La salle Saint-Léonard fêtait mardi le 21e sacre de champion national du Fribourg Olympic, vainqueur de Massagno. Des scènes de liesse semblables à celles qu'avait connues Boncourt en 2004. Le club jurassien venait alors de remporter pour la deuxième fois de suite le championnat. Malheureusement pour eux, les Ajoulots devront encore attendre longtemps avant de revivre pareilles émotions.
La faute à une relégation administrative en première ligue le mois dernier, décidée par le club lui-même. Ce dernier n'arrive tout simplement plus à assurer financièrement la présence d'une équipe dans l'élite. «On a de la peine à trouver des sponsors et des bénévoles. Sans compter que les aides financières du canton du Jura sont risibles», déplore Grégory Franc, le président du BC Boncourt.
Cette situation précaire est la même à Lucerne, où Swiss Central a aussi retiré sa formation de la SB League – la première division – pour l'inscrire à l'échelon inférieur. Le BBC Nyon, lui, continuera à jouer dans l'élite, mais les Vaudois ont également beaucoup sué: ils viennent d'obtenir leur licence ce mercredi en deuxième instance après avoir réussi à combler presque entièrement un trou de 100 000 francs, principalement grâce à un prêt privé à long terme et une subvention exceptionnelle de la ville.
Les cas de ces trois clubs sont symptomatiques des grandes difficultés que rencontre le basketball suisse. Celui de Boncourt encore plus: une équipe historique du pays (deux titres de champion, une Coupe de Suisse et deux Coupes de la ligue), qui évoluait depuis 1998 en première division et rendait fière toute une région, ne devrait pas disparaître ainsi.
C'est vrai, le basket en Suisse souffre de la forte concurrence d'autres sports nettement plus médiatisés et davantage populaires, comme le football et le hockey sur glace. Logiquement, il y a des conséquences: un manque de ressources, des lacunes dans les infrastructures ou encore une quasi-impossibilité de faire venir certains joueurs étrangers talentueux, qui bénéficient d'offres plus intéressantes dans de nombreux autres pays. Le cercle vicieux se dessine. Mais il n'y a pas que ça.
«Le basket suisse se trouve à la croisée des chemins», constate Erik Lehmann, secrétaire général de Swiss Basketball, la fédération.
«Celle-ci doit désormais agir: elle doit arrêter de proposer, mais décider. Soit elle choisit de revenir à davantage d'amateurisme, soit elle accélère la professionnalisation», s'impatiente Grégory Franc, qui assure toutefois avoir de bons contacts avec Swiss Basketball et apprécier le travail de ses dirigeants.
Erik Lehmann reconnaît que le basket suisse est encore un «vaste chantier». Mais, à l'écouter, on devine facilement que la fédération veut poursuivre sa marche en avant dans la professionnalisation. «Revenir en arrière serait catastrophique, pas seulement pour la SB League, mais pour l'ensemble de ce sport en Suisse», avance le secrétaire général. Il est notamment question d'image: «Ça enverrait un mauvais signal à nos sponsors, qui financent aussi la relève.»
Mais voilà, cette professionnalisation – entamée depuis plusieurs années et qui a abouti à la création de postes à Swiss Basketball – engendre des coûts, que certains clubs ne peuvent pas assumer. «La fédération veut professionnaliser le basket suisse, mais ce n’est pas réaliste avec la situation des clubs aujourd’hui», regrette Xavier Paredes, directeur technique du BBC Nyon.
Le Nyonnais enchaîne:
«Boncourt versait environ 120 000 francs par année à la fédération pour les frais. Ça correspond à un budget d'engagement de quatre joueurs majeurs pour l'équipe», appuie Grégory Franc. Pour le Jurassien, ces frais d'arbitrage sont comme un morceau de saucisse d'Ajoie avalé avec un peu trop d'entrain un soir de Saint-Martin: ils restent en travers de sa gorge.
On ne sait pas si Erik Lehmann et ses collègues de la fédé ont eu l'occasion d'expérimenter la célèbre fiesta dans le Jura, mais ils ont apparemment toqué à la porte de plusieurs entreprises suisses. Sans succès. «C'est difficile de trouver un sponsor pour les arbitres. La France, par exemple, a réussi avec "La Poste", qui sponsorise l'arbitrage de quasiment l'ensemble des sports d'équipe. Pour une discipline seule, c'est plus compliqué», observe le dirigeant de Swiss Basketball, qui considère par ailleurs légitimes les montants des charges soustraits aux clubs.
S'il se dit attristé par les retraits de Boncourt et Swiss Central, Erik Lehmann n'en reste pas moins pragmatique. «On ne peut pas faire d'omelette sans casser d'œufs», image-t-il, pour signifier que cette professionnalisation est indispensable mais qu'elle laissera sur le carreau les clubs incapables de l'assumer.
Erik Lehmann a quelques idées pour que les clubs en difficulté assainissent leurs finances, comme par exemple restreindre le nombre de joueurs, histoire d'éviter de payer dans le vide ceux qui cirent plutôt le banc que le parquet. Ou alors engager davantage de basketteurs étrangers, «qui coûtent moins cher que les bons joueurs suisses, ce qui permettrait d'enrôler à côté plus de joueurs locaux en formation».
Le dirigeant de la fédération estime qu'il incombe surtout aux clubs eux-mêmes de se sortir de situations financières délicates, notamment en soignant leur image, et «d'arrêter de râler contre Swiss Basketball»:
La fédération et les clubs n'ont sans doute pas fini de se renvoyer la balle. Le championnat de SB League reprendra cet automne avec vraisemblablement 10 équipes (au lieu de 11 cette année), le champion de LNB, Pully Lausanne Foxes, ayant reçu le premier feu vert pour évoluer dans l'élite. Après analyse approfondie des comptes du club, Swiss Basketball tranchera définitivement d'ici fin juin.