On se frotte les yeux. Ruth Wipfli-Steinegger, vice-présidente de Swiss Olympic, en charge du comité de pilotage pour des Jeux d'hiver décentralisés et durables en Suisse, défendait avec assurance son plan. Il y a quelques jours encore, la conseillère fédérale et ministre des Sports Viola Amherd déclarait, elle, qu'une candidature helvétique faisait avant tout les affaires du Comité international olympique. «Les Jeux s'adaptent désormais au pays organisateur et non l'inverse», ajoutait le président de Swiss-Ski, Urs Lehmann.
Et voilà que le CIO nous laisse sur la touche pour 2030 et 2034, créant un nouveau statut de «dialogue privilégié» pour le «cas particulier de la Suisse», qui ressemble fort à un lot de consolation d'une tombola. Le premier prix revient à la France, le second aux Etats-Unis, et les dirigeants suisses sont aux anges, alors même qu'ils viennent d'essuyer une rebuffade.
La Suisse reste dans un dialogue avec le CIO pour les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 2038
— Swiss Olympic Team (@swissteam) November 29, 2023
Le CIO a confirmé aujourd’hui qu’il était lui aussi convaincu du potentiel du projet olympique suisse. https://t.co/hQJAmujLtj pic.twitter.com/fNUeIzyrhV
On se frotte les yeux. Ce devait être les premiers Jeux organisés à l'échelle nationale, et le Comité international olympique a exprimé son refus catégorique. Neuf cantons, c'est beaucoup trop, il vaut mieux quatre clusters. Le CIO regrette ainsi l'absence d'esprit olympique au sein du projet helvétique. Mais pourquoi cette information n'est-elle parvenue que le 29 novembre, alors que depuis avril, le projet a été développé «ensemble», dans le cadre d'un dialogue continu, selon la fiche d'information du CIO?
On se frotte les yeux. Six ans après Paris 2024, la France organisera donc les Jeux d'hiver, sur l'ensemble de son massif alpin. De Nice à La Clusaz, où se dérouleront les épreuves nordiques, il y a un trajet de 600 kilomètres à parcourir en voiture. Deux arènes de hockey sur glace vont devoir être construites, en bord de mer, sur la Côte d'Azur. C'est peut-être ça le point de vue du perdant - ne pas admettre au premier regard les avantages décisifs du projet de notre voisin français.
Nous aimerions comprendre. La Suisse détient toutes les qualités pour organiser des Jeux olympiques d'hiver. Nous sommes l'un des pays les plus riches au monde, nous avons des compétences dans presque toutes les disciplines hivernales. Au cours des sept prochaines années, nous organiserons des Championnats du monde dans plus d'une demi-douzaine de ces sports, nous mettrons en place des organisations similaires. Aucun pays au monde n'aura un meilleur élan que la Suisse au niveau des sports d'hiver, d'ici 2030.
Le Comité international olympique doit mieux comprendre le projet helvétique, dit-on à Lausanne. Ce n'est pourtant pas si difficile, il faut seulement le vouloir. Le refus peut également être interprété d'une autre façon: la démocratie directe de la Suisse est une véritable épine dans le pied de la puissante organisation aux cinq anneaux. Si le CIO souhaite que les Jeux olympiques échouent encore et toujours face aux votations populaires - et pas seulement en Suisse - qu'il continue d'agir ainsi.
Adaptation en français: Romuald Cachod.