Sport
Basketball

Le BC Boncourt se retire et étale les maux du basketball suisse

Philippe Eyenga (à gauche) et son équipe du BC Boncourt ne joueront pas en SB League la saison prochaine, une première depuis 25 ans.
Philippe Eyenga (à gauche) et son équipe du BC Boncourt ne joueront pas en SB League la saison prochaine, une première depuis 25 ans. image: keystone/shutterstock

En se retirant, Boncourt étale au grand jour les maux du basket suisse

Le mythique club jurassien ne jouera pas en première division la saison prochaine, la faute à de gros problèmes financiers. Une situation symptomatique, dans laquelle la fédération et les clubs se renvoient la balle.
15.06.2023, 18:5215.06.2023, 22:37
Plus de «Sport»

La salle Saint-Léonard fêtait mardi le 21e sacre de champion national du Fribourg Olympic, vainqueur de Massagno. Des scènes de liesse semblables à celles qu'avait connues Boncourt en 2004. Le club jurassien venait alors de remporter pour la deuxième fois de suite le championnat. Malheureusement pour eux, les Ajoulots devront encore attendre longtemps avant de revivre pareilles émotions.

La faute à une relégation administrative en première ligue le mois dernier, décidée par le club lui-même. Ce dernier n'arrive tout simplement plus à assurer financièrement la présence d'une équipe dans l'élite. «On a de la peine à trouver des sponsors et des bénévoles. Sans compter que les aides financières du canton du Jura sont risibles», déplore Grégory Franc, le président du BC Boncourt.

Daniel Andjelkovic und Florian Steinmann im LNA-Playoff Viertelfinal Spiel zwischen SAM Basket Massagno und dem BC Boncourt, am Samstag, 6. Mai 2023 in Massagno. (KEYSTONE/Ti-Press/ Pablo Gianinazzi)
Florian Steinmann (en noir) et Boncourt n'évolueront plus en SB League la saison prochaine. Image: KEYSTONE

Cette situation précaire est la même à Lucerne, où Swiss Central a aussi retiré sa formation de la SB League – la première division – pour l'inscrire à l'échelon inférieur. Le BBC Nyon, lui, continuera à jouer dans l'élite, mais les Vaudois ont également beaucoup sué: ils viennent d'obtenir leur licence ce mercredi en deuxième instance après avoir réussi à combler presque entièrement un trou de 100 000 francs, principalement grâce à un prêt privé à long terme et une subvention exceptionnelle de la ville.

Les cas de ces trois clubs sont symptomatiques des grandes difficultés que rencontre le basketball suisse. Celui de Boncourt encore plus: une équipe historique du pays (deux titres de champion, une Coupe de Suisse et deux Coupes de la ligue), qui évoluait depuis 1998 en première division et rendait fière toute une région, ne devrait pas disparaître ainsi.

Cercle vicieux et fessier entre deux chaises

C'est vrai, le basket en Suisse souffre de la forte concurrence d'autres sports nettement plus médiatisés et davantage populaires, comme le football et le hockey sur glace. Logiquement, il y a des conséquences: un manque de ressources, des lacunes dans les infrastructures ou encore une quasi-impossibilité de faire venir certains joueurs étrangers talentueux, qui bénéficient d'offres plus intéressantes dans de nombreux autres pays. Le cercle vicieux se dessine. Mais il n'y a pas que ça.

Swiss Central's Magnus Obim, right, drives to the basket against Lions de Geneve's Slobodan Miljanic, left, during the game of Swiss Basket League between Les Lions de Geneve and Swiss Centr ...
Magnus Obim (à droite) et Swiss Central vont eux aussi quitter la première division.Image: KEYSTONE

«Le basket suisse se trouve à la croisée des chemins», constate Erik Lehmann, secrétaire général de Swiss Basketball, la fédération.

«Celle-ci doit désormais agir: elle doit arrêter de proposer, mais décider. Soit elle choisit de revenir à davantage d'amateurisme, soit elle accélère la professionnalisation», s'impatiente Grégory Franc, qui assure toutefois avoir de bons contacts avec Swiss Basketball et apprécier le travail de ses dirigeants.

Erik Lehmann reconnaît que le basket suisse est encore un «vaste chantier». Mais, à l'écouter, on devine facilement que la fédération veut poursuivre sa marche en avant dans la professionnalisation. «Revenir en arrière serait catastrophique, pas seulement pour la SB League, mais pour l'ensemble de ce sport en Suisse», avance le secrétaire général. Il est notamment question d'image: «Ça enverrait un mauvais signal à nos sponsors, qui financent aussi la relève.»

Mais voilà, cette professionnalisation – entamée depuis plusieurs années et qui a abouti à la création de postes à Swiss Basketball – engendre des coûts, que certains clubs ne peuvent pas assumer. «La fédération veut professionnaliser le basket suisse, mais ce n’est pas réaliste avec la situation des clubs aujourd’hui», regrette Xavier Paredes, directeur technique du BBC Nyon.

«Ce sont les clubs qui doivent supporter une grande partie des charges liées à cette professionnalisation»
Xavier Paredes, directeur technique du BBC Nyon
Nyon's players look disappointed after losing against the team Lions de Geneve, during the first leg of the playoff quarter final game of Swiss Basket League between Les Lions de Geneve and BBC N ...
Les Nyonnais, battus par Genève en quart de finale, ont obtenu leur licence pour la SB League en deuxième instance.Image: KEYSTONE

Le Nyonnais enchaîne:

«Les frais versés à Swiss Basketball sont énormes, ils représentent presque 20% de notre budget. Plus de la moitié sont des frais d’arbitrage. Ceux-ci représentent environ 45 000 francs par année.»

«Boncourt versait environ 120 000 francs par année à la fédération pour les frais. Ça correspond à un budget d'engagement de quatre joueurs majeurs pour l'équipe», appuie Grégory Franc. Pour le Jurassien, ces frais d'arbitrage sont comme un morceau de saucisse d'Ajoie avalé avec un peu trop d'entrain un soir de Saint-Martin: ils restent en travers de sa gorge.

«Je pense que Swiss Basketball pourrait diminuer ces charges pour les clubs en trouvant de l'argent avec la sponsorisation du maillot des arbitres, par exemple»
Grégory Franc, président du BC Boncourt

En NBA, par contre, l'argent coule à flot👇

On ne sait pas si Erik Lehmann et ses collègues de la fédé ont eu l'occasion d'expérimenter la célèbre fiesta dans le Jura, mais ils ont apparemment toqué à la porte de plusieurs entreprises suisses. Sans succès. «C'est difficile de trouver un sponsor pour les arbitres. La France, par exemple, a réussi avec "La Poste", qui sponsorise l'arbitrage de quasiment l'ensemble des sports d'équipe. Pour une discipline seule, c'est plus compliqué», observe le dirigeant de Swiss Basketball, qui considère par ailleurs légitimes les montants des charges soustraits aux clubs.

Une omelette, un ancrage local et un néo-promu

S'il se dit attristé par les retraits de Boncourt et Swiss Central, Erik Lehmann n'en reste pas moins pragmatique. «On ne peut pas faire d'omelette sans casser d'œufs», image-t-il, pour signifier que cette professionnalisation est indispensable mais qu'elle laissera sur le carreau les clubs incapables de l'assumer.

«La première division belge avait rencontré des soucis similaires, elle a accepté de n'avoir que huit équipes pendant un moment et, désormais fusionnée avec les Pays-Bas, se porte bien»
Erik Lehmann, secrétaire général de Swiss Basketball
Cain Doliboa ( Boncourt droite) tente de passer Patrick Koller ce soir mercredi 13 mai 2003 a Boncourt lors du 2e match de la finale du championnat suisse de basket opposant le BC Boncourt a Fribourg  ...
Mai 2003, soit l'époque du grand BC Boncourt (avec Cain Doliboa, en rouge). Les Jurassiens fêteront leur premier titre national quelques jours plus tard.Image: KEYSTONE

Erik Lehmann a quelques idées pour que les clubs en difficulté assainissent leurs finances, comme par exemple restreindre le nombre de joueurs, histoire d'éviter de payer dans le vide ceux qui cirent plutôt le banc que le parquet. Ou alors engager davantage de basketteurs étrangers, «qui coûtent moins cher que les bons joueurs suisses, ce qui permettrait d'enrôler à côté plus de joueurs locaux en formation».

Le dirigeant de la fédération estime qu'il incombe surtout aux clubs eux-mêmes de se sortir de situations financières délicates, notamment en soignant leur image, et «d'arrêter de râler contre Swiss Basketball»:

«Boncourt devrait être capable de fédérer tout un canton, et Swiss Central, qui est une fusion de plusieurs petites équipes locales, peut-être embrasser davantage une identité lucernoise. C'est aussi aux clubs de travailler pour devenir plus attractifs aux yeux des joueurs, d'avoir un projet à leur présenter.»

Portrait d'un tout frais champion NBA👇

La fédération et les clubs n'ont sans doute pas fini de se renvoyer la balle. Le championnat de SB League reprendra cet automne avec vraisemblablement 10 équipes (au lieu de 11 cette année), le champion de LNB, Pully Lausanne Foxes, ayant reçu le premier feu vert pour évoluer dans l'élite. Après analyse approfondie des comptes du club, Swiss Basketball tranchera définitivement d'ici fin juin.

33 images générées par IA délicieusement bizarres
1 / 37
33 images générées par IA délicieusement bizarres
partager sur Facebookpartager sur X
McGregor a expédié la mascotte aux urgences
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
La compétition sportive la plus folle du monde débute ce dimanche
Le Vendée Globe, mythique course de bateaux autour du monde, est la dernière grande aventure humaine. Il n'y a pas plus passionnant!

Dans le roman de Jules Verne, ils réalisent le tour du monde en 80 jours. Le vainqueur le plus rapide du Vendée Globe, Armel Le Cléac’h en 2016/2017, a abaissé cette marque de six journées. Il était seul. Seul avec ses voiles au milieu des océans, durant 74 jours, 3 heures et 35 minutes. Ce qu'il a réalisé est une prouesse.

L’article