Il n'a que 19 ans mais il n'a encore jamais porté un maillot de NBA. Le prodige français Victor Wembanyama fait toutefois déjà saliver les sponsors, au point que les spécialistes voient en lui un potentiel publicitaire équivalant à celui des plus grands noms du sport moderne.
«C'est unique», s'enthousiasme Sonny Vaccaro, l'homme qui a fait signer Michael Jordan chez Nike et Kobe Bryant chez Adidas.
Ce jeudi, à la draft de la NBA, Victor Wembanyama devrait être sélectionné par les San Antonio Spurs. Il a été accueilli en rock star aux Etats-Unis et, malgré le combo capuche-lunettes noires, il n’est pas passé inaperçu à sa descente de l’avion à Newark, où l’attendait un premier groupe de fans, alors que son vol avait été tenu secret.
Le premier grand contrat attendu est celui de l'équipementier Nike, qui s'engage traditionnellement avant les autres. En février, l'un des agents de «Wemby», Bouna Ndiaye, évoquait, dans un entretien à ESPN, le seuil symbolique de 100 millions de dollars pour associer son nom à une marque de chaussures. Il s'agirait d'un record pour un joueur n'ayant encore jamais pris part à un match de la NBA, devant les 90 millions offerts par Nike à LeBron James en 2003.
Déjà sous contrat avec le géant du Chesnay, la marque à la virgule est bien positionnée pour le garder dans son écurie, après revalorisation. Steve Rosner, de l'agence 16W Marketing, voit ce «deal» être complété rapidement par quelques millions provenant des cartes de collection et autres produits dérivés.
«Avec la promotion et le battage dont il a déjà bénéficié», dans les médias mais aussi par le biais de la ligue nord-américaine, qui a permis de diffuser aux Etats-Unis ses matchs en France, Victor Wembanyama «est un ambassadeur unique, qui peut obtenir ce type de contrats avant même d'avoir foulé un parquet de NBA», insiste Rosner.
Pendant longtemps, les étrangers débarquant en NBA ne suscitaient que peu d'intérêt chez les sponsors, à l'image d'Hakeem Olajuwon, Dirk Nowitzki ou Pau Gasol. «Madison Avenue préfère un Américain», disait le consultant Marty Blackman au New York Times en 1995, en référence aux grandes agences publicitaires de la «Grosse Pomme», qui boudaient Olajuwon, pourtant champion en titre avec Houston.
Mais pour Victor Matheson, professeur à l'université Holy Cross, la donne a changé en 2002 avec l'arrivée du Chinois Yao Ming. Il «a été important, parce qu'il a ouvert le marché chinois à la NBA», rappelle-t-il.
Or aujourd'hui, la ligue compte plus de fans hors de son territoire qu'il n'y a d'habitants aux Etats-Unis. Selon le magazine Forbes, Giannis Antetokounmpo, deux fois élu meilleur joueur de la NBA et champion en 2021, a gagné plus en dehors des parquets (45 millions de dollars) que le salaire que lui versent les Milwaukee Bucks (42 millions).
«Wembanyama peut ouvrir de nouveaux marchés» à la NBA, anticipe Victor Matheson. Son profil international peut même attirer des multinationales à la stratégie marketing mondiale, selon Steve Rosner, à l'instar de Yao Ming avec Coca-Cola, McDonald's ou Visa, en son temps.
Il y a 20 ans, le fait d'évoluer dans un petit marché comme San Antonio aurait pu amoindrir l'attrait commercial d'un joueur, si fort soit-il. Mais «la NBA est mondialisée aujourd'hui», rappelle Sonny Vaccaro, grâce au streaming et aux réseaux sociaux. «Cela n'a plus d'importance.»
Les autres partenariats de «Blank Check» (chèque en blanc), comme l'a surnommé l'ancien joueur Jalen Rose, pourraient prendre un peu plus de temps à se concrétiser.
D'abord parce que le joueur et son entourage ne sont pas pressés. «Nous voulons rendre Victor rare», a expliqué, en février, Bouna Ndiaye. Et, selon l'agent, Wembanyama «rejette des contrats à plusieurs millions de dollars parce qu'il veut se concentrer sur le basket».
Côté partenaires, «vous ne voulez probablement pas parier toute l'entreprise sur un joueur qui n'a encore jamais joué une seule minute en NBA», fait ensuite valoir Victor Matheson. «Ils vont attendre d'en voir un peu plus.» Mais «s'il fait sur le terrain tout» ce qui est attendu de lui, «le reste suivra», prévient Steve Rosner.
«Pour gagner les mêmes sommes que LeBron James ou Michael Jordan, ce n'est pas le premier contrat (de sponsoring) qui compte», souligne Victor Matheson. «Jordan n'est pas devenu milliardaire grâce à un bon premier deal, mais parce que», au fil des années, «son jeu lui a permis de signer contrat après contrat». (sda/ats/afp)