Les supporters de l'Eintracht Spandau organisent un spectacle dans les gradins, Moritz Leitner dribble sur le terrain pour les Las Ligas Ladies, et Max Kruse crie dans un micro après une victoire de son équipe Hollywood United. Le tout à voir en haute définition sur Twitch, Tiktok, Instagram et Youtube.
Ce sont des scènes de la Baller League, qui souhaite mettre en avant le football de rue.
Les matchs se déroulent tous les lundis au Motorworld de Cologne. Le format mise sur un mélange de professionnels, d'influenceurs, de personnalités du show-business, d'ex-professionnels et de joueurs amateurs. Les managers des équipes sont systématiquement des personnes très en vue pour le jeune public cible: le streamer MontanaBlack, le rappeur Kontra K ou l'humoriste Felix Lobrecht. Mais aussi l'ex-professionnel Kevin-Prince Boateng ou les deux footballeuses et stars d'Instagram Alisha Lehmann et Ana Maria Markovic.
Six joueurs s'affrontent pendant deux fois 15 minutes sur un terrain en gazon synthétique dans une salle. Le suspense est renforcé après 12 minutes, au moment d'actionner la roue de la fortune. A cet instant, appelé «Gamechanger», les règles changent pour les trois dernières minutes. Parfois, c'est un 1 contre 1, d'autres fois un 3 contre 3, ou alors il ne faut plus faire de passes dans son propre camp ou les buts doivent être marqués uniquement de volée.
La Baller League s'inspire de la Kings League espagnole, fondée par Gerard Piqué, qui existe depuis 2022 et connaît un grand succès.
Ces nouvelles compétitions relient le présent au passé. Leurs fondateurs parlent de «vrai football» ou de «Bolzplatz-Football», du nom de ces terrains publics en Allemagne. Ce format rappelle aussi les fameux tournois Hallenmaster, qui avaient lieu en Allemagne et en Suisse dans les années 1990 et au début des années 2000. Ces vibes typiquement 90's s'allient à la modernité, on y ajoute du strass et des paillettes et il en résulte une prétendue proximité avec les stars que seuls les réseaux sociaux peuvent offrir.
Des célébrités de différents milieux rient ensemble et se régalent de ces performances footballistiques de haut niveau. Ce spectacle a de quoi être aussi divertissant qu'un match de première division allemande.
«C'est un format pour tous ceux qui aiment le football de Bolzplatz et les tournois en salle d'autrefois», s'enthousiasme Mats Hummels, co-fondateur de cette Baller League et actuel défenseur du Borussia Dortmund. Gerard Piqué estime, lui, tranche:
Le succès de ces nouveaux formats est grand. Ainsi, 1,3 million de fans ont suivi un match de la Kings League, et celle-ci remplit parfois le Camp Nou de Barcelone lors des finales. La Baller League suscite également un grand intérêt: sa chaîne Twitch n'a pas d'égal en Allemagne en termes d'abonnés.
Au cœur de cette nouvelle forme de football se trouve Alisha Lehmann, joueuse de la Nati et d'Aston Villa. Avec Lukas Podolski, elle entraîne l'équipe Streets United. La Suissesse de 25 ans doit son invitation non seulement à ses talents sur le terrain, mais aussi à ses plus de 16 millions de followers sur Instagram. Elle a été convaincue par ce projet divertissant, explique-t-elle.
Pour son employeur, Aston Villa, cet engagement ne pose aucun problème, affirme la Suissesse. «Si j'ai congé, je peux faire ce que je veux à l'extérieur du club. Ce n'est donc pas un problème si je me déplace pour la Baller League». Ainsi, elle est désormais souvent à Cologne le lundi pour assister au grand spectacle.
Actuellement, la ligue compte quelques ex-professionnels, sinon ce sont surtout des footballeurs amateurs qui y jouent. Avec des conflits potentiels.
Le directeur sportif Markus Köppe a expliqué cette mesure drastique dans une vidéo sur la page Facebook du club. Ces joueurs auraient accepté de participer au projet sans consulter leurs dirigeants. Ceux-ci n'ont appris la nouvelle que par hasard. Au début, la situation était encore acceptable, mais elle a vite évolué selon Markus Köppe, la faute à un durcissement du jeu:
Autre problème: les joueurs en question n'étaient plus concernés par leur club et ses résultats. «L'accent sur la lutte contre la relégation s'est complètement déplacé, il n'était plus question que de la Baller League», déplore Köppe. C'est pourquoi le club a poussé ses footballeurs à prendre une décision. Cinq des six joueurs ont voulu rester en Baller League, un seul s'est retiré et continue donc à jouer avec le FV Bonn-Endenich en cinquième division allemande.
La Baller League avec ses stars et starlettes va-t-elle donc bientôt poser problème? Le grand intérêt qu'elle suscite – notamment grâce à ses célèbres organisateurs – peut menacer les ligues de football établies. Si les fans de foot préfèrent à l'avenir regarder un match entre Eintracht Spandau et Beton Berlin en Baller League plutôt qu'YB-Servette en Super League, cela pourrait un jour ou l'autre avoir des répercussions sur les recettes télévisées.
Pour l'instant, la Swiss Football League ne craint pas cette évolution. Interrogée à ce sujet, l'instance fait savoir qu'elle observe la situation avec attention. Elle n'a pour l'instant pas connaissance d'un projet similaire en Suisse.
Mais à l'étranger, ces ligues alternatives se multiplient. En Allemagne encore, la «Icon League» de la star du Real Madrid Toni Kroos verra par exemple bientôt le jour.
Adaptation en français: Yoann Graber