Daniela Ryf a réalisé une performance exceptionnelle dimanche: le record mondial féminin dans un Ironman. A Roth, en Allemagne, elle a bouclé en 8 heures 8 minutes et 21 secondes le parcours démentiel qui comprend 3,8 km de natation, 180 km de vélo puis 42,2 km de course à pied.
La Soleuroise (36 ans) a ainsi pulvérisé la précédente marque de près de dix minutes, qui datait de 2011. Elle ne s'attendait pas à battre le record ce jour-là:
Mais la triathlète rêvait d'établir ce chrono de référence depuis plusieurs années. Elle a tout fait pour y arriver, y compris revenir auprès de son entraîneur de longue date, Brett Sutton, en janvier dernier.
L'Australien de 64 ans, qui a connu la gloire grâce aux succès de ses ex-protégées, la Britannique Chrissie Wellington (quatre titres consécutifs à Hawaï entre 2007 et 2011) et la Suissesse Nicola Spirig (or en triathlon aux JO 2012 et argent en 2016) est connu pour ses méthodes originales.
Qualifié de «gourou», il suit moins les manuels que son intuition. Daniela Ryf avait cessé son partenariat avec lui au printemps 2021, à la recherche d'un entraînement davantage basé sur des données scientifiques, désormais à la mode dans le triathlon. Même si durant cette période seule, elle a appris à se «faire confiance et être plus patiente» avec elle-même, comme elle l'expliquait en avril à la NZZ, cette séparation n'a globalement pas été bénéfique. La Soleuroise concédait:
Ses difficultés se sont concrétisées lors de l'Ironman d'Hawaï en octobre 2022, où elle n'a pris que le 8e rang. Après cet échec, des rumeurs de fin de carrière circulaient même dans le milieu. Trois mois plus tard, la Soleuroise retrouvait Brett Sutton, après presque deux ans loin de son mentor.
Désormais, ce dernier habite en Chine, où il s'occupe de triathlètes locaux pour les amener aux JO 2024 à Paris. L'Australien y a aussi comme mission de faire de ce pays l'un des dix meilleurs au monde en triathlon d'ici 2028. Sutton reviendra en Suisse seulement quelques semaines cet été, seule période où il pourra côtoyer Daniela Ryf. Le reste du temps, la collaboration se fait à distance, comme l'explique l'athlète toujours dans la NZZ:
Même à des milliers de kilomètres, l'Australien semble pouvoir utiliser sa principale qualité: sentir – sans données scientifiques – l'état de forme de ses protégés et adapter leur entraînement en fonction. Il a la réputation de pouvoir évaluer la forme des athlètes rien qu'en les observant monter un escalier.
Et Daniela Ryf a confiance en Sutton. «Il me connaît très bien et sait quand me pousser ou me ralentir». D'ailleurs, la méthode du sexagénaire, basée sur l'intuition, a déteint sur la Soleuroise: elle n'utilise des mesures scientifiques que lorsqu'elle vérifie sa glycémie ou si elle brûle bien les graisses. «Faire confiance à mes sentiments me donne plus de liberté et de flexibilité», s'enthousiasmait-elle dans la NZZ.
Forte de ses retrouvailles avec son «gourou», la nouvelle recordwoman du monde d'Ironman tentera d'effacer la déception de l'an dernier à Hawaï en remportant une sixième couronne mondiale et, qui sait, en améliorant sa marque par la même occasion.
De son côté, Brett Sutton n'a aucune intention de renoncer à ses vieilles méthodes, malgré la concurrence de jeunes entraîneurs beaucoup plus enclins à manier la technologie et les données. «Cela a été très réussi pendant trente ans et je suis convaincu qu'il en sera de même pour les trente prochaines années», a promis l'Australien dans la NZZ.
En homme de défi(ance), il conclut: «Au cours des trois à quatre prochaines années, mon équipe junior chinoise montrera à tous ceux qui veulent voir que mon système est toujours très performant.»
De quoi rassurer tous ceux d'entre nous qui savent à peine utiliser un smartphone ou ChatGPT...