Le jour où McLaren a laissé filer le titre au dernier Grand Prix
McLaren est en position favorable. Avant le dernier Grand Prix de la saison, ce dimanche à Abou Dabi (14h00), ses pilotes Lando Norris et Oscar Piastri occupent respectivement la première et la troisième place du classement, et peuvent tous les deux remporter le titre de champion du monde.
Cependant, la menace Max Verstappen plane sur l'écurie britannique. Le pilote néerlandais – qui sera en pole position – est en train de réussir une remontée spectaculaire: distancé à mi-championnat, il devance désormais Piastri de quatre points et ne compte plus que douze unités de retard sur le leader du classement. S’il remporte le Grand Prix d’Abou Dabi et que Norris ne monte pas sur le podium, il sera sacré champion pour la cinquième fois consécutive et fera revivre à McLaren le traumatisme de 2007.
Cette année-là, les deux pilotes de l’écurie de Woking, Lewis Hamilton et Fernando Alonso, se présentent au départ du dernier Grand Prix de la saison, au Brésil, aux deux premières places du championnat. Le rookie Hamilton ne compte que quatre points d’avance sur son équipier, champion du monde en titre.
La passe d'armes entre les deux hommes s'annonce somptueuse, surtout qu'en l'espace de quelques mois, Hamilton et Alonso sont devenus les pires rivaux. Leur talent, leur ego et leur fort caractère ont rendu leur cohabitation impossible dans la même équipe. McLaren est alors pleinement divisée. Point d'orgue de ces tensions: les qualifications du Grand Prix de Hongrie quelques mois plus tôt, lorsque Fernando Alonso s’était volontairement attardé aux stands pour bloquer Lewis Hamilton et l’empêcher de réaliser un dernier tour.
Mais au-delà de ce duel Hamilton-Alonso, un autre concurrent, Kimi Raikkonen, peut encore être sacré champion du monde. Troisième avant l'ultime Grand Prix, le pilote Ferrari accuse sept points de retard sur le leader, une différence toutefois considérable à une époque où les huit premiers ne marquent que de dix à un point.
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Sur la grille, les trois prétendants au titre mondial se suivent: Hamilton est deuxième derrière le poleman Felipe Massa (Ferrari), tandis que Raikkonen et Alonso occupent la deuxième ligne.
Mais à l’extinction des feux, le Britannique est rapidement dépassé par le Finlandais, puis par son équipier au deuxième virage. On pense alors que Lewis Hamilton gère: après tout, il possède de la marge et peut être couronné en terminant cinquième, à condition que Fernando Alonso ne l’emporte pas.
Orgueilleux, et peut-être aussi dépassé par l’enjeu, celui que l’on surnommera plus tard King Lewis tient à défendre sa position et se lance immédiatement à l’attaque de son rival et coéquipier. Mais l'Espagnol pilote admirablement et le pousse à la faute: après avoir bloqué ses roues, Lewis Hamilton sort de la piste pour la première fois de la saison. Il rétrograde alors à la huitième place, tandis que Fernando Alonso prend virtuellement la tête du classement des pilotes.
Le Grand Prix n’en est encore qu’à ses débuts et Hamilton a tout le temps de remonter les positions qui le séparent du titre. Mais il commet une nouvelle erreur avant que le pire ne survienne: lâché par sa boîte de vitesses au huitième tour, il ne peut enclencher aucun rapport et se retrouve quasiment à l'arrêt. L'abandon est proche.
Un reset plus tard, tout rentre finalement dans l'ordre, mais le Britannique pointe désormais à la 18e place du Grand Prix du Brésil. «Ma seule défaillance mécanique de l’année est survenue au pire moment», commentera-t-il plus tard, une fois le drapeau à damier agité.
Devant, les Ferrari de Massa et Raikkonen filent à toute vitesse. Elles n’ont jamais été aussi compétitives, si bien que Fernando Alonso ne parvient pas à tenir le rythme en course. Toujours virtuellement en tête du championnat, il peut perdre son trône à tout moment, dès que Felipe Massa se garera pour laisser passer volontairement son équipier, tant pis si le Brésilien évolue à domicile.
Cette scène ne se produira finalement pas. Ferrari fournit à Raikkonen la meilleure stratégie, et le Finlandais profite des derniers passages aux stands pour subtiliser la première place à Massa. Il remporte quelques tours plus tard le Grand Prix du Brésil. Alonso termine troisième, tandis que Lewis Hamilton ne peut faire mieux que septième, malgré son impressionnante remontée.
Kimi Raikkonen est ainsi sacré champion du monde de F1, avec un point d’avance sur chacune des deux McLaren conduites par Alonso et Hamilton. Oui, les deux rivaux au sein de l'écurie britannique sont battus et terminent la saison ex æquo. Lewis Hamilton ne deviendra pas le premier pilote titré dès sa première année en F1, alors qu'il menait le championnat depuis des mois, et Alonso ne remportera pas trois titres consécutifs au sein de deux écuries différentes, ce que personne n'a encore jamais réalisé. Il claque la porte et retourne chez Renault, un an seulement après son départ de l'équipe française.
Depuis, McLaren a tiré des leçons des erreurs du passé, notamment dans la gestion de ses pilotes. Cette saison, l’écurie de Woking a ainsi choisi de ne pas désigner de numéro un, privilégiant l’égalité entre Lando Norris et Oscar Piastri. L’entente entre les deux hommes est cordiale, à tel point qu’en cas de course favorable à Verstappen, Piastri pourrait bien céder sa place à Norris afin que ce dernier assure le podium, et donc le titre. Un refus de sa part ferait en revanche voler tous les efforts en éclats.
