Un grand duel s'est achevé dimanche. Un duel pour l'Histoire: Jonas Vingegaard a remporté le Tour de France pour la deuxième fois avec une avance de 7'29'' sur Tadej Pogacar. Un tel écart n'a pas été mesuré depuis 2014, lorsque Vincenzo Nibali avait créé la surprise en devenant le tribun du Tour.
Malgré ce fossé chronométrique entre Vingegaard et Pogacar, ce Tour de France figure parmi les plus passionnants depuis très longtemps. «Nous avons assisté une course fantastique. J'aurais aimé y participer moi-même», s'est emballé Eddy Merckx. Le quintuple vainqueur du Tour a même reconnu la défaite de son favori, Pogacar, sans la moindre amertume. «Je persiste: il est le plus talentueux des deux. Il court sur tous les terrains, y compris les classiques. Mais Vingegaard a lui aussi admirablement roulé.»
C'est surtout le vaincu qui a marqué ce Tour de France - par sa combativité, ses idées bizarres et ses attaques incessantes. Passé un coup de mou au milieu de la troisième semaine, Pogacar a encore frappé samedi et est arrivé en tête sur le Markstein, la grande montagne des Voges. Il s'est imposé au sprint devant Vingegaard.
«Enfin, je suis de nouveau moi-même», a lâché le Slovène, rayonnant. A l'arrivée, il a levé les bras au ciel dans une joie encore jamais vue au cours de sa riche carrière. Manifestement, cette victoire d'étape lors de l'avant-dernière journée du Tour l'a consolé de ses faiblesses passées. Tant la défaite dans le contre-la-montre que la journée noire au col de la Loze lors de l'étape reine de mercredi l'avaient grandement affecté. «Je n'oublierai jamais les yeux tristes et horrifiés de Marc Soler (réd: son coéquipier chez Jumbo-Visma) lorsqu'il s'est tourné vers moi au Col de la Loze», a raconté Pogacar.
Il est réjouissant pour le Slovène que trois jours plus tard seulement, il soit redevenu lui-même, comme il l'a dit. Réjouissant aussi pour le cyclisme en général. Car on ne peut guère lui souhaiter mieux que ce duel entre Pogacar, explosif sur son vélo et extraverti à côté, et son rival danois, plutôt renfermé mais très déterminé et puissant.
«Des coureurs de ce talent, il n'y en a que quelques-uns par siècle. Et voilà qu'ils sont deux de la même génération à s'aligner sur les grands tours», s'est enthousiasmé Grischa Niermann, le directeur sportif de Jumbo-Visma. Bien sûr, sans Pogacar, la victoire serait plus facile pour Vingegaard et Jumbo-Visma. Mais le péril imposé par le Slovène rend justement le triomphe du Danois d'autant plus glorieux.
Les deux coureurs suisses n'ont pas eu leur mot à dire dans ce duel au sommet. Stefan Küng a même dû reconnaître la supériorité de Vingegaard et Pogacar dans sa discipline de prédilection, le chrono. Lorsqu'il a compris que même le meilleur temps provisoire ne lui serait pas acquis, il a baissé de rythme et terminé à une 18e place inhabituelle pour lui.
Chez Alpecin Deceuninck, son compatriote Silvan Dillier s'est surtout occupé de son leader, le sprinteur Jasper Philipsen. Celui-ci a signé quatre victoires d'étape et remporté le maillot à points de manière souveraine. Dillier s'est distingué en économisant au mieux ses forces dans la montagne et en multipliant les efforts pour escorter Philipsen jusqu'au sprint.
On peut s'attendre à d'autres grands duels entre Pogacar et Vingegaard à l'avenir. Avant de se tourner vers le Giro, pour lequel son cœur brûle presque plus fort que pour le Tour, le Slovène veut gagner une troisième fois en France et prouver à Vingegaard qu'il n'a pas seulement plus de talent, mais aussi plus de substance sur trois semaines.
Vingegaard n'est évidemment pas opposé à un troisième triomphe consécutif. Si, l'été prochain, l'immense talent belge Remco Evenepoel s'aligne au départ du Tour de France - il sera opposé à Primoz Roglic dans quelques semaines sur la Vuelta -, une lutte encore plus fascinante pourrait voir le jour. Et Eddy Merckx devrait avoir encore plus envie de ré-enfourcher son vélo.