policiers, les magistrats et les journalistes qui ont approché le dossier de près au travers des nombreux ouvrages et documentaires sortis sur le sujet depuis quarante ans.
Jean-Marie Villemin révèle avoir reçu des centaines de sollicitations en tout genre pour raconter avec son épouse leur version de l'affaire. Préférant «agir» plutôt que «subir», il a pris la décision de chapeauter intégralement ce projet et de le faire en BD. Son épouse n'a pas souhaité participer au projet.
Le père se dit très satisfait du résultat, qui retrace selon lui la période la plus noire de sa vie avec justesse. Malgré des raccourcis nécessaires à la narration, le fond demeure authentique. Il confie par ailleurs avoir souvent pleuré en découvrant ces pages, tout comme sa femme Christine.
Dans sa préface, Jean-Marie Villemin, 66 ans, s'exprime en des termes apaisés. L’affaire Grégory, aujourd’hui, c’est un couple qui a survécu à tout: de l'intimidation des corbeaux à l'incompétence du système, au harcèlement des médias en passant par à la prison, mais surtout à la mort d’un enfant. C'est également une histoire de reconstruction. Les Villemin sont parvenur à créer une famille unie en ne cachant rien de leurs souffrances à leurs trois enfants: Julien, 39 ans, Emelyne, 34 ans, et Simon, 26 ans. Ce dernier est ainsi nommé en mémoire du juge Maurice Simon, qui avait repris l’enquête à zéro en 1987. Un allié, comme d'autres, dont le livre leur est dédicacé. Il conclut sa préface en s'adressant à Grégory:
Si la résolution de ce mystère vieux de 40 ans ne sera peut-être jamais couchée sur papier, il y a au moins la certitude que le temps adoucit les peines.