Mads Pedersen a frappé très fort, jeudi dernier, sur la corniche Kennedy à Marseille. Le favori a écrasé le prologue de 5 km du Tour de La Provence, reléguant ses premiers adversaires à six et dix secondes (des écarts conséquents compte tenu de la brièveté du parcours). Sa démonstration, le champion du monde sur route 2019 l'a réalisée grâce à ses formidables qualités de rouleur, au travail abattu durant l'intersaison, mais aussi à un détail qui a eu son importance.
Pour rouler à une vitesse moyenne de 56.43 km/h, Mads Pedersen (Lidl-Trek) a utilisé un plateau de 60 dents.
Mads Pedersen used a 60-tooth chainring in 🇫🇷 Tour de la Provence prologue, leading him to victory with avg. speed of 56.43 Kph. #TDLP2024 pic.twitter.com/MDiLzchg0S
— ammattipyöräily (@ammattipyoraily) February 8, 2024
Ce n'est bien sûr pas la première fois qu'un coureur puissant opte pour une telle option. Mais rouler avec ce type de matériel n'est pas donné à tout le monde, car il faut de la force pour emmener un braquet (rapport entre le pignon arrière et le plateau) aussi conséquent.
Mads Pedersen avait donc un 60 dents à l'avant et un 10 à l'arrière. Un gros braquet, donc, même si Daniel Gisiger (ex-spécialiste de chrono devenu entraîneur de cyclisme sur piste) prévient:
«Plus le plateau devant est grand, plus ta distance va être grande. A l'inverse, plus ton pignon derrière est petit, plus ta distance parcourue est grande, explicite l'ancien coureur Sandy Casar sur France Info. Si tu mets un grand plateau et un petit pignon, en un tour de pédale, tu vas faire 5m ou 10m (en fonction du nombre de dents). Si tu mets l’inverse, à chaque tour de pédale, tu vas faire moins de distance.»
L'équipement de Mads Pedersen (un plateau de 60 et un pignon de 10) permet donc de parcourir une plus grande distance et offre plus d'emprise qu'un 39x30, utilisé lors des étapes de montagne, mais nécessitera aussi plus de force. «C’est comme pour les pyramides dans l’Antiquité avec les poulies, résume Casar. Tu tires moins fort, mais tu fais moins de distance.»
Depuis l'Antiquité, beaucoup de choses ont changé. C'est pareil en vélo, mais sur une période bien plus courte. Le matériel d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celui des années septante. «Il y a des vélos qui, à l'époque, ne permettaient tout simplement pas de mettre un 60 dents. Ils n'étaient pas conçus pour avoir un plateau aussi grand», rappelle Daniel Gisiger.
Les coureurs sont toujours plus rapides. Stefan Küng avait souligné un jour que lors de son avènement chez les professionnels en 2013, les vitesses en chrono individuel étaient d'environ 50 km/h et qu'aujourd'hui, grâce au développement du contre-la-montre, elles se rapprochaient des 60 km/h.
C'est surtout vrai sur les tracés plats, comme celui du prologue marseillais avec ses 25 mètres (!) de dénivelé positif. C'est d'ailleurs sur ce type de profil que les coureurs peuvent «envoyer du lourd» en choisissant un gros braquet. Sur des parcours plus accidentés, ils auraient en effet beaucoup de peine à passer les bosses avec un 60x10.
La question est désormais de savoir jusqu'où les coureurs pourront repousser leurs limites. Rouleront-ils un jour avec plus de 60 dents à l'avant? Daniel Gisiger répond en riant: «D'un point de vue matériel, ils peuvent aller jusqu'à ce que le plateau touche par terre!» Le Biennois de 69 ans cite ensuite José Meiffret, un coureur français qui avait développé un énorme plateau afin de battre le record du monde de vitesse derrière sa voiture.
Il était devenu en 1962 le premier homme à dépasser les 200 km/h à vélo, abrité derrière une voiture allemande. Une technique qui, rappelons-le, est interdite en course sur route: en cas d'abri prolongé, les cyclistes peuvent même être disqualifiés. En revanche, aucune règle ne régit la taille du plateau, si bien que Mads Pedersen et ses adversaires ont encore de la marge pour aller plus vite.