Pour avoir l'honneur d'un long portrait sur la BBC, le si célèbre et réputé média britannique, il faut forcément posséder quelque chose de spécial. C'est le cas d'Ildefons Lima. Le défenseur central d'Andorre doit sa notoriété à sa longévité, aussi rare que son prénom et les cheveux sur son crâne. Il détient tout simplement le record mondial d'années en sélection: 26!
Né le 10 décembre 1979 à Barcelone, le «papy» andorran a fêté sa première cape en 1997, à 17 ans seulement, lors d'une défaite en match amical contre l'Estonie. Ce jour-là, le gardien de la Nati, Gregor Kobel, n'était pas encore né et Xherdan Shaqiri, cinq ans, venait à peine de quitter son biberon. Histoire de vous mettre encore un petit coup de vieux: le film Titanic cartonnait et on ne pouvait pas faire une heure de voiture sans entendre à la radio le tube Barbie Girl d'Aqua.
Autant dire que depuis, de l'eau a coulé (quelques autres bateaux aussi, malheureusement). Ildefons Lima, lui, a roulé sa bosse aux quatre coins du monde en même temps qu'il enquillait les sélections avec Andorre. Aujourd'hui, il en est à 134 pour onze buts. Là encore, il s'agit d'un record, et il est d'autant plus singulier que le vétéran évolue dans l'axe de la défense et qu'il ne brille pas grâce à ses qualités techniques. Oui, Lima est du genre rugueux, voire vachard. Plus Nirvana que Mozart.
Il n'est bien sûr pas aussi connu en Suisse que le légendaire groupe grunge du regretté Kurt Cobain, mais il n'y est pas pour autant un parfait inconnu, puisqu'il a posé ses valises (et quelques semelles) du côté de Bellinzone entre 2009 et 2011, alors que le club tessinois évoluait en Super League. Le solide Andorran (192 cm) n'avait pas pu empêcher la relégation des Granata en Challenge League, battus par Servette lors du barrage à l'issue de l'exercice 2010/2011.
Après cet échec, il était retourné à Trieste, en troisième division italienne. Durant sa très longue carrière, l'ex-Bellinzonais a aussi joué en Espagne, en Grèce et au Mexique. Il est revenu à Andorre en 2012, où il évolue actuellement avec la deuxième garnison du FC Andorra (l'équipe fanion est pensionnaire de la deuxième division espagnole).
Forcément, en 134 matchs avec son équipe nationale, Ildefons Lima a affronté autant de légendes du football qu'il a enchaîné les défaites, parfois très sèches. Normal: Andorre n'est que 153e au classement Fifa, derrière le Botswana et juste devant les Maldives et l'Afghanistan. Une place logique quand on sait que ce minuscule pays blotti au milieu des Pyrénées ne compte que 80 000 habitants.
Mais ça n'a pas empêché son footballeur le plus emblématique d'avoir le privilège (mais sans doute aussi un peu de souffrance sur le moment) de marquer à la culotte des vedettes comme le Brésilien Ronaldo, l'Ukrainien Andriy Shevchenko ou encore le Portugais Cristiano Ronaldo.
Autant de joueurs dont Lima a obtenu les maillots, échangés contre le sien. Aujourd'hui, il chérit une hallucinante collection de plus de 900 exemplaires. «C'est incroyable parce que j'ai toute l'histoire de notre équipe nationale», se réjouissait sur la BBC en 2020, celui qui a fait ses débuts seulement un an après la création, en 1996, de la sélection andorrane.
Quand on lui demande qui est l'attaquant le plus fort qu'il ait affronté durant sa carrière, l'iconique défenseur répond «Ronaldo», le Brésilien. C'était lors d'un match de préparation en 1998, une semaine avant le début de la Coupe du monde en France. «Il était fort. Il était rapide. Il avait tout en tant qu'attaquant. Vous ne pouvez pas arrêter ce genre de joueur. Ils ont quelque chose de spécial.»
Quant à son extraordinaire longévité, Ildefons Lima l'explique ainsi:
Une fois qu'il aura raccroché les crampons, l'ex-joueur de Bellinzone souhaite entamer une carrière d'entraîneur. Mais avant ça, il fera tout – sur le terrain ou depuis le banc, en leader – pour faire transpirer les Suisses vendredi (20h45) sur la pelouse synthétique de l'Estadi Nacional à Andorre-la-Vieille. Avec ses compatriotes, ils y étaient parvenus en octobre 2016, quand la Nati s'était imposée chichement 2-1 dans la Principauté lors des qualifs pour la Coupe du monde 2018.
Les Helvètes, eux, tâcheront d'empêcher un nouvel article de la BBC sur Ildefons Lima: une défaite suisse ferait assurément un (bad) buzz mondial...