Elle travaille à la retraite pour améliorer son AVS, mais se fait piéger
Travailler après 65 ans? Ce n’est pas obligatoire, cela reste un choix personnel. L’année dernière, près de 75% des Suisses ont refusé l’augmentation de l’âge légal de la retraite.
Un consensus politique subsiste toutefois en matière d’AVS, comme le déclarait en mai la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, en présentant les grandes lignes de la prochaine réforme AVS 2030:
Le Conseil fédéral prévoit notamment de supprimer la limite d’âge de 70 ans dans l’AVS, afin de permettre un report de la retraite au-delà de cette limite. Le seuil d’exonération pour les seniors actifs devrait également être relevé.
Déjà dans le cadre de la réforme AVS 21, le Conseil fédéral et le Parlement voulaient encourager le travail volontaire au-delà de l’âge légal. Depuis 2024, l’âge de la retraite est flexible. Ainsi, travailler plus longtemps est censé être récompensé avec des cotisations AVS supplémentaires permettant d’augmenter la rente ou de combler des lacunes de cotisation.
Cette adaptation vise avant tout les personnes qui perçoivent une rente modeste ou qui n’ont pas versé de cotisations AVS pendant 44 années complètes.
La grande désillusion
C’est le cas de Sonia Volliard (nom fictif), née en 1960 et arrivée d'Allemagne en Suisse en 2015. Deux ans plus tard, elle épouse son compagnon. En février 2024, elle aurait dû prendre sa retraite. Mais elle choisit de poursuivre une activité à 20% parce que son travail lui plaît encore, et parce qu’ayant cotisé peu d’années à l’AVS, sa rente ne s’élève qu’à 466 francs par mois. Elle espérait que la nouvelle réforme lui permettrait de tirer un bénéfice de son activité prolongée.
C’est en tout cas le message qu’elle avait entendu à plusieurs reprises lors de la campagne sur la dernière réforme AVS à l’automne 2022.
Un an plus tard, c’est la douche froide. Sonia Volliard prend finalement sa retraite et demande une nouvelle évaluation de sa rente. Grâce à l’année de travail supplémentaire, elle augmente de 23 francs pour atteindre 489 francs par mois, car son revenu déterminant pour le calcul a augmenté. Jusqu'ici, rien d'anormal.
Mais son mari, que nous appellerons Olivier Volliard, reçoit le même jour une lettre de la caisse de compensation AVS. Celle-ci l’informe qu’en raison de la nouvelle évaluation de la rente de son épouse, sa propre rente subit également une modification. Elle baisse de 23 francs, pour atteindre 1139 francs. Autrement dit: ce que Sonia Volliard gagne en plus est déduit de la rente de son mari.
Résultat: aucune amélioration nette. Sur le plan financier, l’année de travail supplémentaire n’a rien rapporté.
Celles-ci s’élevaient en effet à 80 francs par mois, soit 960 francs par an, partagées à parts égales entre Sonia Volliard et son employeur.
Pourquoi ce jeu à somme nulle?
Pourquoi cette année de travail n’a-t-elle pas été rentable? Deux raisons l’expliquent.
Premièrement, le plafonnement des rentes pour les couples mariés. Ceux-ci reçoivent ensemble 150% de la rente maximale, calculée sur la base des années de cotisation. La rente maximale actuelle est de 2520 francs par mois pour 44 années de cotisation. La rente d’un couple marié est donc plafonnée à 3780 francs. Ce plafond s’applique aussi lorsque les deux rentes individuelles sont plus modestes.
Olivier Volliard, ancien ingénieur bien rémunéré en Suisse, touche la rente maximale pour ses 21 années de cotisation. Ensemble, le couple perçoit 1628 francs.
Deuxièmement, une année de travail supplémentaire après l’âge de la retraite ne donne pas automatiquement droit à une année de cotisation supplémentaire ni à un passage à une échelle de rente plus favorable. Deux conditions doivent être remplies concernant le revenu minimal et les cotisations minimales. Le plafond pour les couples n’est relevé que si l’année de travail supplémentaire permet de franchir un palier dans l’échelle des rentes. Sinon, on aboutit à une situation comme celle du couple Volliard: un jeu à somme nulle.
Pas de plainte, mais un constat amer
Olivier Volliard ne se plaint pas. Il dispose d’une solide prévoyance professionnelle et a pu acheter une maison à bon prix en arrivant en Suisse. Mais il reste amer parce que toutes les rentes de couples sont plafonnées, et pas seulement les rentes maximales à 44 années. Et parce que travailler plus longtemps ne paie pas:
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich