Sujet clivant s'il en est, le Covid distille une dose de division, de crispation et de tension au sein des familles. Et quand les parents n'ont pas la même vision sur la vaccination des enfants, la coupe est vite pleine. C'est ce qui s'est passé récemment à Rodez, dans le Midi-Pyrénées, où un homme séparé de sa femme, qui a la garde de leur enfant, n'a pas supporté que la maman ait fait vacciner leur fils âgé de 12 ans. Depuis dimanche dernier, il a décidé d'observer une grève de la faim pour s'opposer à ce que l'ado prenne une seconde dose. Selon certains médias français, le centre de vaccination a finalement fait marche arrière et a décidé de ne pas injecter ce fameux deuxième vaccin.
Même si en Suisse, cette problématique ne suscite pas encore d'intérêt médiatique, elle n'en est pas moins présente dans les chaumières. «Mon mari estime que deux milliards de personnes ont reçu le vaccin. Il pense que ce vaccin est donc sûr. Moi, je dis qu'il n'y a pas encore assez de recul et que d'ici quelques années, des effets secondaires désastreux ne sont pas à exclure», explique Virginie*, une Genevoise de 40 ans.
Contrairement à Virginie, le mari a déjà reçu ses deux doses. Les clivages au sein de la famille ont crû depuis que la vaccination de leur fils, qui pratique le basket, a rejoint le lot des sujets de dispute. «Il craint à juste raison que notre enfant ne puisse plus faire de sport avec son équipe ni d'autres activités extra-scolaires. De mon côté, je redoute que le vaccin ait des effets pervers. C'est un vrai dilemme. Et notre fils n'a pas d'opinion claire sur le sujet», se désole Virginie. Finalement, le couple a opté pour un compromis provisoire: des tests salivaires hebdomadaires pour le jeune garçon. «Il nous faudra un autre choix, car les tests seront payants dès la semaine prochaine et le budget familial ne peut pas supporter cette nouvelle charge», soupire la Genevoise.
Nathalie*, une mère de famille séparée, vit la même situation que Virginie. «J'ai trois ados à la maison. Mon mari essaie de les influencer pour qu'ils se vaccinent. Je m'y oppose totalement», témoigne-t-elle. «Même pour des sujets simples, on n'arrive pas à s'entendre. Je vous laisse imaginer pour le vaccin», soupire la quinquagénaire. «Mon mari et notre fils sont vaccinés mais pas notre fille et moi», indique Fabienne*, une enseignante vaudoise. Selon elle, à force de débats houleux sur ce sujet récurrent, un compromis a été trouvé: «Ne plus en débattre et tolérer la position de l'autre». Pour Fabienne, «il faut accepter les différences comme dans le cas de couples n'ayant pas les mêmes partis politiques, la même religion ou les mêmes origines».
Dans certains cas, les positions sont si tranchées, qu'une médiation est nécessaire. Conseiller conjugal à Lausanne, Christian Reichel admet avoir déjà eu deux cas de thérapie de couple liés à la vaccination des enfants. «Quand la polarisation est très forte sur un sujet fortement émotionnel comme celui-là, le travail est axé sur ce qui constitue la base du désaccord. Mais c'est un chemin qui peut prendre du temps avant d'arriver à un consensus.»
A notre connaissance, les tribunaux suisses n'ont pas encore eu à traiter ce genre de différend entre deux parents opposés face à la vaccination de leur enfant contre le Covid. L'avocate vaudoise Me Anaïs Brodard rappelle une jurisprudence du Tribunal fédéral, lié à un litige parental sur la vaccination contre la rougeole. «En matière de décisions relatives aux enfants, les parents titulaires de l’autorité parentale conjointe ont le devoir de régler eux-mêmes les questions propres à leur enfant, sans que l’un des parents ne puisse prétendre avoir la priorité sur l’autre ou avoir une voix prépondérante dans la prise de décision», observe l'avocate. L'avocate d'enchaîner:
«Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a relevé qu’une situation de blocage entre les parents sur le fait de vacciner ou non leur enfant n’est pas tolérable», a poursuivi Me Anaïs Brodard.
*Prénoms d'emprunt