Il a été l'homme qui a fait tomber Sam Altman, un temps, avant que le roi ne revienne sur son trône. Son nom a commencé à truster les articles consacrés à cette brutale éviction: Ilya Sutskever a été littéralement catapulté sous le feu des projecteurs.
C'est lui qui a poussé le conseil d'administration à évincer Altman. Il passe pour un traître, le loup dans la bergerie, qui reproche à son associé ses désirs de grandeur et de manquer de «franchise» dans ses conversations avec le board. Mais depuis le retour d'Altman, l'autre papa de ChatGPT est aux abonnés absents. Il est même invisible dans les locaux d'OpenAI, selon des sources de Business Insider.
Son avenir s'inscrit en pointillées.
Il faut dire que le co-fondateur d'OpenAI (en 2015) était nettement moins sous les projecteurs que son compère, plus enclin à cravacher dans l'ombre. A présent boudé dans son propre fief, même l'ombre des bureaux d'OpenAI semble ne plus en vouloir.
Le co-directeur, né en Russie post-soviétique, voit un certain Elon Musk lui faire les yeux doux et lui dégoter une porte de sortie pour s'échapper de ce bourbier.
Ilya Sutskever a grandi jusqu'à ses 5 ans en ex-URSS, avant que sa famille ne déménage en Israël, à Jérusalem précisément.
Il quitte le pays pour rejoindre l'Université de Toronto et pour poursuivre ses études en informatique. Un tournant puisqu'il croise le chemin du parrain de l'IA, Geoffrey Hinton, lauréat du prix Turing 2018 - l'oscar des informaticiens.
Après avoir fait ses preuves, il trouve refuge chez Google, en 2013, après que la firme a acheté DNNresearch en 2013, une start-up démarrée avec Hinton et un autre étudiant, Alex Krizhevsky. Intégré dans la matrice de Mountain View, Sutskever voit un milliardaire un peu fou lui faire la cour en 2016: Elon Musk. Il parvient à le faire embarquer dans le navire OpenAI pour révolutionner l'intelligence artificielle.
Présent aux premiers balbutiements de la start-up (avant qu'il ne claque la porte en 2018 pour des divergences), Elon Musk a qualifié Sutskever de «cheville ouvrière» du succès d'OpenAI.
Si Altman jouait la vitrine commerciale et allait chercher les billets pour faire gonfler la boîte, son associé préférait rester à l'écart des flashs. Discret, il fuyait les entretiens avec la presse et préférait voir son collègue prendre la lumière.
Sutskever a tout de même pris part à un documentaire produit par The Guardian et avait alors lancé cette phrase: «L’IA est une bonne chose. Cela résoudra tous les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui. Cela résoudra le chômage, la maladie et la pauvreté».
Mais gardait aussi en tête la face sombre de cette technologie:
Le scientifique adopte une posture humble. Il écrit sur X que «L’ego est l’ennemi de la croissance. L'informaticien de 37 ans est en proie aux questionnements existentiels. Ce que les internautes qualifient «d'un moment Oppenheimer», alors que Sam Altman est qualifié... d'Oppenheimer de son époque.
«Il a une bonne boussole morale et ne recherche pas le pouvoir», rédigeait Elon Musk, le 17 novembre, dans la foulée de l'éviction de Sam Altman d'OpenAI.
I am very worried.
— Elon Musk (@elonmusk) November 19, 2023
Ilya has a good moral compass and does not seek power.
He would not take such drastic action unless he felt it was absolutely necessary.
Le fantasque entrepreneur verrait bien le super ingénieur prendre place dans son entreprise, chez xAI. Après l'avoir déjà débauché, le milliardaire saurait trouver les mots pour rapatrier l'un des plus brillants cerveaux de la Tech pour lui filer un coup de main pour son nouveau joujou: son chatbot Gork.
Selon les premiers retours concernant cette IA, voulue «anti-woke», les premiers avis tombés démontrent qu'il est trop à gauche. Sur X, l'homme le plus riche du monde a dit vouloir rapprocher Gork «de la neutralité politique».
Comme l'a écrit le biographe Walter Isaacson dans son bouquin (publié cette année et intitulé Elon Musk) qui retrace la vie du milliardaire, ce dernier a convaincu Sutskever de quitter Google en 2015, lui offrant un salaire de 1,9 million de dollars et une prime de départ pour l'aider, lui et Altman, à cofonder OpenAI.
Des manigances qui ont par ailleurs fragilisé la relation entre le boss de Tesla et le fondateur de Google, Larry Page. Selon les dires de Musk lui-même, et couchés sur papier par Isaacson:
Sutskever aurait quitté les rangs du mastodonte de la Tech, car leur approche était trop laxiste en matière de sécurité, selon des affirmations du média Futurism. Pour l'informaticien, contenir cette «superintelligence» est devenue une priorité. Il lui tient à coeur que l'IA suive toujours l'intention humaine, malgré son intelligence supérieure, soulignait le site Fast Company.