On peut imaginer que les Genevois et les Biennois ont utilisé beaucoup de ressources différentes – mentales, techniques ou tactiques – pour préparer au mieux cette finale, mais ils n'ont vraisemblablement pas fait appel à Mike Tyson ni Floyd Mayweather pour des conseils.
En tout cas, les deux célèbres boxeurs n'ont pas été aperçus aux Vernets vendredi soir. Et ils s'y seraient sans doute un peu ennuyés, parce qu'il y a eu très peu de castagne sur la glace. Malgré le fort enjeu.
Cette quasi-absence de bagarre était particulièrement frappante lors des arrêts de jeu, une fois que l'un des deux gardiens bloquait le puck. Ces moments sont très souvent l'occasion d'échanger quelques caresses et mots doux entre les défenseurs qui viennent protéger leur dernier rempart et les attaquants adverses qui rôdent autour de celui-ci tels des vautours à l'affût de la moindre rondelle relâchée.
En jetant un œil aux statistiques, on devine facilement la raison de la rareté inhabituelle de ces scènes vendredi: éviter de prendre des pénalités stupides et gratuites pour s'être battu ou avoir donné un coup. Parce qu'avec des powerplays aussi efficaces que ceux de Bienne (46% de réussite en demi-finale!) et Genève (21%), le risque était trop grand d'encaisser un but en infériorité numérique. Alors les attaquants ont contenu leurs ardeurs d'aller titiller le portier adverse et les défenseurs celles de faire le ménage trop vigoureusement devant leur cage.
Dans aucun autre sport, d'ailleurs, ces derniers n'y mettent autant de zèle. Mais pourquoi les hockeyeurs protègent-ils autant leur gardien, souvent même quand l'arbitre a déjà sifflé et qu'il n'y a donc plus de danger? Quand on lui pose directement la question après le match, Noah Delémont paraît bien songeur. «Je me demande aussi pourquoi», rigole le jeune défenseur biennois.
Mais sa réponse en dit déjà beaucoup: venir protéger son gardien est une véritable tradition dans ce sport. C'est devenu à ce point une habitude que les hockeyeurs n'y réfléchissent même plus. Il y a aussi sans doute une bonne part de mimétisme, et ce dès le plus jeune âge. Noah Delémont assure qu'il n'a jamais reçu la moindre consigne d'un coach pour aller protéger son dernier rempart, ni en juniors, ni chez les grands. «En fait, c'est une règle non écrite», observe le Seelandais.
«Ça fait partie de la culture du hockey», appuie Laurent Perroton, ex-coach de Martigny et consultant sur Léman Bleu TV. Comme Noah Delémont, il explique cette habitude surtout par l'importance du rôle du gardien:
En formant une muraille qui joue des coudes (et parfois des poings) devant leur gardien, c'est avant tout la psyché de ce dernier que les défenseurs protègent. Mais aussi, bien sûr, son corps: un portier qui prend un coup, ne serait-ce que léger, risque une blessure et aura peur d'intervenir par la suite face aux attaquants dans pareille situation. Deux conséquences catastrophiques pour l'équipe, il va sans dire.
Laurent Perroton voit d'autres raisons d'aller se frotter aux adversaires devant la cage une fois le jeu arrêté:
L'attaquant de Genève-Servette, Marc-Antoine Pouliot, y décèle aussi un aspect psychologique: «C'est une manière de marquer son territoire». Mais encore faut-il le faire avec suffisamment de tact, histoire d'éviter d'aller purger des minutes sur le banc et de plomber son équipe avec une infériorité numérique.
Genève et Bienne y sont parvenus lors de ce premier acte. «C'est aussi grâce à l'excellent positionnement de tous leurs défenseurs», analyse Laurent Perroton.
Cette tendance à la «non-violence» ne devrait pas changer dimanche soir à Bienne pour l'acte II: les Biennois ont encaissé le deuxième but (une réussite d'Hartikainen à la 43e minute) en infériorité numérique. Alors non, on n'est pas près de voir Mike Tyson ou Floyd Mayweather débarquer à la Tissot Arena.