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Les festivals pourront-ils survivre sans pub pour les cigarettes?

Les festivals continuent de se faire financer par les cigarettiers.
Les festivals et les cigarettiers continuent à collaborer. Mais jusqu'à quand? Image: watson

La pub pour la clope bientôt interdite: les festivals pourront-ils survivre?

Les festivals suisses peuvent-ils se passer des apports financiers de l'industrie du tabac? La votation de février 2022 posera-t-elle un réel dilemme aux organisateurs? Qu'en est-il de la pub pour ces manifestations? Le Paléo, le Montreux Jazz et le directeur d'Addiction Suisse nous répondent.
28.08.2022, 11:48
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Les festivals de musique sont largement parrainés par les marques de tabac et ces apports financiers font souvent grincer des dents. En 2014, Addiction suisse avait répertorié 23 festivals de musique sponsorisés par des marques de cigarette. Mais ça, c'était avant la votation sur la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac, c'était avant une nouvelle stratégie pour se départir des fabricants de cigarettes.

En 2022, l'initiative pour interdire les pubs contre le tabac a été approuvée par le peuple suisse. Désormais, les publicités sont possibles uniquement pour les adultes et les plus jeunes ne pourront plus recevoir d'échantillons gratuits ou être exposés lors des festivals. Aussi, la promotion des cigarettes dans les journaux gratuits ou sur les sites Internet et les réseaux sociaux consultés par les jeunes est maintenant interdite.

Frauenfeld dissimule et Paléo ne s'en cache pas

Sur les quais montreusiens, les logos des cigarettiers n'ont plus trop la cote. Rien, nada, pas le moindre sigle d'une marque de cigarette. Les années où British American Tobacco était le grand rouleau compresseur avec ses multiples kiosques et autres bars durant le Montreux Jazz, sont révolues. Sous la chaleur de juillet, la multinationale n'était plus aussi visible qu'auparavant, mais elle garde tout de même une place de choix dans les sponsors.

Le Paléo, par exemple, a vu un stand Winston naître sur la Plaine de l'Asse. En Thurgovie, l'Openair de Frauenfeld, mastodonte des festivals hip-hop, dissimule la pub pour les cigarettes derrière «La Fabrik», la troisième scène de l'événement. Si vous vous rendez sur la page web officielle et cliquez sur le lien de «La Fabrik», vous tomberez sur le site de Parisienne. Une stratégie subtile et une technique déguisée pour alpaguer le futur consommateur. «Je préférerais que les festivals communiquent de façon transparente sur leur site sur les marques qui les sponsorisent», avance Grégoire Vittoz, directeur d'Addiction Suisse.

«Les marques préfèrent créer des espaces, des lieux sur ces festivals pour créer un univers exclusif qui rende le tabac désirable pour les jeunes»
Grégoire Vittoz, directeur d'Addiction Suisse

Le directeur rappelle que la loi devrait entrer en vigueur dans 3 ans, soulignant que les festivals vont devoir «faire cette transition et s'en passer purement et simplement.»

Une stratégie post-votation déjà pensée à Montreux

Du côté du Montreux Jazz, le changement est déjà amorcé depuis plusieurs années. «Nous avons déjà beaucoup limité la visibilité de notre sponsor tabac», confirme Kevin Donnet, responsable communication du festival montreusien.

Le partenaire presque historique qu'est British American Tobacco (BAT) aide à financer l'offre de musique électronique gratuite. Les festivaliers ont pu aussi découvrir des stands «par exemple, la visibilité du sponsor tabac était uniquement possible sur la terrasse Ipanema, lieu réservé aux festivaliers de plus de 18 ans», confirme Donnet. La relation avec BAT est stratégique. «BAT a surtout investi pour la terrasse, mais ça ne couvre pas l'entier du lieu».

Une multinationale n'est donc pas si importante qu'on pourrait le penser dans l'équation financière de la manifestation. Et à la question de savoir si le Montreux Jazz pourrait survivre sans l'apport financier de BAT, Kevin Donnet répond sans détours: «Oui».

Une aide budgétaire limitée pour Montreux, alors que sur la plaine de l'Asse, la manifestation nyonnaise a délaissé son partenaire historique qu'était Philipp Morris (PMI) en faveur de Japan Tobacco International (JTI). Une place remarquée pour le stand Winston et un petit kiosque pour accompagner l'opération de grande visibilité. Le fait que PMI n'a pas voulu reconduire son contrat de 4 ans avec le Paléo prouve que la société a aussi opté pour de nouveaux horizons: la marque a abandonné la promotion des cigarettes et s'est tournée vers une autre gamme de produits, type Iqos, une cigarette chauffante. Winston, marque détenue par JTI, en a donc profité pour signer un contrat avec Paléo.

Une position très visible, que la page web de Paléo ne met pas en avant dans ses partenaires, au contraire du Montreux Jazz, par exemple, avec BAT. Mario Fossati, secrétaire général du Paléo, explique:

«L’explication tient à la loi vaudoise qui limite fortement la présence du sponsoring cigarettier sur ce type de support. Il aurait été légalement possible d’afficher en petit le logo de notre sponsors sur certains autres supports de communication (hors web), mais après discussion avec Winston, le choix a été de renoncer à toute présence hors du site du Festival»

L'ancien journaliste de la RTS parle de l'actuelle ambiguïté des fabricants de cigarettes. «Ça fait une dizaine d'années qu'ils sont de plus en plus discrets.»

Mais pas Japan Tobacco International, comme le prouve leur présence à Paléo, qui use de méthodes dites classiques hier, perçues comme plus dures aujourd'hui. «Ils sont réputés pour avoir une méthode marketing assez agressive», confirme Grégoire Vittoz.

«Winston est arrivé de manière surprenante pour reprendre la place laissée vacante par Philipp Morris. On ne s'y attendait pas. Winston gagne des parts de marché sur ses concurrents, même si le gâteau devient de plus en plus petit. Et il faut avouer qu'après la pandémie qui nous a fait mal, trouver un sponsor aussi important est devenu denrée rare.»
Mario Fossati, secrétaire général du Paléo

Un apport financier non-négligeable de la part de la marque de Japan Tobacco International. Le coordinateur de l'événement nous explique que la totalité des sponsors représente 18% du budget total de la manifestation. «Si Winston n'était pas là, cela aurait eu des répercussions sur la programmation, par exemple. On était content d'un point de vue économique. Mais ce n'était pas une décision anodine.»

Et opter pour un format de scène tel que Frauenfeld? Très peu pour la manifestation nyonnaise. Elle n'a pas l'intention d'ériger une scène aux couleurs d'une marque de cigarettier. «Nous n'acceptons pas une marque pour sponsoriser une scène. Notre politique est intransigeante sur ce point», conclut Mario Fossatti.

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Video: watson
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