Rendez-vous à 6h30 dans la salle de musculation du centre de performance de Teufen (AR). C'est là, à cette heure, que Simon Ehammer accomplit sa séance fitness. Selon le moment de la saison, il y effectue deux à quatre séances par semaine. Le meilleur décathlonien suisse est accompagné de sa fiancée Tatjana Meklau, athlète et skieuse acrobatique autrichienne. Elle aussi est une sportive de haut niveau et, comme pour son chéri, l'entraîneur en chef René Wyler lui a concocté un programme individuel.
A quelques semaines des Championnats du monde, le programme de Simon Ehammer est modifié: il est plus court, serré, avec un focus sur la vivacité des jambes. Plusieurs exercices sont exécutés spécialement pour travailler le saut en longueur, seule discipline où il s'aligne à Budapest. Deux autres exercices ont valeur thérapeutique pour son épaule droite blessée.
A Teufen, c'est les vacances: à l'exception d'une jeune skieuse freestyle, le couple Ehammer/Meklau a la salle aménagée pour lui tout seul. La veille au soir, elle était occupée par des grands noms de la lutte régionale. Pendant la journée, ce sont les handballeurs de St. Otmar qui y ont transpiré.
René Wyler élabore les plans d'entraînement hebdomadaires individuels de 30 athlètes de différentes disciplines. Chaque samedi, ses protégés lui donnent un feedback sur le déroulement de la semaine. En fonction de ces retours, le coach de 56 ans procède à des adaptations de la planification. Pour lui, le dimanche n'a donc rien d'un jour de congé, c'est à ce moment qu'il concocte ces programmes.
Mais comment doit-on s'imaginer l'entraînement d'un décathlonien? «En principe, je suis stressé», rigole René Wyler quand il évoque la planification. Simon Ehammer, lui, parle de semaines très intenses: «En tant qu'athlète, on a toujours trop peu de temps à l'entraînement pour répondre aux exigences des dix disciplines.»
A Teufen, la philosophie d'entraînement des disciplines combinées comme le décathlon vise à former des athlètes rapides et forts. On y travaille beaucoup la vitesse. Pour René Wyler, le sprint avec des haies est la discipline clé de l'entraînement:
La semaine d'entraînement suit une structure claire. Les sessions de saut à la perche et de lancer du disque, par exemple, ont une place fixe chaque jeudi. Parce que la perche est très technique, tandis que le disque est la seule des épreuves du décathlon à nécessité une rotation du corps.
Entre l'entraînement physique du matin et la partie technique de l'après-midi, le programme de Simon Ehammer fait place à la régénération. A midi, l'Appenzellois a rendez-vous chez un masseur à Herisau (AR). Un peu plus tard, il se rend chez une physiothérapie à Saint-Gall. L'athlète suisse de l'année a chacun de ces deux rendez-vous une fois par semaine, cette fois-ci exceptionnellement le même jour. Chez la physio, il croise la sprinteuse Ajla Del Ponte, en convalescence.
René Wyler a comme priorité la santé de ses athlètes. De nombreux exercices de musculation visent à prévenir les blessures. Simon Ehammer a jusqu'à présent traversé sa carrière sans pépin majeur, notamment parce qu'il consacre beaucoup de temps à l'échauffement.
Si un athlète fait état d'une quelconque douleur ou d'une fatigue inhabituelle dans son feed-back hebdomadaire, la charge d'entraînement est immédiatement adaptée. Et une fois par mois, Simon Ehammer se rend chez un hypnotiseur dans le cadre de son entraînement mental.
Pour les sessions techniques à la perche, l'Appenzellois travaille sous le regard de Karl Wyler, le frère de René Wyler. Pas un hasard: le coach aime déléguer et échanger avec d'autres experts, histoire de perfectionner son approche et offrir le meilleur à ses protégés. «Cet échange nous fait du bien à tous les deux. Je trouve ça cool que René prenne en compte les inputs d'autres personnes», applaudit Simon Ehammer.
Le planning de saison concocté par René Wyler pour l'Appenzellois tient sur une feuille A4. L'athlète y inscrit d'abord toutes ses absences et ses obligations, jusqu'aux 80 ans de sa grand-mère.
Les demandes des organisateurs pour la venue du médaillé de bronze mondial noircissent également cette feuille A4. Grâce aux succès de Simon Ehammer et à ses possibilités d'engagement dans différentes disciplines, elles sont de plus en plus nombreuses.
Beaucoup de meetings suisses comprennent difficilement que l'Appenzellois doive aussi parfois renoncer au profit d'une planification judicieuse de son entraînement. Une sagesse nécessaire, comme l'explique son coach:
Ça peut paraître paradoxal: Simon Ehammer est le plus fort dans la discipline qu'il travaille le moins. Le saut en longueur, comme le saut en hauteur d'ailleurs, n'est pratiqué qu'avec parcimonie, car la charge sur les articulations du pied est énorme. L'entraînement se limite souvent à la maîtrise de la course l'élan. Un travail limité qui n'est pas du tout un problème pour René Wyler: le coach affirme que de nombreuses qualités que doit posséder un bon sauteur en longueur se travaillent loin du bac à sable.
Et ça tombe bien pour Simon Ehammer, qui ne veut rien changer à son entraînement pluridisciplinaire avant les Mondiaux, même s'il ne s'aligne à Budapest qu'en saut en longueur. De toute façon, l'Appenzellois fait preuve d'une impressionnante constance dans cette épreuve. Les propos de René Wyler sont explicites:
Le crépuscule tombe déjà sur Teufen quand Simon Ehammer sort ses chaussures de saut en longueur flambant neuves. Il veut encore peaufiner sa course d'élan. Les 42 mètres avant le saut sont-ils bien appréhendés? Pas une mauvaise idée: en finale à Budapest ce jeudi soir, on espère vivement voir plutôt le drapeau rouge à croix blanche que ceux des juges sanctionnant les essais ratés.
Adaptation en français: Yoann Graber