A l'entrée principale de la Pontaise, une peinture rouge et un logo indiquent le nom du nouveau locataire: le FC Stade Lausanne-Ouchy. Ses bureaux se trouvent dans les entrailles du vénérable stade et semblent improvisés. Le club, qui est sur le point d'être promu en Super League après le match aller du barrage (2-0), ne s'attend pas à recevoir des invités. Lors de notre visite vendredi, la dame du secrétariat s'étonne d'une demande pour un maillot et renvoie à la boutique en ligne. Son collègue jette un coup d'œil rapide, mais ne trouve plus qu'un seul exemplaire en taille S. Il est donc temps de passer commande.
L'épisode le montre bien: l'euphorie n'a pas encore éclaté à Lausanne autour du second club qui pourrait être promu en Super League. La moyenne de spectateurs à la Pontaise devrait donner quelques sueurs froides aux responsables de la Swiss Football League (SFL) et aux trésoriers des clubs.
Officiellement, 1200 spectateurs ont assisté aux matchs à domicile. En réalité, la plupart du temps, ils n'étaient que quelques centaines. Seules les rencontres à domicile contre le rival de la ville, le Lausanne-Sport, ou contre Yverdon et Bellinzone dans les dernières heures de la saison, ont permis de rehausser considérablement la moyenne.
Quoi qu'il advienne, le club ne drainera certainement pas les foules. Pas à Lausanne, où le LS et le LHC accaparent toute l'attention. Et encore moins dans le reste de la Suisse. Le secteur visiteurs, d'un vide béant lors du match aller à Tourbillon, en est l'illustration parfaite.
Il y a neuf ans, le Stade Lausanne-Ouchy végétait encore au cinquième niveau du football suisse. Jusqu'à ce qu'il laisse derrière lui la 2e ligue interrégionale en 2014. Le SLO a ensuite accédé à la Promotion League en 2017 et à la Challenge League en 2019.
L'ascension est rapide pour un club qui n'existait pas encore sous sa forme actuelle en 2000. Cette année-là, le Stade Lausanne et le FC Ouchy ont fusionné, ou plutôt le plus grand club, le Stade Lausanne, a avalé le petit. Mais le produit de la fusion n'en est pas moins resté un club de quartier. Son domicile est le Stade Juan-Antonio-Samaranch, du nom de l'ancien président du CIO dont le siège est situé à quelques pas. Depuis la saison 2020/21, le SLO joue à la Pontaise.
Sans lui, le Stade Lausanne-Ouchy n'existerait peut-être plus aujourd'hui. Vartan Sirmakes a volé à son secours en février 2019 lorsque son existence était menacée, tandis que les salaires n'étaient plus payés et que le président de l'époque ne tenait pas ses promesses.
Vartan Sirmakes a grandi en Turquie dans une famille d'origine arménienne et est arrivé à Genève dans les années 70. Il s'est implanté dans l'industrie horlogère et s'y est enrichi en tant que propriétaire et CEO de la marque de luxe Franck Muller. Sa fortune est estimée à plusieurs centaines de millions de francs.
Le football, Sirmakes l'a déjà souligné à plusieurs reprises, est sa grande passion. Lorsqu'il rejoint le Stade Lausanne-Ouchy en 2019, il possède déjà le Stade Nyonnais, un autre club de Promotion League. Le fait qu'il soit impliqué dans deux clubs concurrents suscite à l'époque de vives critiques en Suisse romande. Depuis, Sirmakes n'est plus aux commandes à Nyon, pas plus que son fils, qui avait pris le relais en tant que président à l'automne.
Un père et un fils à la tête de deux clubs professionnels: la SFL n'avait pas accepté cette situation et avait refusé de délivrer une licence à Nyon pour la Challenge League. Maintenant que le club a changé de propriétaire, la promotion et la licence sont acquises.
A Lausanne, Sirmakes continue de boucher les trous. Il n'est toutefois pas un mécène de la trempe de Christian Constantin, son homologue à Sion. L'équipe ne compte pas de stars mais des perles découvertes par le directeur sportif Hirac Yagan. Aujourd'hui, c'est Teddy Okou, 27 buts en 32 matchs. Avant, c'était Zeki Amdouni, désormais au FC Bâle et international. Ou Brighton Labeau, aujourd'hui au Lausanne-Sport et meilleur buteur de Challenge League avec Okou.
Alban Ajdini (13 buts) et Liridon Mulaj (9 buts) font également des merveilles dans le secteur offensif. Au milieu, Giovani Bamba, ancien du FC Sion, fait le ménage. Et en défense, le capitaine Lavdrim Hajrulahu est un roc.
L'entraîneur du Stade Lausanne-Ouchy s'appelle Anthony Braizat. Le Français enseigne un football offensif attrayant qui a rapporté 70 buts en Challenge League, plus que toutes les autres équipes.
A Sion, les joueurs du Stade Lausanne-Ouchy portaient un maillot floqué du numéro 2 lorsqu'ils sont entrés sur la pelouse. Ce maillot est un hommage à Elia Alessandrini, leur coéquipier décédé lors d'un accident de baignade à Oman pendant la pause hivernale.
Depuis, les Stadistes honorent la mémoire d'Alessandrini en revêtant son maillot avant chaque match. Ils disent qu'ils pensent à lui - et qu'ils veulent gagner pour lui. Ce ne sont manifestement pas que des mots.