Oui, c'est un camouflet de perdre contre une quatrième division quand on est le grand Ajax Amsterdam. Mais non, le club n'a pas à rembourser ses supporters après cette défaite mortifiante.
C'est pourtant la décision qu'il a prise jeudi après l'élimination en 16e de finale de Coupe des Pays-Bas sur la pelouse du très modeste USV Hercules (3-2 à cause d'un but au bout des arrêts de jeu). Tous les 325 fans ajacides qui ont fait le déplacement verront leur ticket être remboursé, a ainsi promis le quadruple vainqueur de la Ligue des champions. En avril dernier, Tottenham avait opté pour la même démarche après la claque prise à Newcastle (6-1).
La décision de l'Ajax a été prise «en consultation avec le groupe de joueurs et le staff technique», comme l'explique le club dans un communiqué, après avoir fait part de sa «profonde honte» envers les supporters. L'équipe de la capitale néerlandaise précise:
Or oui, ne rien faire aurait été une option. Et même la meilleure. Il est normal que les joueurs saluent les fans qui ont fait le déplacement après un match et ce quelque soit le score: les supporters ont dépensé de l'argent, du temps et de l'énergie (souvent au prix de leurs cordes vocales) pour encourager l'équipe. Un petit geste d'égard à leur encontre est un minimum.
Mais rembourser leurs billets – aussi sèche soit la défaite – est une mauvaise idée. Primo, parce que la démarche va à l'encontre de l'essence même du sport: sa «glorieuse incertitude».
Et heureusement! Qu'est-ce que le sport serait ennuyeux si on pouvait systématiquement prédire le vainqueur et qu'il n'y avait jamais de surprise... C'est simple: sans suspense, il n'y aurait aucun spectateur. Ni de sport tout court. En se procurant un billet, le fan accepte tacitement qu'il peut se passer n'importe quoi sur le terrain, y compris que son équipe passe complètement à côté de l'événement.
On peut aussi voir la situation comme ça: les footballeurs sont moralement soumis à une obligation de moyens, et non pas de résultats. C'est le cas par exemple des médecins au niveau légal. En d'autres termes: si l'athlète a tout fait pour gagner, mais n'y est pas parvenu, on ne peut pas le blâmer. Certes, l'Ajax n'a certainement pas fait le meilleur match de son histoire à Hercules, mais a-t-il «triché» pour autant? A voir le fil du match, non. Les Amstellodamois, menés 2-0, ont égalisé à la 89e avant donc de craquer quelques minutes plus tard.
Un remboursement de billet a aussi le vilain défaut de ramener la passion des fans à une simple histoire de sous. Non, l'amour ou le respect pour un club ne s'achète pas.
L'Ajax aurait mieux fait de garder son argent pour le mercato, par exemple, et son énergie pour corriger le tir sur le terrain le week-end suivant.
Ensuite, rembourser des spectateurs à la moindre petite contrariété, c'est prendre le risque d'ouvrir la porte aux abus. Si on suit la logique du club amstellodamois, on rendra bientôt leur argent aux fans déçus d'une victoire trop étriquée, d'un match nul ou ceux dépités qu'il n'y ait pas un titre national à la fin de la saison... D'ailleurs, à partir de quand peut-on qualifier une prestation de «décevante»? Qui décrète quand c'est le cas? L'arbitraire rend l'initiative du remboursement boiteuse.
Finalement, cette question: les joueurs ont-ils des comptes à rendre aux fans? Le rôle de ceux-ci ne doit-il pas simplement se cantonner à encourager leur équipe de cœur, sans s'ériger en tribunal populaire? Depuis quelques années, certains ultras, notamment, se sont octroyés cette fonction, parfois avec violence.
Ceux de l'Ajax, dont le club vit une saison compliquée également en championnat (il est seulement 5e à 23 points du leader Eindhoven et a connu un début d'exercice catastrophique), ont manifesté leur colère en dépassant les limites. Rembourser leur billet après cette défaite les conforte dans leur position, avec là aussi le risque d'abus à venir.