A Noël, on nous conseille toujours de débrancher. Pas le chauffage d'appoint ou Meghan Markle, mais les cerveaux. Le 25 décembre, il convient normalement de ranger les impôts et les soucis sous le matelas, de ghoster le fitness et le régime Dukan, faire un peu de boucan et semblant d'apprécier tonton Jean-Mi. Même quand il décide d'énumérer les qualités d'Adolf Hitler, devant le petit neveu et le sapin en plastique.
Or, ça, c'était avant. Avant le Covid long, la guerre en Ukraine, l'inflation, Elon Musk, les trottinettes électriques, la mort de la Reine, la retraite de Federer, la canicule en octobre, la Joconde entartée, les six buts encaissés par la Nati et la troisième saison d'Emily in Paris. En somme, quand nous allions déjà mal, mais quand même un peu mieux que l'état général de l'univers.
Désormais, autour de la dinde précuite, on voudrait nous imposer la fin de la civilisation, la Troisième guerre mondiale et l'avènement de la sobriété. Trois goinfres impolis et anxiogènes, prêts à dégonfler les pneus des Hummer et à menacer de couper Netflix pour cause de black-out qui pourtant jamais ne viendra.
Le court règne des bisounours est bel et bien terminé. En Suisse du moins. Aux chiottes l'abondance, l'innocence et la classe moyenne supérieure. A nous de croire très fort à la magie, les yeux grands ouverts et le radiateur éteint. Ça peut paraître injuste, mais plus le monde sombre, moins on nous permet de l'ignorer. Faire l'autruche a pourtant toujours été moins casse-gueule que de faire avec.
Les conflits ne sont déjà plus simplement de voisinage, mais diplomatiques, énergétiques, militaires et d'intérêt. Le mot «bombe» n'évoque pas seulement la Saint-Sylvestre. Cette époque où l'incompétence du logopédiste de Mandarine et la gamme restreinte de poke bowl au centre-ville vous pesaient, paraîtra bien loin. La longévité de Poutine et le prix du paquet de farine hanteront plus durablement vos nuits que les défaites de Wawrinka et les frontaliers.
Bien sûr, il s'agira de faire des efforts. Nous ne sommes pas (que) des bêtes d'égoïsme. On s'y collera, promis. Nous payerons nos factures à la bougie et irons bosser en survêt et calèche. Peut-être même qu'on donnera un peu plus à Amnesty, si les primes maladies s'abstiennent un jour de dépasser le PIB du Lichtenstein. On fera tout ce que Guy Parmelin et la bonne conscience nous diront de faire. Mais dès le 2 janvier 2023, à l'aube. Là, c'est pause, pouce, respirons, exagérons.
A la naissance de Jésus, décongeler les cœurs pour les étreindre, c'est tout aussi important que de s'assurer que le marché de Noël a bien débranché ses lumières et sa joie de vivre. Prenons le temps de réconforter le voisin au lieu de le dénoncer pour utilisation abusive du sèche-cheveux. Même si l'essence a pris l'ascenseur, faisons le plein d'amour, de ripaille, d'opulence et d'ébriété.
Ivre, c'était déjà pas simple de digérer la nouvelle passion de Jean-Mi pour Kanye West. Mais s'imposer la sobriété durant les Fêtes, c'est s'assurer que personne ne sera suffisamment armé pour terminer l'année. Et si l'on en croit les vœux de Volodymyr Zelensky sous le gui: c'est important d'être bien armé.
Joyeux Noël.