
La tuberculose n'a pas disparu de Suisse.Image: watson
La tuberculose fait encore des victimes dans le monde. En Suisse aussi, des cas sont décelés. Une jeune femme nous livre un témoignage sur son quotidien chamboulé.
Nous nous rendons dans un bar de la ville de Lausanne, pour y rencontrer une jeune femme: Tessa*. Elle fait partie de ces personnes, en Suisse, qui ont vu la tuberculose chambouler leur vie.
Armée de sa bonne humeur, une bouteille d'eau à la main, elle nous ferait presque oublier qu'elle est souffrante. La maladie n'a de loin pas entamé sa positivité, même lorsqu'on lui a annoncé le diagnostic, bluffant le personnel hospitalier qui prenait soin d'elle. C'est peut-être même l'un des remèdes les plus efficaces pour combattre la maladie.
Mais Tessa en bave et nous explique son quotidien qui a radicalement changé, des premiers symptômes au jour où sa vie a changé radicalement.
«J’étais à Washington quand j’ai commencé à être réellement mal, en avril 2023. Ensuite, je suis revenue en Suisse et j'ai travaillé durant une semaine. Mais la douleur était très forte. Lorsque je devais aller chercher ma fille à l’école, j'avais si mal au poumon que je me tordais pour taire la douleur. J’étais Quasimodo.»
Mais Tessa n'est pas du genre à s'alarmer. Elle décide seulement aux alentours de mi-mai d'aller se faire ausculter.
«Ma doctoresse m’a dit que c’était une infection des poumons. Des antibiotiques m'ont été prescrits, mais je n’arrêtais pas de tousser. Ce n'était pas normal, parce que je suis très sportive et active. Elle m’a expliqué que la guérison pouvait prendre plus de temps que prévu. Or, alors que les symptômes et la douleur ne cessaient pas, en juin, j’ai réussi à avoir un rendez-vous grâce à ma soeur qui connaissait l’assistante d’un pneumologue. Si je n’avais pas ce piston, je n'aurais pu avoir qu'en octobre une auscultation. Je me disais qu’en octobre, j’allais être guérie, ou morte. J’ai réussi à avoir une ouverture au mois de juillet.»
Cette visite a donné lieu à un premier diagnostic: de l'asthme, selon la spécialiste. Tessa se retrouve avec un Ventolin en main. Mais la douleur se propage dans son organisme. «Fin juillet, j’avais mal à la hanche. Je pensais que c’était une sciatique.»
Le temps passe et cette «mère en solo», comme elle aime se qualifier, se plaint d'un état de santé qui se détériore. Elle retourne voir son pneumologue toutes les six semaines, mais elle morfle et avoue «être triste pour sa fille qui voit sa mère fatiguée, qui ne va pas bien». Elle enchaîne et explique:
«Si mon chéri ne m'avait pas convaincue d'aller faire un scanner, j'aurais attendu et le diagnostic aurait été bien pire»
«Avant d'avoir le diagnostic, la prise en charge n'était pas adéquate, mais vraiment pas.» Elle n'a jamais eu de réponse concernant cette lenteur de diagnostic. Selon Tessa, le problème venait de son profil. «Je n'ai pas le profil type: j'étais jeune et je n'étais pas en situation d'immigration. Et même si je n'étais pas bien, je ne montrais pas que j'étais très mal, surtout quand on est une maman solo avec trois boulots. Je fais semblant que tout allait bien.»
La tuberculose en Suisse
De 2016 à 2021, les cas ont baissé. Le niveau le plus bas a été atteint en 2021. La pandémie de Covid a freiné la progression, sachant que la tuberculose se transmet par voie aérienne. Or, en 2022, l'Office fédéral de la santé publique a observé une nouvelle augmentation. Contactés par nos soins, les HUG nous assurent: «Vérifications faites, il n’y a aucune augmentation du nombre de cas de tuberculose décelée dans le laboratoire de bactériologie des HUG.»
Selon les informations sur
le site de l'OFSP, les cas entre 2023 et 2024 restent plus ou moins stables.
Et le 6 novembre, elle passe par la case scanner, et attend les résultats fébrilement: «Le 15 novembre, le pneumologue m’a dit: "j’ai une mauvaise nouvelle".»
«Après l'annonce de la tuberculose, je me disais: "quoi, ça existe encore". J’étais surtout soulagée de ne pas avoir un cancer. Après, il y avait des questions concernant l’impact sur ma santé. J’ai tout de suite demandé: "qu’est-ce qu’on fait". On m’a dit que j’allais tout de suite être hospitalisée deux semaines consécutives, au 19ᵉ étage. J’ai ensuite demandé ce que signifiait ce 19ᵉ étage et ils m’ont expliqué que c'était l’étage de l’isolement. Le personnel s'est ensuite étendu sur la grosse batterie de tests que j'allais endurer.»
Une autre interrogation demeure: comment a-t-elle pu contracter la tuberculose ici en Suisse? «Ils pensent que j’ai attrapé la maladie lors de mon séjour en Afrique de l’Ouest, en 2014. La maladie était latente. Aussi, elle se réveille que chez 5 à 10% chez les gens. Mais ils ne comprennent pas pourquoi maintenant. Habituellement, elle se manifeste chez des personnes en déficience immunitaire, d'un âge avancé ou de jeunes enfants. A mon âge, c’est étonnant.»
Et le traitement commence pour Tessa: deux semaines à se faire prélever du sang tous les jours, à être surveillée et auscultée. En rigolant, elle nous confie: «Dieu merci, je ne crachais pas du sang. C’était ma hantise.»
«On m’a annoncé neuf à douze mois de traitement. J’ai un peu tiré la tronche: je ne pouvais pas boire de verres (rires). Et juste avant Noël, l'année dernière, ils ont découvert de l’eau dans mon poumon (réd: l’un a été touché à 80% et l’autre à 20%) molesté par la maladie. Ils m’ont laissé dehors pour fêter Noël avec ma fille, fort heureusement. Sauf qu’une nouvelle salve d’antibiotiques a été décidée (réd: actuellement, Tessa en ingurgite quatre). En janvier, ils ont découvert que je faisais de la résistance à l'un d'eux, avec pour conséquence, une nouvelle hospitalisation, au 19ᵉ étage, une deuxième fois. J’ai fait plus d'une semaine, en attendant que les médecins trouvent le bon dosage d’antibiotiques. C’est là qu’ils m’ont découvert un cas grave de tuberculose. Ils espèrent qu’en janvier prochain, je sois sortie d'affaire. Mais aujourd'hui, alors que j'ai pu supprimer un antibiotique de mon menu, j’ai de nouveau de la peine à respirer...»
A ce jour, la cadence des contrôles s'est légèrement calmée. Mais jusqu’à la semaine passée, Tessa passait toutes le deux semaines au Chuv pour faire des check-up. Car l'ardoise (de médicaments) était assez longue. «Le traitement normal, c'est quatre antibiotiques sur deux mois et ensuite deux sur quatre mois. Pour moi, comme j'ai une forme grave, mon traitement est différent. Au bout des deux mois, j'ai dû continuer avec les quatre antibiotiques. Je serai encore à quatre pendant longtemps. D'ici à plusieurs mois, peut-être, je pourrais peut-être passer à trois. Mais ce n'est vraiment pas sûr, peut-être que je finirai à quatre antibiotiques», détaille-t-elle.
C'est surtout physiquement que l'addition était – et est encore aujourd'hui – salée: «Je toussais comme jamais et je ne parle pas de ma respiration. Je transpirais beaucoup durant la nuit: j’essorais mon t-shirt à peu près quatre fois dans la nuit. C’était un enfer, je parcourais tout mon lit, tous les angles pour éviter les zones où j'avais transpiré. Pour l'anecdote: je plaçais quatre t-shirt sur les bords de mon lit, pour pouvoir me changer sans devoir me lever.»
Depuis qu'elle est malade, elle s'est délestée de cinq kilos et elle peine à retrouver sa respiration d'antan. La jeune femme avoue «avoir peur d'être mise à l'arrêt et de retourner à l'hôpital».
Surtout, une telle maladie entraîne une foule d'effets secondaires.
«Le traitement est si lourd et il y a de multiples effets secondaires. Mes tendons me font un mal de chien, car les médicaments enflamment mes muscles. Je me traîne. Mon grand-père de 92 ans m’a dépassé dans les escaliers. C'est dur à accepter. Ce n'est pas tout: le foie (réd: les fonctions hépathiques) et les yeux sont aussi mis à rude épruve. Dans ma liste d'antibiotiques, l'un d'eux abime les yeux. J'ai perdu l’appétit, j'ai la nausée et j'ai souvent envie de vomir, en permanence. Je devais même prendre des médicaments devant la pharmacienne, au début, normalement tout le traitement. Je dois aller une fois par semaine et tu n’as pas le choix.»
Tessa avoue sa tristesse de ne plus pouvoir s'adonner son activité sportive et à pouvoir travailler comme elle le souhaite.
«Je ne peux plus faire de sport. Je ne peux travailler qu’à 30%. C’est difficile, car j’aime mon travail. Je ne peux rien porter, car ma hanche ne supporte pas la force. Elle peut se briser à chaque fois que je soulève quelque chose de lourd. Un autre truc bête: de ne pas pouvoir emprunter les escaliers. Je dois prendre l’ascenseur, comme les vieux.»
Une maladie qui peut renvoyer à des réflexions plus sombres, comme penser à la mort sur son lit d'hôpital et à revoir sa vie en pointillé.
«A l'hôpital, je me suis sentie vide, démunie. J’ai demandé à un infirmier si j’allais mourir. Il m’a dit "non, pas de ça". Mais les médecins ont eu peur, parce que j’étais atteinte. Ils ont bien cru me perdre. Mais comme j’étais en bonne santé de base, ils étaient assez confiants sur mon rétablissement. Je ne me plains pas d’être fatiguée et je combats la maladie grâce à ma bonne humeur.»
Même si parfois, il est difficile de garder le moral, surtout quand elle se trouve loin de sa fille âgée de 6 ans. C'est une douleur supplémentaire. «C’était difficile à l'instant où j'ai été hospitalisée. Ça m’a fait mal. Mais j'ai eu la chance de pouvoir compter sur ma mère, qui s'est occupée d'elle. Et elle a pu venir me rendre visite.»
Tessa voit gentiment le bout du tunnel. Au moment de remonter le temps et de nous décrire ses déboires, elle ne perd pas le sourire. Surtout, elle est contente de pouvoir revenir gentiment sur son lieu de travail.
«Ils ont été incroyables. Mes collègues ont été vraiment gentils, mes amis, le Chuv, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai repris à 30%, je souhaite être active et ne pas être réduite à une personne malade. J’ai envie de guérir et vivre ma vie à fond. Si c’est pour rester chez moi toute la journée à la maison, je n'ai pas envie de guérir. J’ai envie de travailler et ce qui me donne envie de combattre la maladie.»
Elle croise les doigts pour un rétablissement rapide, attendu en janvier si tout se passe bien - tout en sachant qu'après sa guérison, elle sera encore surveillée sur une période de 5 ans. En attendant, Tessa est reconnaissante pour la prise en charge au Chuv. «Au service DAT (réd: le service de consultation de tuberculose) du Chuv, ils sont incroyables. Je ne les remercierai jamais assez», conclut-elle, bien sûr, avec un large sourire.
*Nom connu de la rédaction
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