Sur le papier, les données sont claires.
Et néanmoins: la probabilité d'un exploit suisse contre un favori à la Coupe du monde est plus réelle qu'elle ne l'a été depuis longtemps. Explications.
Les Espagnoles traversent une période difficile, rythmée par des conflits, des blessures et plusieurs retraites internationales. Surtout, il y a les séquelles de ce que la presse espagnole appelle pudiquement «L'affaire».
En septembre 2022, quinze joueuses ont co-signé un courrier dans lequel elles adressent leurs récriminations à la Fédération, notamment des critiques à l'encontre du sélectionneur Jorge Vilda. Ces joueuses ont refusé de porter le maillot de la Roja aussi longtemps que le coach resterait en place.
Après un grand déballage médiatique, les dirigeants ont pris fait et cause pour Vilda, en poste depuis déjà huit ans. Dans la même situation, la Fédération française a fait l'inverse: elle a choisi de sacrifier la sélectionneuse Corinne Diacre.
La Fédération a désavoué les frondeuses, avant de leur poser un ultimatum: si elles voulaient revenir en équipe nationale, elles devaient «assumer leur erreur et demander pardon». Douze l'ont fait. Trois ont annoncé leur retraites internationales. Mais parmi les douze, Jorgen Vilda en a écarté plusieurs, notamment quatre stars du FC Barcelone. Une surtout: Patricia Guijarro, double buteuse en finale de la Ligue des champions (victoire 3-2 contre Wolfsburg).
Les médias espagnols décrivent «une communauté de complaisance» qui a mis ses désaccords de côté pour gagner la Coupe du monde, en parfaite conscience de son potentiel immense. «Mais cette communauté explosera peut-être après», suggère Marca.
Double Ballon d'or en 2021 et 2022, Alexia Putellas n'a pas participé à la mutinerie car elle soignait une grave blessure au ligament croisé du genou, mais elle a affiché publiquement son soutien aux rebelles, notamment sur les réseaux sociaux. La meneure de jeu, 29 ans, a justifié son retour en sélection par des «améliorations significatives», sans plus de précision.
Rapide, intelligente, capable de marquer comme de défendre, Alexia Putellas peine à retrouver son meilleur niveau. La grande star du Barça n'a disputé jusqu'ici que 20 minutes contre le Costa Rica, une mi-temps face à la Zambie et une heure contre le Japon, sans jamais sortir du lot (1 passe décisive). L'Espagne aura besoin d'elle en bien meilleure forme.
Si elle n’a jamais atteint les quarts de finale en deux participations, la Roja figure toujours parmi les équipes potentiellement capables de remporter une Coupe du monde. L'Espagne aspire à assoir sa domination, à l’image du FC Barcelone qui s’est imposé en Europe ces dernières années. Son effectif talentueux lui donne un avantage certain contre la Suisse.
Reste que les Espagnoles ne sont pas aussi souveraines qu'on aurait pu le penser après leurs premiers matches face au Costa Rica (3-0) et à la Zambie (5-0). Elles ont perdu 4-0 contre le Japon, dans un match qui a révélé leurs lacunes défensives et dans les transitions. C'est probablement là une faille que la Suisse peut exploiter.
«Nous allons affronter la Suisse en huitièmes de finale, l’adversaire a priori le plus faible», se réjouit Marca. Qui ajoute: «On aurait signé tout de suite.»
Pourquoi faudrait-il en douter? Parce que la génération actuelle de la Nati a atteint son apogée. Les trois meilleurs joueuses, Ana-Maria Crnogorcevic, Lia Wälti et Ramona Bachmann, ont toutes plus de 30 ans et ont accumulé beaucoup d'expérience. Elles sont habituées aux grands matchs. Autre élément clé: ce Mondial est le dernier tournoi de la gardienne Gaëlle Thalmann, actuellement en grande forme.
Les Suissesses ont aussi une défense très solide. Elles n'ont pas encaissé le moindre but. Leur esprit d'équipe est toujours perceptible après six semaines de vie en communauté et se reflète dans leur solidarité défensive.
Enfin, les Suissesses adorent le rôle d'outsider. Si elles doivent faire le jeu, elles rencontrent vite des problèmes. Elles sont bien meilleures pour annihiler les tentatives de l'adversaire. Si elles négocient mieux leurs contre-attaques, un coup est possible. Et tant pis si c'est un coup de chance.