Des équipementiers différents, l'apparition de poils sur son visage et de deux jeunes enfants, Stefan (8 ans) et Tara (5 ans), dans son box. En 20 ans de carrière, Novak Djokovic a vécu de nombreux changements, parfois remarquables comme ceux-ci.
D'autres, en revanche, sont passés beaucoup plus inaperçus, sauf aux yeux des experts. Pourtant, ils ont eu des conséquences importantes. C'est le cas du geste au service de Djokovic. «Il y a eu une grosse évolution», confirme Yannick Hauselmann, entraîneur chez Swiss Tennis et au centre Fairplay de Puidoux (VD), après avoir décortiqué plusieurs fois de nombreuses vidéos.
Cette image prouve, pour autant qu'il le faille encore, la ténacité du «Djoker» qui, comme Federer et Nadal, n'a cessé de chercher de nouvelles pistes de progression, qu'elles soient techniques ou tactiques, mais aussi athlétiques ou psychiques. L'évolution de son service souligne plus encore l'immense talent de Djokovic: quiconque joue au tennis sait combien il est difficile d'intégrer une petite modification – ne serait-ce qu'une prise de raquette légèrement plus ouverte ou fermée, ou une flexion accrue des genoux – dans un geste technique que le cerveau a déjà mémorisé à force de le répéter des milliers de fois. Le Serbe, lui, a vécu deux moments-clés dans l'évolution de son service: 2011 et, surtout, 2018.
De ses débuts pros jusqu'en 2011, Novak Djokovic possédait un service somme toute très standard: beaucoup d'amplitude, une boucle de raquette complète et un lancer de balle assez haut. Mais un mouvement sortait quand même du lot, comme l'observe Yannick Hauselmann:
On peut l'observer sur la photo de gauche ci-dessous: le trait vert montre la distance anormalement longue entre la raquette et la tête de Djokovic. A l'intérieur du cercle rouge, on remarque l'angle très ouvert du coude, qui est même supérieur à 90°. Sur la photo de droite, prise plusieurs années après, on voit que l'actuel numéro 1 mondial a corrigé ces deux erreurs.
Parce que oui, c'en étaient vraiment. Ce mouvement provoquait un excès de tension dans le bras entier de Djokovic. «Il arrachait l'épaule», image Yannick Hauselmann. Mais c'est surtout le coude qui faisait souffrir le Serbe. Alors, dès 2011, il a cessé de casser autant le bras vers l'arrière, histoire de réduire l'angle du coude.
.@DjokerNole breaks down the changes he has made to his serve. pic.twitter.com/8Ol2IYPNUh
— Graham Bensinger (@GrahamBensinger) May 17, 2020
C'est au tout début de la saison 2018 que Novak Djokovic a effectué plusieurs changements drastiques dans son geste. Et pour cause: il revenait d'une pause forcée de six mois en raison de douleurs au coude, qui l'ont contraint à subir une opération – la seule de toute sa carrière. Comme en 2011, il fallait donc trouver un mouvement de service moins usant pour son coude. «Le meilleur moyen, c'était de réduire encore l'ouverture des bras et l'amplitude», analyse Yannick Hauselmann.
Et cette réduction de l'amplitude amène d'autres changements dans le geste. «Le lancer de balle est moins haut, du coup l'enchaînement entre celui-ci et la frappe s'opère plus rapidement. Et Djokovic garde son haut du corps plus droit qu'avant ses changements», poursuit Yannick Hauselmann. L'expert vaudois voit un gros avantage dans cette évolution, en plus d'apaiser les douleurs du Serbe:
Cet atout compense la perte de puissance inhérente à la simplification du geste. Mais quelques semaines seulement après le grand chamboulement de 2018, Novak Djokovic avait déjà retrouvé une boucle plus longue où la tête de raquette pend sous sa hanche. C'est encore sa gestuelle actuelle. Cette petite modification augmente l'angle du coude, mais ne ralentit pas l'enchaînement lancer-frappe, qui présente, comme on l'a vu, un gros avantage.
Ce énième changement permettra peut-être à l'actuel numéro un mondial d'atteindre son objectif ultime dès le mois de juin à Roland-Garros, à savoir devenir le recordman de titres en Grand Chelem. Il en est à 22, soit le même total que Rafael Nadal. «Au contraire de Djokovic, Nadal n'a fait que gagner en amplitude au service au fil de sa carrière», conclut Yannick Hauselmann en rigolant.