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Cyclisme: les grandes ambitions de Tudor, équipe suisse

«Un jour, nous gagnerons le Tour d'Italie pour Gino Mäder»

L'équipe suisse Tudor avait engagé Gino Mäder peu avant son décès. Le Saint-Gallois n'a finalement jamais pu courir pour elle. Mais le manager de cette formation en pleine ascension le promet: elle gagnera un jour le Giro, en hommage au coureur de Flawil.
24.03.2024, 15:4024.03.2024, 15:40
Raphael Gutzwiller / ch media
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Gino Mäder tend la main et dit: «Bon, je viens chez vous!» Nous sommes en mars 2023 au siège de la Tudor Pro Cycling Team à Schenkon, dans le canton de Lucerne. L'équipe cycliste souhaite à ce moment-là engager Mäder comme nouveau leader. Et celui-ci a accepté. Plus tôt que prévu. Sur le moment, le directeur d'équipe, Raphael Meyer, réagit d'abord avec perplexité: «Mais nous n'avons pourtant pas encore parlé d'argent!» Mäder rétorque: «Ce n'est pas le plus important. Je sais que vous payez correctement. Votre projet me convainc. Je veux vous rejoindre».

Cet entretien aurait dû être le début d'une histoire à succès. Le cycliste le plus prometteur de Suisse signe avec une nouvelle formation professionnelle suisse. Mais trois mois plus tard, alors qu'il porte encore le maillot de Bahrain Victorious, Gino Mäder est victime d'un accident mortel lors du Tour de Suisse, à seulement 26 ans.

Gino Mäder avait signé un contrat avec l'équipe Tudor, peu avant son décès en juin 2023.
Gino Mäder avait signé un contrat avec l'équipe Tudor, peu avant son décès en juin 2023. image: epa

Le choc est grand dans le cyclisme helvétique, y compris chez Tudor. L'équipe se retire du Tour de Suisse, tout comme Bahrain Victorious. Le passage de Mäder à Tudor n'était pas encore officiel à l'époque. Aujourd'hui, Raphael Meyer déclare: «Le cyclisme suisse s'est rapproché grâce à ce terrible événement».

Raphael Meyer (à droite) avec Stefan Küng, Silvan Dillier et Stefan Bissegger, pleurant la mort de Gino Mäder.
Raphael Meyer (à droite) avec Stefan Küng, Silvan Dillier et Stefan Bissegger, pleurant la mort de Gino Mäder.image: keystone

Premiers succès

Nous sommes un an après la poignée de main entre Mäder et Meyer au siège de l'équipe Tudor Pro Cycling à Schenkon. C'est ici que le rêve de cette formation a commencé, dans un petit local où s'entassaient quatre bureaux. Aujourd'hui, on y trouve plusieurs entrepôts, un grand bureau, de nombreuses places de parking et les deux bus de l'équipe. Les bidons, les roues et les cadres des vélos y sont soigneusement alignés. Chaque coureur professionnel dispose de quatre à cinq vélos de route et jusqu'à trois vélos de contre-la-montre. Un tel objet, fourni par l'équipementier BMC, coûte au moins 15'000 francs.

Les dirigeants ont annoncé la création de l'entreprise lors du Tour de Romandie 2022. Aujourd'hui, deux ans plus tard, plus de 100 personnes y travaillent. Parmi elles, 28 coureurs professionnels et 13 coureurs pour l'équipe des moins de 23 ans. La formation appartient à Fabian Cancellara, le CEO est Raphael Meyer. «Cancellara nous ouvre la porte à beaucoup de choses», s'enthousiasme Meyer. Grâce aux contacts de l'ancien coureur de haut niveau, de nombreux sponsors ont été réunis. Cancellara dit vouloir redonner quelque chose au cyclisme suisse avec l'équipe Tudor.

Raphael Meyer au siège de Tudor, à Schenkon (LU).
Raphael Meyer au siège de Tudor, à Schenkon (LU). image: Sandra Ardizzone

Sur le plan sportif, la trajectoire de Tudor est ascendante. Cette année, l'équipe a fêté sa première victoire sur le World Tour lors de la deuxième étape de Paris-Nice, avec le succès du Néerlandais Arvid De Kleijn. Les projets de Tudor sont grands, la formation veut s'établir dans l'élite mondiale au cours des prochaines années. L'objectif est que l'équipe pro puisse participer à toutes les courses du World Tour à partir de 2026, y compris le Tour de France.

«Nous souhaitons travailler dans la continuité, en restant fidèles à nos valeurs. Faire un jour partie des meilleures équipes du monde serait la conséquence logique.»
Raphael Meyer, CEO de l'équipe Tudor
Arvid De Kleijn célèbre sa victoire d'étape sur Paris–Nice.
Arvid De Kleijn célèbre sa victoire d'étape sur Paris–Nice. image: epa

Mardi, Tudor a fêté sa deuxième victoire de la saison avec le succès de Marco Brenner lors de la première étape de Coppi e Bartali.

«Suissitude», Messi et Ronaldo

Pour ce faire, Tudor mise sur la voie suisse. L'équipe est l'un des deux représentants helvétiques dans le cyclisme pro, avec la formation Q36.5, qui est très internationale et dont le siège principal se trouve en Belgique. «Nous voulons être une équipe suisse, avec tout ce que cela implique», pose Raphael Meyer. Cela signifie également que les formalités doivent être respectées à la douane lors de l'importation et de l'exportation des vélos coûteux, la Suisse n'étant pas un pays de l'Union européenne. Un désavantage pour le site par rapport à la concurrence. Mais pas un gros souci pour le CEO de la formation Tudor: «Nous acceptons volontiers ce petit obstacle pour être présents ici».

L'équipe vise aussi la «suissitude» au sein de son effectif. Actuellement, huit des coureurs professionnels et sept des coureurs U23 sont suisses.

«Notre objectif est aussi de donner la chance à de jeunes talents de notre pays de courir à ce niveau»
Raphael Meyer

Avec Gino Mäder, Tudor aurait également voulu miser sur une figure de proue nationale. «Gino avait le bon âge, il représentait les valeurs que nous aimons. Et en plus, il était suisse. Tout concordait vraiment chez lui». Mäder manque désormais à Tudor, non seulement sur le plan humain, bien sûr, mais aussi sur le plan sportif et marketing.

Ces jours-ci, les médias spéculent sur la possibilité qu'un autre coureur suisse de haut niveau, Marc Hirschi, rejoigne Tudor. Le Bernois court actuellement pour UAE Emirates, son contrat expire à la fin de l'année et de nombreux signes laissent présager un départ. Hirschi est très demandé, plusieurs formations auraient jeté leur dévolu sur lui. «Marc est bien sûr un cycliste passionnant», se contente de glisser Raphael Meyer. Mais rien n'a été signé avec Tudor. Les liens entre l'équipe lucernoise et le Bernois existent depuis longtemps, Cancellara ayant coaché ce dernier pendant plusieurs années.

Marc Hirschi rejoindra-t-il Tudor?
Marc Hirschi rejoindra-t-il Tudor? image: keystone

Mais Tudor ne veut pas faire de folies financières en recrutant des coureurs. «Nous pourrions engager une star pour plusieurs millions par an. Mais pour nous, la question est de savoir si nous le voulons vraiment. Car nous devrions économiser cet argent ailleurs. Notre approche consiste à grandir lentement et à former nous-mêmes des athlètes», explique le CEO.

C'est pourquoi Tudor mise aussi sur une équipe de jeunes et crée des projets pour les enfants. Raphael Meyer constate que ces derniers roulent souvent avec des maillots de Messi ou de Ronaldo sur les épaules.

«Nous voulons changer cela. Notre objectif, c'est que les enfants finissent par porter des maillots Tudor, car ils sont devenus fans de notre équipe»
Raphael Meyer
Tout le matériel de l'équipe Tudor est impeccablement rangé à Schenkon.
Tout le matériel de l'équipe Tudor est impeccablement rangé à Schenkon. image: Sandra Ardizzone

Oui, l'un des buts de la formation lucernoise est de faire revenir l'engouement pour le cyclisme en Suisse.

Nouveau bâtiment et premier grand tour

Le nouveau siège social de Tudor doit y contribuer. L'équipe est en train de planifier un nouveau bâtiment à Sursee (LU), dont la construction devrait débuter début 2025. Il devrait également servir de centre sportif pour la région et rendre ainsi le cyclisme plus accessible. La science y trouvera également sa place.

«C'est important que nos coureurs viennent régulièrement chez nous et qu'ils vivent ici dans la région»
Raphael Meyer

Dans la plupart des équipes cyclistes, les coureurs sont répartis dans toute l'Europe. C'est aussi le cas chez Tudor. Raphael Meyer espère un changement à ce niveau:

«Lorsque nos coureurs s'entraînent dans leur pays d'origine, nous ne les avons évidemment pas en vue. Mais nous avons l'avantage du lieu, car beaucoup aimeraient vivre en Suisse.»

Le manager de Tudor compare la situation aux équipes de football, où tous les joueurs s'entraînent logiquement au même endroit. Avec le Luxembourgeois Arthur Kluckers, un premier coureur a déjà transféré son domicile à Sursee.

Cette année, Tudor participe pour la première fois à un Grand Tour, le Giro d'Italia (4 au 26 mai). Et l'équipe vise des victoires d'étapes. Comme Gino Mäder l'avait fait en 2021, lors de la 6e étape. Mais les rêves de Mäder étaient plus grands. Enfant, il disait à sa mère: «Un jour, je serai comme Pantani et je gagnerai le Giro d'Italia». C'est pourquoi le Tour d'Italie a une place dans le cœur des membres de l'équipe Tudor. Raphael Meyer promet:

«Nous irons chercher la Maglia Rosa (réd: le maillot rose de leader) pour Gino. Nous y arriverons un jour»

Même si Gino Mäder n'a jamais pu courir pour Tudor, il fera toujours partie de l'équipe, d'une manière ou d'une autre.

Adaptation en français: Yoann Graber

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