Lil Tay, c'est probablement le produit le plus perfectionné (et donc le plus terrifiant) de son époque. Médiatisée depuis ses premiers Pampers et monétisée depuis ses premiers prouts sur Youtube, la bébé-influenceuse avait tutoyé le haut de sa gloire à l'âge de 9 ans, en tripotant des liasses de dollars dans des voitures de sport. Et tous les codes du hip-hop commercial furent savamment exploités, de la vulgarité gratuite aux jantes de bagnole aussi hautes qu'elle, dans des vidéos vides de sens, mais bourrées de marques de luxe.
Après cinq ans d'un étrange silence, début août, son compte Instagram annonce, soudain, une catastrophe. On croit lire un communiqué officiel: Lil Tay, supposément 14 ans (mais plutôt 16, allez savoir), est décédée. Or, très vite, des langues se délient, on parle d'un piratage, d'une mère manipulatrice, d'un père maltraitant, d'un frère opportuniste, d'un manager machiavélique. En somme, tout ce qu'il faut pour démarrer l'usine à complots dans les tréfonds des internets. Alors, règlement de compte familial sordide ou sale coup marketing orchestré par l'entourage d'une gamine, trop vite exposée pour avoir le droit d'être lucide?
C'est con, mais même le fin mot de l'histoire n'a pas le pouvoir de rassasier les plus terre à terre. Bien sûr, Lil Tay (ou Claire Hope, à moins que ce soit en réalité Tay Tian) semble bien vivante. Mais la seule certitude, il faut aller la chercher sur le site du cabinet d'avocats qui représente sa maman, Angela: les parents se sont longtemps (et âprement) disputé la garde de la jeune sensation des réseaux sociaux. Après avoir rejoint Los Angeles «pour la carrière de Lil», la mère avait manifestement dû rapatrier le joyau de la famille à Vancouver, son Canada natal, sur ordre du tribunal.
Selon le communiqué que Maclean Law a pondu il y a quelques jours, Angela a gagné. Non seulement la garde exclusive, mais le paiement d'arriérés de pension alimentaire. Si Lil Tay accuse son père d'avoir orchestré sa propre mort, pas un mot à ce sujet dans les échanges purement juridiques. Autant de gloubi-boulga qui n'auraient jamais fini dans les tabloïds, si Lil Tay était restée sur les bancs d'école.
Cette semaine, la petite Lil Tay a décidé d'orchestrer sa propre renaissance, avec une insulte sur Instagram: «Sucez ma bite, haters sans talent!». Mais aussi un clip, baptisé Sucker 4 green, qu'il faut plus ou moins comprendre comme un penchant pour les dollars. Qu'elle ait 14 ou 16 ans, sa passion n'a pas tant évolué et ce retour tout en refrains bêtas et poses lascives n'est (décidément) toujours pas de son âge.
Une nouvelle fois, le fin mot échappe à tout le monde. Se devait-elle de secouer la communauté en beau milieu de l'été, pour être certaine d'être accueillie en héroïne le 2 octobre? Personne ne le saura sans doute jamais.
Mais sa maman semble suffisamment ravie d'encaisser du cash, pour ne pas avoir voulu une seule fois freiner les génuflexions virtuelles de sa propre petite fille. Hasard du calendrier hollywoodien (ah, ah!), mère et fille ont d'ailleurs été photographiées dans les rues de Los Angeles, quelques jours avant la sortie de ce clip, dont Lil Tay tenait HAUT ET FORT, à la manière d'un Donald Trump, à revendiquer la maternité.
Enfin, et c'est peut-être le plus terrifiant, cette vidéo adresse un message censé rassurer les fans (qu'elle traite toujours de «connards fauchés» et ils adoraient ça, à l'époque). Juste avant qu'on la découvre en mini-shorts, entourée de liasses et des grosses bagnoles, la starlette apparaît dans un plan totalement hors contexte, cernée de très (très, très) près par la maman et le grand frangin. Comprenez: «Tout va bien, okay?»
Nous voilà bien avancés.
(fv)