Même la sympathique odeur de raclette qui s'échappe de la grande cantine adjacente ne parvient pas à masquer le malaise à Tourbillon.
Face à Lucerne jeudi dernier, il n'y avait que 5100 spectateurs dans des tribunes désespérément beaucoup trop clairsemées pour un match de cette importance. Les ultras ont multiplié les banderoles anti-Constantin dans le Gradin nord, duquel les joueurs n'osent même plus s'approcher après une énième défaite, par peur d'être pris à partie.
Nouvelle banderole à Tourbillon… pic.twitter.com/kETYpU3LfM
— Daniel Romano (@Daniel_Rmano) May 25, 2023
Voilà le contexte glauquissime dans lequel le FC Sion a bouclé sa saison de Super League à la dernière place. Autrement dit, pas du tout de quoi être confiant avant le barrage contre la relégation que les Valaisans disputent dès samedi soir (18 h 00 à Tourbillon, retour mardi 20 h 30 à la Pontaise) face au Stade Lausanne Ouchy.
C'est parfois quand tout part à vau-l’eau que certaines personnes, piquées dans leur orgueil, réagissent et se sortent du bourbier. C'est l'attitude que les ultras sédunois, entre autres, exigent – à leur manière – des joueurs. Mais pas sûr que le FC Sion puisse compter sur de telles forces de caractère, à en croire Oscar Londono. «Ça fait des semaines que j'entends le même discours, avec des membres du club qui affirment avoir conscience de la situation et vouloir tout faire pour qu'elle change, mais il n'y a pas de changement», observe l'ex-coach assistant sédunois, désormais en charge des juniors du Stade Nyonnais.
Pour l'ex-pro (312 matchs de Super League avec Servette et le Lausanne-Sport), c'est justement cet état d'esprit qui sera déterminant. «Stade Lausanne Ouchy aura la dalle, il va se battre jusqu'au bout, alors Sion doit être capable de défendre agressivement sur le porteur du ballon et amener de la folie en attaque.» Soit exactement ce que les Sédunois, sans envie ni inspiration, n'ont pas fait ces dernières semaines. Oscar Londono va plus loin:
L'ancien milieu insiste sur l'aspect psychologique, car, selon lui, Sion ne fera pas la différence sur le plan technique ou tactique. «Il n'y a pas d'écart dans le jeu entre le FC Sion et le Stade Lausanne Ouchy», analyse-t-il. «Les équipes de Challenge League ont monté leur niveau, travaillent professionnellement et sont bien encadrées.» Il voit dans l'effectif lausannois des éléments capables de faire très mal aux Valaisans:
C'est simple: le SLO a l'attaque la plus efficace de Challenge League (70 buts en 36 matchs). Et si elle surveille mal Okou, la défense valaisanne (la pire de Super League) risque le torticolis: le Français est le co-meilleur buteur du championnat (19 pions).
Le seul avantage qu'Oscar Londono voit en faveur de Sion: sa profondeur de banc. «Le 15e joueur du Stade Lausanne Ouchy n'a pas le niveau des titulaires. A Sion, c'est plus homogène.»
Claude Gross estime, lui, qu'il y a une différence significative entre la Super League et la Challenge League, même si elle s'atténue forcément quand il s'agit du cancre de la première et d'un crack de la seconde. «Le rythme du jeu est généralement plus élevé en première division», remarque l'ancien coach du Mont et actuel consultant chez blue Sports. Mais il ne considère pas pour autant les Sédunois favoris:
Le technicien accorde, lui aussi, beaucoup d'importance à la dimension mentale. «Le stade à Sion devrait être plein grâce à l'entrée gratuite, ça peut jouer un rôle. Et l'équipe qui virera en tête après ce premier acte aura un gros avantage.» Mais, contrairement à beaucoup, Claude Gross ne pense pas que la pression inhérente à la peur de (tout) perdre jouera des mauvais tours aux Valaisans:
Reste une question: Paolo Tramezzani, le coach valaisan, doit-il aligner Mario Balotelli dans ce barrage (l'Italien est déjà annoncé forfait pour l'aller samedi), un joueur qui reste capable de changer à lui seul le résultat d'un match malgré ses performances indécentes avec le FC Sion? «Non», tranche Oscar Londono. «S'il a le même état d'esprit qu'il a montré jusqu'à présent, il risque de plomber toute l'équipe.»
Pour l'ex-capitaine de Servette, l'attitude générale prime encore une fois sur les qualités intrinsèques des joueurs, d'autant plus quand ceux-ci sont aussi fantasques que Balotelli. «Si tu perds le match aller mais que tu as tout donné, tu ne peux rien te reprocher et tu gardes un état d'esprit positif pour le retour», philosophe-t-il.
Mais pas sûr que les spectateurs de Tourbillon, et notamment les plus bouillants du Gradin nord, soient disposés à autant de sagesse et de patience samedi soir. Même l'agréable odeur de fromage fondu à côté du stade risquerait de ne pas suffire à calmer leur colère en cas de mauvais résultat.