Même chez John Grisham, maître du roman policier, on sait plus ou moins comment l'histoire va se terminer après avoir lu 311 pages sur 364. On ne peut pas en dire autant après 311 des 364 matchs de saison régulière de National League... C'est simple: cette saison est plus imprévisible que jamais. Presque tout ce qui semblait impensable avant son coup d'envoi est devenu envisageable.
Gottéron champion? C'était impensable. Comment réussir ce qui n'a même pas été possible avec Andreï Khomoutov et Slava Bykov, deux des meilleurs joueurs du monde à l'époque? Si Fribourg s'appelait – dans sa forme du moment – Berne, Genève-Servette, Davos ou Lugano, il serait favori pour le titre. Oui, l'impensable est désormais envisageable: les Dragons fêtent leur premier sacre. En battant Lausanne en finale.
Berne en finale? Absurde il y a peu. Trop de turbulences ces quatre dernières années et des étrangers tout simplement pas assez bons. Une qualification directe pour les play-offs tiendrait déjà du petit miracle. Mais si Jussi Tapola continue de bétonner la défense, les Ours peuvent créer un exploit similaire à celui de 1989: gagner le titre dès leur première saison avec un nouvel entraîneur.
Un crépuscule à Zoug? On ne pouvait pas y songer. Tout est là pour réussir: un management hautement professionnel, un entraîneur convoité dans toute l'Europe, la meilleure infrastructure avec le centre de performance OYM et Leonardo Genoni qui a prolongé. Mais voilà, l'encadrement ultra-scientifique des joueurs à l'OYM, pour lequel le club paie deux bons millions par saison, fait perdre un peu de spontanéité, de légèreté et de plaisir dans le jeu des Zougois.
On pourrait passer pour des fous en imaginant le scénario suivant, et pourtant... Zoug échoue pour la première fois depuis 2018 déjà en quart de finale.
Autre issue impensable il y a quelques mois: les ZSC Lions n'atteignent pas la finale après le retour de la pépite Denis Malgin. Tout roule actuellement pour les Zurichois, qui sont sur le point de remporter la saison régulière. Mais si on veut chercher la petite bête, on dira que les défaites contre Ambri, Lausanne, Davos, Berne, Kloten ou Rapperswil ne sont pas que des accidents de parcours. Et puis, le «Z» pourrait finir par payer le trop d'égo de ses nombreuses stars et l'aura en perte de vitesse de son mythique coach Marc Crawford, champion en 2014 avec les Lions.
Le Lausanne HC pour la première fois en finale? Impossible. Dans toute son histoire, le LHC n'a atteint qu'une seule fois les demi-finales. Mais les Vaudois bénéficient désormais d'une gestion sérieuse et se sont transformés en équipe de pointe sous la houlette de Geoff Ward, en toute discrétion. Oui, même l'impensable est maintenant envisageable: le LHC en finale, voire champion.
Quant à Davos, voir les Grisons en finale pour la première fois sans Arno Del Curto et Reto von Arx semblait un leurre avant le début de cet exercice, même si le nouveau coach Josh Holden a eu un grand maître quand il était assistant à Zoug en la personne de Dan Tangnes. Mais voilà, Holden a déjà réussi l'exploit de remporter, dès sa première saison comme coach principal, la Coupe Spengler. Arno Del Curto n'y était arrivé que lors de sa cinquième année derrière la bande grisonne...
Même la lutte pour la promotion (ou contre la relégation, c'est selon) peut devenir complètement folle. Seuls Viège et Olten peuvent être promus.
D'ailleurs, il risque bien de n'y avoir aucun barrage cette saison, tant il est illusoire de voir Viège ou OIten remporter la Swiss League. Et pourtant, tout pourrait s'emballer: les Valaisans n'ont validé leur ticket pour les play-offs que lors de la dernière journée de saison régulière, tout ce qui arrive maintenant pour eux est donc du bonus. Et avec Heinz Ehlers à la barre, tout devient possible...
La National League suisse est l'un des meilleurs championnats d'Europe. Une preuve? Des équipes qui ne font pas partie du groupe de tête cette saison brillent dans les compétitions continentales: Davos vient de remporter la Coupe Spengler tandis que Genève-Servette jouera la finale de la Ligue des champions, après avoir éliminé les champions d'Allemagne et de Suède.
Un nouveau record de spectateurs (la marque actuelle est celle de la saison 2015/16 avec 7'026 fans par match en moyenne) se dessine: plus de 7'100 spectateurs de moyenne ont été recensés dans les patinoires de National League jusqu'à présent cette saison. Dans notre pays, le hockey est plus populaire que jamais. Et ce malgré son absence à la télévision publique, dont il n'a plus besoin. Ça aussi, c'était impensable il y a peu.
En fait, il faudrait tirer à pile ou face le champion cette année, tellement cette saison est indécise. Sortez les pop-corn, parce que d'ici le mois d'avril, il peut se passer encore énormément de choses!
Adaptation en français: Yoann Graber