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Le Graët-Zidane: «Ça devient dangereux pour l’équipe de France»

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Le Graët méprise Zidane: «Ça devient dangereux pour l’équipe de France»

Les propos méprisants de Noël le Graët envers Zinedine Zidane ne passent pas. Ils révèlent de vieux et persistants litiges identitaires propres à la France.
09.01.2023, 12:2509.01.2023, 14:00
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Il venait de reconduire Didier Deschamps pour quatre ans à la tête de l’équipe de France, il avait le pouvoir, il était le pouvoir. Pourtant, c’est lui qui a craqué le premier. Dimanche soir sur la chaîne RMC, à l’heure de l’apéro, et cela s’entendait, le président de la Fédération française de football (FFF), Noël le Graët, s’est montré méprisant envers Zinedine Zidane. Il était interrogé sur l’avenir professionnel du plus grand joueur de l’histoire du football français (avec Michel Platini) et il a parlé de lui comme d’un moins que rien: «Zidane au Brésil ? J'en ai rien à secouer», «Je ne l’aurais même pas pris au téléphone». Il n’y en avait que pour Deschamps: «On n’a jamais envisagé de se séparer de Didier.»

Acculé, Noël le Graët a présenté ses excuses lundi matin dans un communiqué:

«Je tiens à présenter mes excuses pour ces propos qui ne reflètent absolument pas ma pensée, ni ma considération pour le joueur qu’il était et l’entraîneur qu’il est devenu»
Noël le Graët

La France était rassemblée derrière son équipe, glorieuse finaliste face à l’Argentine. Illusion? Oui, bien sûr, mais il vaut mieux l’illusion de l’unité que le poison de la division. Les mots de Noël le Graët sont si choquants qu’il y aura un avant et un après 8 janvier. «Ça devient dangereux pour l’équipe de France», note le journaliste Abdelkrim Branine, l’ancienne voix vedette de la radio Beur FM et auteur du roman «Le Petit Sultan» (Éditions Zellige), dont le héros est un espoir du football en pleine crise identitaire.

En effet, après de tels propos, qui cassent pour le moins l’ambiance, on voit mal comment Noël le Graët, 81 ans, pourra présider sereinement la fédération jusqu’à la fin de son mandat, qui échoit en 2024. Un départ anticipé n’est plus du tout exclu, d’autant qu’il sera confronté à la mi-février aux conclusions d’un audit voulu par le ministère des sports suite à des allégations portant notamment sur des SMS à caractère sexuel.

«Si, suite à ses propos hallucinants sur Zidane, le Graët saute, alors la position de Deschamps sera fragilisée, d’autant que la reconduction de ce dernier au poste de sélectionneur doit tout à la fusion unissant ces deux hommes»
Abdelkrim Branine

L'on risque d'avoir alors la France de Deschamps considérant son protégé «injustement poussé vers la sortie», face à la France de Zidane, qui apparaît comme étant celle aussi de Benzema, le ballon d'or peut-être éconduit au Qatar. Un pays coupé en deux sur des critères identitaires, comme au temps, jamais éteint, de la guerre d'Algérie: la pire configuration possible. Le jeune président du Rassemblement national, Jordan Bardella, tacitement associé à la France de Deschamps, a habilement botté en touche lundi matin sur BFMTV en déclarant que «le Dry January, ce n'est probablement pas le truc de Noël Le Graët». Il n’empêche, l’alcool peut être un puissant désinhibiteur.

«Les déclarations sans filtre de Noël le Graët sur Zidane sont une métaphore de ce qui se passe de manière générale en France, de façon silencieuse, dans les sphères de pouvoir avec les Franco-Maghrébins», estime la journaliste Nadia Henni-Moulaï, auteure d’un captivant récit familial franco-algérien, «Un rêve, deux rives» (éditions Pocket). «En gros, ce que dit le Graët à Zidane, c’est "casse-toi", c’est ce "cassez-vous" entendu à une échelle plus large et qui s’adresse aux mêmes profils», ajoute la journaliste

«Où Benzema, qui n’est certes pas sans défaut, mais qui, pour autant, n’a jamais écopé d’un carton rouge, a-t-il éclaté? En Espagne, au Real Madrid qui lui a dit: tu es ici chez toi. Tout le contraire de la médiocratie française. On pourrait naturellement parler de racisme, mais c’est plus complexe que cela. Et puis, ni Zidane ni Benzema ne sont des victimes, ils ont du pouvoir»
Nadia Henni-Moulaï

Finalement, la polémique risque de rejaillir sur Didier Deschamps. Il aurait pu quitter l’équipe de France en héros après la finale contre l’Argentine, au terme de dix années d'anthologie. Son maintien pouvait déjà apparaître comme un moyen d’écarter Zidane, considéré comme le dauphin naturel au poste de sélectionneur des Bleus. Les paroles insensées de le Graët ne feront que renforcer cette impression.

«La reconduction de Didier Deschamps, partant, la fin de non-recevoir opposée à Zidane, continueront de provoquer l’exode des jeunes binationaux vers les pays dont ils sont originaires par leurs parents, cela se vérifie ces jours-ci, observe Abdelkrim Branine. La forte présence de joueurs noirs en équipe de France ne doit pas faire illusion. Le vivier est si important que beaucoup sont chez les Bleus, mais à côté, beaucoup d'autres choisissent leur deuxième pays, et le maintien de Deschamps devrait accentuer ce phénomène. Alors que quelqu’un comme Zidane, c’est l’assurance d’une personne qui comprend cette France-là.»

Limiter la casse

Il s’agit à présent de limiter la casse. Il importe pour cela que la classe politique soit unanime à condamner les propos de le Graët, unanime encore à soutenir et Zidane et Deschamps. Afin de ne pas opposer deux France, celle du couscous et celle du pâté. D'autant que manger l'un n'empêche pas de manger l'autre.

Kylian Mbappé n'est pas seulement une superstar du foot à 24 ans, il se révèle être un politique avisé, tweetant à bon escient, en boss des Bleus:

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