«Sans club depuis 2018»: le premier résultat de recherche Google pour Michael Bolvin laisse entendre que sa carrière de footballeur est terminée depuis longtemps. Une formation chez les juniors du Fortuna Düsseldorf, un bref intermède dans le football universitaire américain, puis la fin de sa carrière: voilà à quoi ressemble le rêve professionnel avorté d'un gardien de but.
Mais la vraie histoire de Michael Bolvin est nettement plus réjouissante. Bien qu'il lui ait manqué quelques centimètres et la maturité pour jouer en Bundesliga, comme il le dit lui-même, on le reconnaît aujourd'hui dans la rue et des enfants lui demandent des photos.
Car Bolvin, en plus d'être le premier gardien de but influenceur en Suisse, est aussi celui qui a le plus de succès. Il est suivi par un demi-million de fans sur Instagram. Sur Youtube, ils sont 1,3 million. Sur Tiktok, le jeune homme de 27 ans compte 7,7 millions de followers, l'équivalent de toute la population en Suisse.
Une des dernières vidéos sur le canal Youtube de Mike Bolvin? Un aperçu de l'entraînement des gardiens de but du FC Saint-Gall. «Quand j'ai vu Zigi arrêter un penalty, j'ai su que je voulais tourner avec lui», explique-t-il. Le contact a été établi par l'intermédiaire de l'agent de Zigi, et le club saint-gallois de Super League a invité Bolvin à un entraînement en avril.
Même si le résident de Adliswil (ZH) a déjà travaillé avec de plus grands clubs, il était «vraiment très nerveux» avant sa visite au Kybunpark, d'une part à cause du stade, de l'autre à cause du charismatique portier du FC Saint-Gall. Zigi est «un malade», s'enthousiasme Mike Bolvin.
«Mike montre dans ses vidéos qu'il est un bon gardien. Du coup, le FC Saint-Gall a pu l'intégrer de manière optimale à l'entraînement et n'a pas eu à ajuster quoi que ce soit», applaudit Remo Blumenthal, chef de presse des Brodeurs.
Ce dernier espère que la vidéo, qui sortira ultérieurement, donnera un excellent aperçu aux fans du travail des gardiens et de l'infrastructure du club.
Le lendemain d'un tournage avec le gardien de Servette Jérémy Frick, Mike Bolvin s'est rendu sur le terrain de Adliswil, où il habite, dans une voiture argentée, avec sa mère sur le siège passager. C'est là que le jeune homme tape le cuir dans son temps libre, qui est rare. «Je travaille tous les jours, sinon je m'ennuie», assure-t-il.
En jonglant sur le gazon artificiel, le Zurichois d'adoption parle de son passé. Il est né dans une petite ville russe et a déménagé en Allemagne à l'âge de neuf ans, quand il défendait déjà les cages. «J'étais trop paresseux pour courir», argumente-t-il pour le choix de son poste. Ses entraîneurs ont rapidement repéré son talent et l'ont promu dans une filière de haut niveau.
Mais les choses se sont gâtées après son aventure chez les moins de 19 ans à Düsseldorf. Bolvin a alors réalisé son rêve de partir à l'étranger et s'est installé à New York avec une bourse pour le Queens College. Là-bas, il a tenté une deuxième fois de devenir professionnel. Mais pas longtemps.
Là-bas, Bolvin a mis en ligne ses premières vidéos d'entraînement et est apparu de moins en moins souvent en cours. C'était en 2017, il avait alors 21 ans. Il a abandonné l'université et a commencé à vivre sur le canapé de ses amis. Toujours est-il que sur les réseaux sociaux, le succès a vite été au rendez-vous. Le Zurichois s'en souvient:
Mais Bolvin avait un problème: pendant deux ans, il n'a pas gagné un seul dollar avec ses vidéos. Il avait certes le soutien financier de sa mère, qui avait entre-temps déménagé en Suisse, mais il voulait plus. C'est parce qu'il se plaignait de la qualité et du prix de ses gants de gardien qu'il a fondé sa propre société, Gripmode. Les 200 premières paires de ses propres gants ont été vendues en 24 heures.
Entre-temps, Gripmode est devenue une entreprise familiale basée à Adliswil, la mère de Bolvin et son beau-père s'y sont engagés à plein temps. C'est par le biais de la marque que le jeune homme génère la plus grande partie de ses revenus, à cinq chiffres mensuellement. Il profite aussi de la monétisation de ses vidéos Youtube: pour 1000 clics, il gagne quatre euros. Ses meilleures vidéos ont plus d'un million de vues.
Tiktok est moins rémunérateur, mais Mike Bolvin utilise la plate-forme comme un instrument de marketing efficace. «Pendant la pandémie de Covid-19, mon compte a explosé», rembobine-t-il. En un an, il a gagné près de quatre millions de fans, et ses clips les plus regardés atteignent 20 à 30 millions de personnes.
Logiquement, le Zurichois est devenu célèbre auprès du jeune public. Alors qu'il attrape des ballons sur le terrain et tend ses gants jaune vif vers l'appareil photo pour le shooting, deux garçons, âgés d'environ douze ans, l'observent. Ils lui demandent s'il peut jouer avec eux, et ce dernier promet: «Je serai de retour ce soir».
Mike Bolvin avoue qu'il n'aimait pas que les projecteurs soient braqués sur lui avant. La faute à une notoriété très rapidement acquise. «J'étais un petit garçon de Russie et soudain l'un des plus grands influenceurs comme gardien de foot.» Entre-temps, il s'y est habitué, ignore les commentaires haineux et se réjouit des réactions positives:
Grâce à sa présence sur les réseaux sociaux, Mike Bolvin s'est même fait un nom dans le football professionnel. Il a déjà rencontré personnellement son modèle Yann Sommer et, il y a trois ans, il a reçu un message de Manuel Neuer, l'un des tout meilleurs portiers au monde. La star de la Mannschaft et du Bayern a avoué au Zurichois qu'il le suivait sur Instagram et qu'il s'inspirait de ses vidéos pour son propre entraînement. «C'était une légitimation incroyable de mon travail», s'émeut la vedette des réseaux sociaux.
Dernièrement, Bolvin s'est envolé pour Madrid une journée afin d'y tourner une vidéo avec le champion du monde argentin Rodrigo de Paul, actuellement sous contrat avec l'Atlético Madrid. Le Zurichois sourit en y repensant:
Mike Bolvin est certes «reconnaissant» d'avoir pu faire de son hobby son métier et de pouvoir découvrir des pays et des cultures dans le cadre de son travail. Mais en même temps, ce court voyage en Espagne met en évidence les inconvénients de sa vie d'influenceur.
En fait, le jeune homme de 27 ans habite à Adliswil depuis trois ans. Au total, il n'en a passé qu'un au maximum chez lui. «Je vis dans des hôtels». Entre les aéroports, les terrains de football et l'usine en Asie qui produit ses gants, Bolvin mène une vie solitaire.
La personne la plus importante dans la vie du gardien a toujours été sa mère, Elena. Pendant l'interview, elle n'est jamais loin, contredit parfois son fils et prend des photos. Lorsqu'il a arrêté l'université, sa maman a remis en question son éducation, alors qu'elle était mère célibataire, et a tenté de le faire changer d'avis. «Je ne prenais pas au sérieux ce qu'il faisait sur les réseaux sociaux», se souvient-elle.
Mais si Mike Bolvin n'a jamais eu beaucoup de doutes, c'est sûrement aussi grâce à elle. «Quand je n'avais pas envie, elle pouvait me motiver», explique le Zurichois.
Même si beaucoup de ses fans le souhaitaient, un retour tardif au professionnalisme n'est pas une option pour Mike Bolvin. «On ne peut pas imaginer la pression qu'il y a derrière une carrière pro», se justifie-t-il.
Bolvin est convaincu qu'il serait assez bon pour jouer en deuxième division suisse, «peut-être à Aarau». Mais ce n'est pas son souhait:
Du coup, il s'est fixé d'autres objectifs. Avec Gripmode, il veut devenir le numéro un du marché européen des gants de gardien et peut-être tourner un jour avec Messi et Ronaldo. Le jeune homme est convaincu qu'il faut rêver grand: «Je veux être le premier homme à attraper un ballon sur la lune».
Adaptation en français: Yoann Graber