En très peu de temps, la situation économique de la Swiss League s'est aggravée de manière si dramatique que même un club modèle comme Langenthal, plusieurs fois champion, envisage de se retirer à la fin de la saison et de se concentrer sur la promotion du hockey féminin.
Même ceux qui ne connaissent rien au sport comprennent le problème: la National League, l'élite, a 14 équipes. La Swiss League en a 10. Si le sommet est plus large que la base, la pyramide s'écroule.
La raison de ce déséquilibre? En football, la promotion et la relégation dans les deux plus hautes divisions ont été maintenues pendant la pandémie. En hockey, en revanche, il n'y a eu qu'une seule promotion et aucune relégation pendant deux ans. Du coup, Ajoie et Kloten, les deux équipes les plus populaires de Swiss League, sont montées et n'ont été remplacées par personne à l'échelon inférieur.
La deuxième division est passée de 12 à 10 équipes en deux saisons seulement, de quoi casser l'équilibre du hockey professionnel suisse. Au moins, la Swiss League ne descendra pas en dessous de 10 membres cette saison: Zoug a retiré son équipe réserve (Zoug Academy) mais est remplacé par un néo-promu, Bâle.
Mais aujourd'hui, la Swiss League se trouve dans une situation économique très inquiétante. La voie courageuse de l'indépendance (la séparation juridique de la National League) a conduit tout droit à la catastrophe financière: les opportunités offertes par cette indépendance n'ont pas pu être exploitées. Et c'est la faute de la Swiss League.
Au cœur du problème: l'égocentrisme des clubs, au détriment de l'intérêt général de la ligue, et la volonté de rendement à court terme plutôt que l'investissement pour une présence durable du championnat sur le marché. Ces deux points ont conduit à l'échec de la ligue sur le marché de la publicité et de la télévision. Conséquence: un déficit d'un peu plus de 400'000 francs dans la caisse de chaque club. Concrètement, il a été causé par la disparition des recettes TV et publicitaires issues du pot commun avec la National League et l'augmentation des dépenses.
Le concept élaboré par le groupe Tit-Pit (dirigé par le président de Kloten, Mike Schälchli) aurait pu être une opportunité. Il s'agissait surtout, dans un premier temps, d'assurer une présence télévisuelle en collaboration avec des partenaires publicitaires de renom et de faire de la Cendrillon Swiss League une princesse rayonnante sur le marché publicitaire.
Au début, les recettes auraient été encore faibles: de prestigieuses entreprises auraient obtenu une énorme présence en déboursant peu. Mais une fois les fondations posées, ce genre de stratégie s'avère généralement payant à moyen terme déjà, grâce à l'effet boule de neige. Une fois qu'un grand nom est à bord, les autres suivent en se disant: «S'il est là, il faut que nous aussi soyons visibles!» Le fameux instinct grégaire.
Mais voilà, le projet a été refusé par les boss des clubs de Swiss League, alors que les contrats étaient prêts à être signés par des entreprises comme Edelweiss et Wefox. Un des présidents s'est même moqué de l'argent que son club aurait reçu la première saison grâce à ce concept, en expliquant qu'il aurait récolté le même montant en vendant seulement quelques abonnements de saison en plus. Autrement dit, il n'avait qu'une vision à court terme.
De quoi énerver l'initiateur Mike Schälchli, qui a lâché une punchline métaphorique dans le média Sponsoring Extra:
Il a pu se consoler avec la promotion de son équipe, Kloten, en National League.
Pour l'instant, la Swiss League se retrouve donc les mains vides sur le marché publicitaire national, parce qu'elle n'a pas de présence télévisuelle. Or, celle-ci est aussi indispensable à la vente de publicité que l'air que l'on respire. L'ancien juriste de la Schweizer Radio und Fernsehen (SRF), Jean Brogle, a essuyé un échec cuisant dans sa tentative de trouver des partenaires TV pour le compte de la ligue. Le concept de diffusion en streaming de tous les matchs – bon en soi – peut être un complément, mais jamais un substitut à une véritable présence télévisuelle.
Le SC Langenthal, champion en 2012, 2017 et 2019 et longtemps club phare de cette deuxième division, est un bon exemple de cette situation dramatique. Il n'a pas de perspective de nouvelle patinoire et sa veille enceinte ne lui offre que des possibilités financières limitées. Pire, la suppression des recettes TV et pub de la National League touche fortement le club économiquement: il a perdu 20% de ces recettes totales.
Son président, Gian Kämpf, a déclaré que ses collègues et lui «examinaient toutes les options». Mais il ne pense pas seulement à un déménagement dans la nouvelle patinoire d'Huttwil, ville voisine:
Les dames du SC Langenthal viennent d'être promues, jouent à Huttwil et ont réalisé un très bon mercato – surtout grâce à cette infrastructure de pointe – au point qu'elles pourront défier les ZSC Lions pour le titre cette saison. Les recettes publicitaires pour l'équipe féminine ont plus que doublé. Finalement, mieux vaut jouer le titre avec les femmes (ce qui est de toute façon dans l'air du temps) que de galérer dans le hockey masculin.
Les Haut-Argoviens ne sont pas les seuls à envisager de se retirer du hockey professionnel dans les circonstances actuelles. A Winterthour, la nostalgie du bon vieux temps où l'équipe locale jouait le titre dans le hockey amateur grandit. Quant aux Ticino Rockets, leur existence au-delà de l'exercice à venir est très incertaine.
Les dirigeants de la National League sont conscients des conséquences catastrophiques d'un tel affaiblissement de la Swiss League. Si la deuxième division n'a pas un bon niveau, promotion et relégation disparaissent. Si plus personne ne peut financer une équipe candidate à la montée, le barrage entre le perdant des playout de National League et le champion de Swiss League devient une farce. Sans la dramaturgie des promotions et relégations, l'intérêt du public, la présence médiatique et, du coup, les recettes diminuent aussi en National League. Où la saison régulière devient un championnat d'opérette dès la pause de Noël. Une Swiss League forte est donc vitale pour la National League.
Partout, les entraînements et la vente des abonnements ont commencé. Pourtant, il reste des doutes sur le règlement de jeu: les matchs de saison régulière au printemps prochain se joueront-ils avec trois ou cinq étrangers? La décision doit être prise mercredi prochain lors d'une assemblée générale réunissant les clubs des deux premières divisions.
Pour valider un choix, il faut une majorité qualifiée: les représentants de National League sont tous favorables à cinq étrangers. Mais il suffirait de trois clubs de l'échelon inférieur contre pour bloquer ce projet, au risque même de ne jamais pouvoir commencer la saison. Pour éviter une telle situation – le contrat TV couvre la saison régulière de première division – la National League offre à tous les clubs de la Swiss League une aide financière unique de 50'000 francs pour l'exercice à venir. Celle-ci ne sera pas versée s'il n'y a pas d'accord.
Une fois que le règlement de la saison régulière sera validé, il restera une petite chance pour que la deuxième division bénéficie d'une certaine présence télévisuelle grâce aux partenaires médiatiques de sa grande sœur.
La crise qui pointe le bout de son nez est aussi une chance. Souvent, les réformes ne réussissent que lorsqu'il n'est plus possible de faire autrement. Quand on arrive à un véritable drame, comme le retrait d'un club important tel que Langenthal.
Dans ce cas, une réforme signifie une restructuration complète de la Swiss League: dissolution de la MyHockey League (3e division), intégration des meilleures équipes de celle-ci en deuxième division et répartition en deux groupes géographiques est-ouest. Autrement dit, incorporer dans une même ligue des clubs professionnels orientés vers l'élite et d'autres à vocation formatrice, bien structurés. En dessous, la 1ère ligue redeviendrait la plus haute division amateure.
Adaptation en français: Yoann Graber