Ce sont des scènes inhabituelles que l'on voit depuis fin février dans les kops de nombreux clubs suisses de hockey. Les fans de Davos, Zoug, Ambri, Langnau ou Lausanne, entre autres, affichent tous leur mécontentement dans des tifos (banderoles et chorégraphies) par rapport à l'évolution du traitement à leur égard de la ligue et des clubs. Un véritable mouvement collectif est né.
Les ultras du hockey helvétique ont emboîté le pas à leurs homologues du football. Alors qu'ils aimaient parfois s'affronter, les irréductibles des différents clubs tirent désormais à la même corde. Ils s'engagent pour une culture de fans qui doit être bruyante, colorée et créative. C'est ce que l'on peut lire dans leur campagne toute fraîchement lancée, intitulée «Pro Fans».
Celle-ci est organisée et soutenue par des supporters de 12 des 14 clubs de National League. Sur leur site web, on peut lire:
L'unification de ces différents groupes a commencé pendant la réforme de la ligue, explique Tom Maurer, représentant de Pro Fans. «Depuis, nous constatons que la situation devient de plus en plus défavorable pour les fans», déplore-t-il. Concrètement, quels sont les points qui froissent ces supporters? Primo: les résultats des sondages proposés aux fans par la ligue pour entamer la réforme n'ont pas été pris en compte. Ensuite, d'autres mesures ont été mises en œuvre sans écouter le point de vue et les besoins des supporters.
Pro Fans cite par exemple la réduction de la taille des secteurs réservés aux visiteurs, les hausses des prix des billets (comme cela s'est produit en début de saison à Ambri), les contrôles d'identité ou encore les interdictions de matériel.
La Vaudoise Aréna à Lausanne et la Bossard Arena à Zoug sont depuis toujours soumises à des contrôles d'identité. C'est une épine dans le pied de Pro Fans. «Les scans d'identité à l'entrée des virages sont disproportionnés et discutables du point de vue de la protection des données», avance le collectif. Mais ils ne dérangent pas les groupes de supporters de Genève-Servette. Contrairement à beaucoup de leurs homologues d'autres clubs, ceux-ci ne boycottent pas les patinoires avec des contrôles d'identité. Une décision qui ne fait pas plaisir à Tom Maurer. «Ces contrôles sont en contradiction avec nos principes», recadre-t-il.
Les supporters genevois ne font d'ailleurs pas partie de Pro Fans. Tout comme ceux d'Ambri. Mais pas pour la même raison: les Tessinois soutiennent activement l'action, toutefois ils ne veulent pas apparaître sur les réseaux sociaux ou le web, précise Maurer.
Comme dans le football, les ultras en hockey sur glace s'opposent au «modèle en cascade» des autorités qui comprend des punitions collectives. Il n'y a pas encore de collaboration, mais il n'est pas exclu que les fans de hockey cherchent à entrer en contact avec leurs alter ego du football, anticipe Tom Maurer, qui ajoute:
Les fans des deux sports ont déjà collaboré dans le cadre du concordat sur le hooliganisme et ont lancé le référendum ensemble. Néanmoins, la situation de départ est différente en ce qui concerne les sanctions collectives, explique Alain Brechbühl, responsable de projet au centre de recherche sur la violence lors des manifestations sportives de l'Université de Berne.
L'académicien enchaîne: «Juridiquement, il est plus facile pour la ligue et les clubs d'ordonner de telles mesures que pour les autorités».
Pro Fans a envoyé ses revendications dans une lettre ouverte à la ligue et aux clubs. Le collectif demande notamment des billets à prix abordable, un service de médiation pour les personnes sanctionnées ou le maintien des secteurs de places debout. Pour toutes ses revendications, il présente des propositions de solutions.
«Nous donnons aux personnes concernées un peu de temps pour nous impliquer et pour discuter avec nous des solutions ou des faits», explique Tom Maurer. L'attention et le dialogue sont les objectifs. Et si les deux parties n'y parviennent pas? Les fans mettraient en œuvre d'autres actions et feraient pression. «Dans ce cas, il n'y aura plus de calme, je vous le promets», menace le représentant de Pro Fans.
La ligue a bien reçu la lettre. «Nous allons en analyser le contenu et essayer d'établir un dialogue avec les auteurs», fait savoir Reto Bürki, responsable marketing de la National League.
Les dirigeants souhaitent discuter du contenu avec les clubs durant l'été et décider d'éventuels changements pour la saison prochaine. «Il y a des démarches (collaboratives) prometteuses», rassure Reto Bürki en guise de conclusion.
Adaptation en français: Yoann Graber