Le premier titre romand depuis 50 ans a été fêté à Genève (La Chaux-de-Fonds fut le dernier champion en 1973). Mais Lausanne présente à priori des conditions bien meilleures: une arène moderne, suffisamment d'argent, une qualité de vie élevée qui rend le club attractif pour les joueurs, un public fidèle et passionné, une longue tradition et une forte envie de réussir (Lausanne n'a jamais remporté le titre national).
Ce n’est pas une concurrence écrasante ni une conspiration de la Suisse alémanique qui contrarie les plans de Lausanne. Depuis son retour parmi l'élite il y a dix ans, le LHC a échoué en raison d'une mauvaise gestion sportive et structurelle, y compris plusieurs changements de propriétaire. Si la concurrence avait introduit clandestinement un agent infiltré dans les salles de réunion en tant que manager chargé de nuire au LHC, cet agent n'aurait pas pu causer autant de dégâts.
La cerise sur le gâteau fut l'extraordinaire travail de sape de Petr Svoboda, nommé à ce poste par des mécènes étrangers au moins aussi extraordinaires. En à peine deux ans et demi, le jovial Tchèque, auto-bombardé «directeur des opérations hockey» (il fut autrefois champion olympique et vainqueur de la Coupe Stanley), a veillé à ce qu'on se souvienne longtemps de lui.
Des contrats tels que le salaire annuel de 525 000 francs sur cinq ans offert à Michael Hügli et divers licenciements d'entraîneurs coûtent tellement cher que Lausanne ne peut pas remodeler une équipe de premier plan à court terme pour des raisons économiques. Il est condamné à rester un titan endormi. Correctement géré, que ce soit aux plans sportif ou financier, ce titan pourrait s’élever et devenir un candidat au titre chaque année.
Avec Marc Crawford (ZSC Lions), Geoff Ward est le seul head coach de Ligue nationale à avoir gagné ses galons en NHL. Joueur moyen, il a appris le métier dans les ligues juniors et mineures jusqu'à atteindre la NHL en1989. Il fut entraîneur de l'année en AHL, il a remporté la Coupe Stanley en 2010 comme assistant à Boston et en Europe, il fut champion avec Mannheim, une équipe difficile à entraîner.
Plus récemment, il a été entraîneur principal en NHL (Calgary) pendant la saison 2020-2021. Après avoir pris ses fonctions le 6 novembre (John Fust est redevenu directeur sportif), Ward a apaisé le vestiaire lausannois, structuré le jeu et mené l'équipe de la 13e place vers des eaux un peu plus calmes pour éviter assez rapidement le naufrage (11e). Fort de son expérience, le coach de 61 ans est l'homme idéal pour Lausanne. Mais aujourd'hui, les attentes sont plus élevées que lors de sa «mission de pompiers» de la saison dernière. Une présence prolongée dans les eaux troubles du classement lui coûterait son poste.
Petr Svoboda s'est présenté ces trois dernières années comme le prince de la renaissance du hockey. Aujourd’hui, cette époque extravagante est révolue. Est-ce que tout va mieux? Est-ce que le temps se calme? Faut-il croire en une résurrection miraculeuse? Sera-t-il bientôt évident que les récentes débâcles sportives (7e et 11e) n'étaient que des accidents de travail?
En théorie, nous pouvons répondre «oui» à toutes ces questions. Lausanne a suffisamment de talent - et à peu près tout le reste - pour figurer dans la première moitié du tableau. Mais c'est aussi l'une des équipes les plus chères de la ligue. La hiérarchie salariale n'est pas correcte, et tout comme Rome ne se construit pas en un jour, une culture de la performance ne se construit pas en un été. Le retour dans le peloton de tête est difficile.
Plus tôt Jason Fuchs, Damien Riat ou Ronalds Kenins, par exemple, se rendront compte qu'ils devraient vraiment dominer le championnat, plus tôt Lausanne pourra aborder la lutte pour le titre sur un pied d'égalité. Le LHC sera certes meilleur que la saison dernière (11e). Mais il reste pour l'heure un titan endormi.