Le président de l'Association suisse de football (ASF), Dominique Blanc, avait affirmé sans ambiguïté en octobre, c'est-à-dire en pleine crise de résultats: «Nous irons à l'Euro avec Murat Yakin». Ce n'est apparemment pas l'avis de tous ses collaborateurs.
Le directeur de la Nati, Pierluigi Tami, a son opinion, qu'il ne veut pas encore dévoiler publiquement. Mais surtout, dans l'«affaire Yakin», il a un agenda qui diffère de celui de Blanc. Il ne partage pas la parole présidentielle. Il veut d'abord analyser en profondeur cette qualification maussade avant de se prononcer sur la question de l'entraîneur.
Tami ne se confronte pas encore à celle-ci parce qu'il veut garder le plus d'options possibles. En soi, ce n'est pas une mauvaise idée, car le choix de l'entraîneur exige de garder la tête froide. Pourtant, il laisse le coach qu'il a choisi en 2021 se faire découper par le hachoir médiatique depuis des semaines et pour les jours à venir.
Soutenir vigoureusement Yakin en public? Rien de tout ça. Corriger l'image de la relation prétendument rompue entre le sélectionneur et Granit Xhaka? Silence radio. Pierluigi Tami n'a non plus jamais fait de plaidoyer enflammé pour défendre «sa» Nati.
Le Tessinois donne l'impression d'un homme qui vérifie à chaque fois, avant d'aller se coucher, que toutes les fenêtres et les portes sont bien fermées.
Tami vient annoncer qu'il mettra tout sur la table lors d'un entretien avec l'entraîneur et le président, qu'il analysera en profondeur la qualification pour l'Euro. Pas aujourd'hui, pas demain, pas après-demain, mais dans quelques semaines. Il veut d'abord se rendre avec Murat Yakin au tirage au sort le 2 décembre à Hambourg.
Mettons-nous à la place de Yakin. On se rend à ce tirage avec tous les autres participants au championnat d'Europe, on s'imprègne de l'ambiance, on réfléchit peut-être déjà à la manière de déjouer tel ou tel adversaire. Mais à ce moment-là, on n'est même pas sûr de faire partie de ce spectacle. C'est un peu ce que doivent ressentir les ours qui dansent.
Ici, ce n'est pas la faute du sélectionneur. Murat Yakin est un penseur rapide, il a son analyse en tête. Il sait ce qu'il veut et doit faire pour remettre la Nati sur les rails. Tami n'a pas besoin d'aller fouiller pendant des heures dans les archives de la Nati avant de parvenir à une conclusion. De par son rôle, il est tout le temps au cœur de l'équipe nationale. Et il dit lui-même qu'il s'est déjà fait son opinion.
C'est indigne d'enfermer Murat Yakin aussi longtemps dans la cave de l'incertitude. Les spéculations à son sujet ne vont en tout cas pas s'arrêter là. Certains interprètent le manque d'engagement de Tami et ses critiques concernant le développement de l'équipe comme un signe qu'il a déjà abandonné Yakin. Au contraire, d'autres voient dans l'intervention du Tessinois, selon laquelle les chiffres parlent en faveur du sélectionneur, un signal en faveur d'une poursuite de la collaboration.
Dans cette remise en question globale de l'ASF concernant cette campagne décevante, le mandat de Pierluigi Tami doit aussi être passé au crible. A-t-il composé le bon staff? Ressent-il l'équipe et l'entraîneur? Est-il la figure de proue en matière de communication? Soutient-il et décharge-t-il Murat Yakin là où ce dernier en a besoin? Fait-il tout ce qui est en son pouvoir pour faire progresser le sélectionneur? Finalement: est-il l'homme qu'il faut pour ce poste de directeur de la Nati?
Adaptation en français: Yoann Graber