Société
Interview

Pourquoi cette Suissesse a choisi de se faire enlever l'utérus

Une Badoise raconte pourquoi elle s'est fait enlever l'utérus et son non-désir d'enfants.
Linda Di Maggio regrette que les femmes doivent encore justifier le fait qu'elles ne veuillent pas d'enfants. Image: Sandra Ardizzone
Interview

«Me réveiller sans utérus a été une énorme libération»

Linda Di Maggio ne veut pas d'enfants et se heurte régulièrement à l'incompréhension de son entourage. La jeune femme de 35 ans raconte sa difficile recherche d'un médecin – et ce qu'elle trouve insupportable.
03.12.2023, 07:0403.12.2023, 09:59
Sibylle Egloff Francisco / ch media
Plus de «Société»

Linda Di Maggio fait partie des gens qui renoncent délibérément à être parents. Cette Suissesse de 35 ans a décidé il y a une dizaine d'années déjà qu'elle ne voulait pas avoir d'enfants. Et son avis n'a pas changé:

«Plus les années passent, plus cela se confirme que j'aime ma vie telle qu'elle est»

Pourquoi avez-vous choisi de vivre sans enfants?
Linda Di Maggio:
Je me suis intéressée assez tôt à ce sujet en raison de mes douleurs menstruelles chroniques. Chaque mois, avant et pendant mes règles, je souffrais de fortes douleurs que même les médicaments ne parvenaient pas à soulager. Quand on doit revivre cela chaque mois depuis l'âge de 11 ans, c'est l'horreur. Au final, il s'agissait de savoir si je voulais continuer à vivre avec des douleurs et mon utérus ou sans cet organe, sans douleur, mais aussi sans enfants. En 2019, je me suis fait enlever l'utérus. Avec cette étape, ma décision de ne pas avoir d'enfants est devenue définitive.

«Me réveiller de l'anesthésie sans utérus a été pour moi une énorme libération»

Sans ce calvaire, auriez-vous renoncé à être mère?
Oui, je pense que j'aurais aussi décidé de ne pas être mère sans cela. Je suis sûre qu'un enfant me prendrait plus qu'il ne me donnerait.

Quoi par exemple?
Mon indépendance. Je peux faire la grasse matinée et je ne dois m'occuper de personne. Avoir un enfant signifie avoir des responsabilités. Ne pas en avoir me rassure.

Cela peut paraître égoïste pour certains.
Oui, c'est le cas. Mais la décision d'avoir des enfants peut également être considérée comme de l'égoïsme. Après tout, on ne fait pas un enfant pour l'amour de l'enfant, mais parce qu'on veut devenir mère ou père. Je suis contre cette attitude de jugement de part et d'autre. Je ne demande pas non plus aux parents ce qu'ils trouvent si bien d'avoir des enfants. Chacun doit choisir un modèle de vie qui le rend heureux. Nous vivons pour nous-mêmes et pas pour les autres.

Comment votre entourage a-t-il réagi à votre décision?
Mes parents m'ont soutenue dans cette démarche. Probablement aussi parce que ma mère avait vécu la même odyssée et s'était également fait retirer l'utérus – mais seulement après nous avoir eus, moi et mon frère.

Et vos amis?
Dans mon cercle d'amis, certains s'inquiétaient pour moi et me remettaient en question, car l'opération rendait la décision définitive. A cette époque, je n'avais pas de partenaire et on me disait souvent: «Peut-être que tu ne veux pas d'enfants maintenant, mais si tu as le bon homme à tes côtés, alors oui». Pourtant, je n'aurais jamais voulu avoir un enfant pour le plaisir d'un homme.

«On m'a aussi souvent dit que je le regretterai un jour. Mais il y a aussi des parents qui regrettent d'avoir eu des enfants»

On ne peut alors pas simplement renvoyer l'enfant. On vit avec les conséquences et on fait de son mieux. C'est exactement ce que je fais. Et hé, pourquoi ne pas avoir le droit d'avoir des regrets?

«Mais ce que j'ai trouvé de pire, c'est la résistance du côté médical»

Comment cela s'est-il manifesté?
Ma gynécologue m'avait prédit que je ne trouverais jamais de médecin pour m'enlever l'utérus. J'en ai trouvé un, mais le chemin a été très difficile.

«J'ai dû expliquer un nombre infini de fois que je ne voulais définitivement pas d'enfants»

A cela s'ajoutaient des examens médicaux. Je trouvais insupportable qu'en tant que femme adulte, on veuille me priver de ma réflexion et qu'on me fasse même culpabiliser. En tant que trentenaire, je devrais pourtant pouvoir décider de ma vie et assumer les conséquences de mes actes.

«A l'inverse, on ne fait pas grand cas de la vasectomie d'un homme. Clic, clac, et trois heures plus tard, il est de retour à la maison»

En tant que femme, vous sentez-vous désavantagée à cet égard?
Le patriarcat séculaire est peu à peu brisé. Mais il est encore très présent, comme le montre le thème du désir d'enfant. Le fait d'avoir des enfants pèse sur la femme. Il arrive encore aujourd'hui qu'elle soit désavantagée dans la vie professionnelle lorsqu'elle est en âge de procréer ou qu'on lui demande, lors d'entretiens d'embauche, si elle envisage d'avoir des enfants. Pour un homme, cette question ne se pose pas.

«Si un homme n'a pas d'enfant, cela n'intéresse personne. Si une femme ne veut pas d'enfants, elle est bizarre»

De plus, d'un point de vue purement biologique, les hommes n'ont aucune pression pour faire des enfants. Ce qui est frappant, c'est que beaucoup font dépendre de leur partenaire le fait d'avoir ou non des enfants.

La décision de vivre sans enfants limite-t-elle la recherche d'un partenaire?
Cela a conduit plusieurs fois à mettre fin à la relation au cours de la phase de rencontre. Mais je pense que c'est une bonne chose. Avec les enfants, on ne peut pas faire de compromis. Il n'y a pas de demi-enfants. Depuis deux ans et demi, j'ai un partenaire qui partage mon avis. Mais je m'assure toujours qu'il ne change pas d'avis. Cela conduirait inévitablement à une séparation. La situation est compliquée pour les couples qui se sont formés très tôt, alors qu'il n'était pas encore question d'avoir des enfants. Si l'un veut soudainement avoir des enfants et l'autre non, c'est un grand dilemme.

Vous insistez sur le fait que vous vivez «libre d'enfants» et non pas «sans enfants». Quelle est la différence?
J'ai pris cette décision de mon propre chef. Les personnes «sans enfants» sont celles qui aimeraient avoir des enfants, mais qui n'ont tout simplement pas réussi. C'est triste.

«Il est important pour moi de souligner que j'ai une vie fantastique sans enfants, mais que je ne suis pas pour autant une détractrice des enfants»

Je trouve les bébés très câlins. Presque tous mes amis ont des enfants et je suis souvent avec eux sur l'aire de jeux ou je m'occupe des petits. Mais je suis aussi contente quand je peux les laisser (rires).

Les enfants prennent du temps, vous n'en avez pas. Vous avez beaucoup de loisirs?
Beaucoup de gens ont l'impression que je pratique un hobby quelconque ou que je fais carrière professionnellement. Mais ce n'est pas le cas. Ma décision ne m'oblige pas à faire autre chose ou à compenser quelque chose. J'aime voyager et passer du temps avec ma famille et mes amis.

Et à l'âge de la retraite, vous n'avez pas l'impression que vous pourriez vous sentir seule sans enfants?
Avoir ses propres enfants ne garantit pas que l'on sera pris en charge dans sa vieillesse.

«Je pense que, contrairement aux mères et aux pères, je dois faire plus d'efforts pour entretenir mes amitiés afin de pouvoir compter sur elles lorsque je serai âgée»

Depuis quelques mois, je suis active sur les blogs et les groupes de médias sociaux pour les personnes sans enfants. C'est agréable de voir que je ne suis pas seule. Ce sont surtout les échanges avec des femmes plus âgées qui profitent de la vie et continuent de voyager dans des pays à 80 ans qui m'inspirent. Il faudrait davantage de modèles de ce genre, qui montrent qu'une femme ne se définit pas par sa maternité, mais par son caractère.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

Voici à quoi pourrait ressembler la Suisse en 2085
1 / 10
Voici à quoi pourrait ressembler la Suisse en 2085
partager sur Facebookpartager sur X
Ce bébé trouve le goût du kiwi trop acide (et c'est trop chou)
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Céline Dion se confie: «La maladie est toujours en moi»
La chanteuse québécoise, atteinte d'une maladie qui touche environ une personne sur un million, n'est plus remontée sur scène depuis 2020. Elle s'est confiée dans une rare interview.

La chanteuse canadienne Céline Dion, toujours souffrante, s'est confiée sur sa maladie en accordant son premier entretien depuis l'annonce de son diagnostic, au magazine Vogue France dont elle fait la couverture qui sort mercredi.

L’article