Il y a dix ans, la National League franchissait pour la première fois la barre des deux millions de spectateurs: 2'061'618 fans (6872 par match) avaient assisté aux 300 rencontres de la saison régulière. Puis en 2015/16, pour la première fois, chaque match attirait plus de 7000 spectateurs (7026) en moyenne.
Ces records sont battus cette année:
Oui, le hockey suisse cartonne. D'autres preuves? Les duels de la semaine passée Zoug-Gottéron, Langnau-Ajoie et Zurich-Berne se sont tous joués à guichets fermés. Le passage à 14 équipes avec l'augmentation du nombre de rencontres de 300 à 364 n'a donc pas entraîné de «dilution». Au contraire.
Comment expliquer ce boom? Ces affluences impressionnantes sont étonnantes, à une époque où la concurrence dans l'industrie du divertissement et des loisirs n'a jamais été aussi forte. Cinq raisons sont déterminantes👇
Le confort et la capacité des patinoires n'ont jamais été aussi grands. A Zurich, Zoug, Ambri, Lausanne, Porrentruy, Fribourg, Langnau ou Davos, on trouve des temples du hockey flambant neufs ou entièrement rénovés et, à l'exception des arènes de Lugano et de Genève, toutes les patinoires ont été rénovées au cours de ce siècle.
La National League n'a jamais été aussi équilibrée. A l'exception d'Ajoie, tout le monde peut encore espérer quelque chose au classement: sacre en saison régulière, qualification directe pour les play-offs, qualification en pré-playoffs ou encore maintien direct. Et même en tant que lanterne rouge, Ajoie n'est pas une brebis égarée inintéressante: les Jurassiens attirent les foules, comme à Langnau la semaine passée, et offrent régulièrement une belle résistance et du bon spectacle.
La ligue fonctionne: les arbitres sont bons, l'infrastructure vidéo n'a pas de problème, le mode de jeu est adapté et les supporters se comportent adéquatement. Rien à voir avec notre championnat d'opérette en football, qui se ridiculise régulièrement avec les décisions de la VAR, qui ne parvient pas à maîtriser le problème du hooliganisme et dont le niveau sportif est l'un des plus faibles d'Europe.
En hockey, le champion en titre, Genève-Servette, ne fait même pas partie du groupe de tête cette saison alors qu'il disputera la finale de la Ligue des champions.
La qualité du hockey suisse n'a jamais été aussi élevée. Les puritains, les entraîneurs et les experts pourraient être en désaccord avec cette affirmation. Mais il ne s'agit ici pas de discipline tactique, d'intensité ou de précision. Il s'agit plutôt de savoir si le public est bien diverti. La National League est considérée à juste titre, avec la NHL, comme le championnat le plus spectaculaire: elle n'est pas aussi tactique et structurée que les championnats de Finlande et de Suède, mais elle offre beaucoup plus d'espaces pour les erreurs, la désobéissance tactique et la prise de risque. De quoi ravir les artistes de notre ligue.
Certains d'entre eux sont champions du monde et champions olympiques. Depuis la disparition de la KHL russe en raison de la guerre en Ukraine, les meilleurs Scandinaves qui n'ont pas réussi à rejoindre la NHL jouent en Suisse.
Un sport qui n'est pas régulièrement retransmis à la télévision publique n'existe, généralement, pas vraiment. Les chaînes de la SSR – dont la RTS – ont perdu tous les droits de retransmission en direct de la saison régulière et des play-offs. Cette saison est la deuxième consécutive où les exploits et les drames de notre hockey ne peuvent pas être vécus sur nos chaînes publiques. Mais la SRF, la RTS et la RSI retransmettent tous les matchs internationaux (y compris les Championnats du monde), la Coupe Spengler ainsi que les rencontres importantes de la Ligue des champions.
Le hockey reste ainsi visible pour le public, même à la télévision nationale, et conserve son importance et sa position sur le marché. Parallèlement, tous les matchs du championnat sont retransmis en direct sur les chaînes payantes et certaines rencontres sont même régulièrement diffusées en direct par des chaînes privées gratuites dans les trois régions linguistiques. Même si les chiffres précis des audiences ne sont pas disponibles, on peut partir du principe que le nombre total de consommateurs de hockey à la TV n'a jamais été aussi élevé.
Cette présence télévisuelle globale sur tous les canaux est l'un des secrets de la popularité de la National League. De plus, les images TV produites par la SSR – qui a certes perdu les droits de retransmission en direct du championnat, mais a conservé le mandat de production – sont de la plus haute qualité.
Cette évolution devrait se poursuivre au moins jusqu'à l'expiration des contrats de télévision actuels dans trois ans et jusqu'au retour de la KHL dans le hockey mondial. Le boom de notre première division ne signifie pas que tout va pour le mieux dans le hockey suisse. Mais ce n'est de toute façon jamais le cas: ce sport se caractérise justement par son dynamisme et sa recherche constante de solutions pour améliorer la situation.
C'est ce qui a permis à notre hockey national – une opérette il y a 40 ans – de devenir compétitif au niveau international, tant au niveau des clubs que des équipes nationales. On peut désormais penser et espérer que l'aberration actuelle du nombre d'étrangers (l'augmentation de 4 à 6) sera corrigée à moyen terme et que la structure inférieure (Swiss League, MyHockey League) sera retravaillée avec le retour du système de promotions et relégations.
Adaptation en français: Yoann Graber