Durant mes vacances à Lecce, j'ai fait une découverte pour le moins surprenante dans un kiosque: des cartes Italian brain rot à collectionner. Disponibles en Italie depuis mai, elles débarquent en Suisse dès le mois d'août.
Pour rappel, ces personnages absurdes générés par l'intelligence artificielle et portant des noms pseudo-italiens figurent dans des vidéos qui cumulent des milliards de vues, sur TikTok notamment.
@_sausagesahur Best brainrot characters 😂😂 #fyp #foryoupage #tung #tralalerotralala🗣🔥 #meme #memestiktok ♬ TUNG SAHUR - TRXSHBXY & GAVORN
Je reste bouche bée. Et je ne suis pas la seule. Le vendeur se montre aussi étonné que moi de l'engouement autour de ces visuels créés par l'IA. «Je ne comprends pas, ça ne fait aucun sens, mais c'est un succès», déclare-t-il. Ce qui renforce son incompréhension?
Mais l'élément le plus perturbant de tous? Au travers de ces cartes, TikTok et l'IA se matérialisaient sous mes yeux. Au revoir le virtuel, bonjour les produits physiques. Une réalité encore plus dérangeante qu'un requin en baskets qui marche au bord de la mer.
Après quelques recherches, je découvre que Panini est l'un des distributeurs du produit. En description sur le site internet du groupe, on lit:
Ezio Bassi, directeur général de Panini Suisse, confirme que le jeu a du succès en Italie, en particulier auprès des jeunes entre 6 et 14 ans. Comment expliquer cette effervescence? «Lorsqu'une tendance devient virale, tout le monde aimerait en faire partie», explique-t-il, tout en reconnaissant que le contenu n'a pas de valeur éducative ou instructive. Il ajoute:
Et ce, même si le produit en question se moque de l'Italie? «Les stéréotypes du pays sont très connus, comme l'ananas sur la pizza ou l'interdiction de boire du cappuccino dans l'après-midi. Les Italiens en jouent et cela permet d'attirer l'attention», estime-t-il.
Ezio Bassi souligne qu'il s'agit de la première fois que Panini crée une collection inspirée de l'intelligence artificielle. Et d'annoncer:
De mon côté, j'avais déjà acheté trois paquets pour un total de 6 euros. J'ai cependant attendu d'être de retour au bureau pour les ouvrir, car les Italian brain rot ont également été au cœur des discussions chez watson. Et les réactions ne se sont pas fait attendre: rires, consternation, interrogation ou étonnement. Dans la foulée, j'ai également envoyé une photo de ma trouvaille à ma meilleure amie, une fan de la première heure. Sa réponse:
Une fois l'emballage déchiré, surprise: je découvre de nouveaux êtres étranges que je n'avais jamais vus sur TikTok.
Outre les visuels, des comptines en pseudo-italien sans queue ni tête figurent sur les cartes. Comme dans les vidéos, ces petites histoires racontent ce que vivent les personnages. Je lance donc un défi à mes collègues: les lire à haute voix.
Actuellement, les créateurs des Italian brain rot restent difficiles à tracer. Le compte TikTok qui serait à l'origine de Tralalero tralala (le requin) a été supprimé. Le New York Times s'est toutefois entretenu avec celui qui a imaginé Ballerina Cappucina – une vidéo qui a été visionnée plus de 45 millions de fois. «Cette tendance est une forme d'humour absurde. Elle concerne moins l'Italie réelle que le mythe de l'Italie», explique l'homme de 24 ans d'origine roumaine.
L'expression brain rot (pourriture du cerveau) désigne les contenus insignifiants et de faible qualité qui grillent la cervelle en raison d'une exposition excessive, rappelle La Repubblica. L'Oxford University Press l'a élue parole de l'année en 2024.