C'est sans doute la reconversion la plus improbable et spectaculaire du football suisse. Marc Roger, ex-agent de stars du ballon rond et président de Servette (2004-2005) est désormais compagnon d'Emmaüs dans le Sud de la France. Autrement dit, celui qui a, pendant près de vingt ans, brassé des millions, vécu dans des villas de luxe, dormi dans des palaces, voyagé en jet privé et serré la main de Pelé ou Platini côtoie aujourd'hui la misère au quotidien.
En fait, il a lui-même dégringolé dans celle-ci. En janvier 2021, ruiné, il sonne à la porte d'un établissement d'Emmaüs, son dernier espoir avant de se retrouver à la rue. Frédéric Piazza, responsable adjoint des sites Emmaüs de Nîmes, Alès et Arles, s'en souvient parfaitement dans L'Equipe:
Au départ, l'ex-boss de Servette touche 83 euros par semaine pour son travail chez Emmaüs. Il est nourri, logé et blanchi par l'organisation caritative, comme l'explique L'Illustré, qui est allé à la rencontre de Marc Roger en juillet 2022. Quelques semaines avant la visite du média suisse, il est promu coresponsable des magasins d’Alès, de Nîmes et d’Arles. Un job avec un contrat CDI qui lui a permis de retrouver un semblant de vie normale. «Je suis bien payé, avec des avantages comme la voiture de fonction, je prends les repas du midi avec les compagnons», explique Marc Roger dans L'Equipe.
En plus d'un petit confort matériel, l'ex-président de Servette a surtout retrouvé un sens à sa vie grâce à Emmaüs:
Il confie être aujourd'hui totalement désintéressé par le football, avoir «perdu la passion» et ne plus regarder aucun match. «Je n'ai plus envie, j'ai trouvé un autre équilibre», avoue-t-il.
Il faut dire que Marc Roger a payé le prix de ses excès dans le milieu du football. On le voit sur son visage, très marqué. Oui, 17 ans après son départ du Servette FC, l'homme de 59 ans a pris un sacré coup de vieux. Son expérience à la tête du club genevois – «l'erreur de ma vie», regrette-t-il – l'a amené derrière les barreaux. En février 2004, il reprend des Grenat déjà mal en point financièrement, qu'il enterrera définitivement en février 2005, à coups de délires mégalos (signatures de joueurs hors de prix comme Christian Karembeu ou Stéphane Ziani) et de gestion calamiteuse.
Il laisse Servette avec des dettes de 12 millions de francs suisses. De quoi mettre en faillite ce club historique du foot helvétique, relégué administrativement en troisième division.
Marc Roger n'en a pas fini avec la justice: en mai dernier, il a été condamné à neuf mois de prison ferme par le tribunal de Bourg-en-Bresse, en France. En cause: des accusations de complicité de vol aggravé et d'extorsion dans une affaire datant de 2016. L'ex-boss servettien a fait appel et attend désormais le jugement.
D'ici là, il pourra continuer à se vider la tête grâce à son travail chez Emmaüs. «L’abbé Pierre résonne en moi comme un nom magique. J’entends mettre toutes mes forces dans la mission qu’il nous a assignée afin d’adoucir autant que possible la misère et la souffrance des plus démunis», se réjouissait Marc Roger dans L'Illustré. Même si la nouvelle vocation du Français est des plus louables, pas sûr qu'elle attendrisse les fans servettiens et leur fasse oublier cette période très sombre de leur club de cœur... (yog)