Romy Tschopp est la première snowboardeuse suisse à avoir participé à des Jeux paralympiques. C'était à Pékin, en 2022, en snowboardcross. La jeune femme, née avec un spina bifida (malformation de la colonne vertébrale), vient de vivre trois mois difficiles: elle a passé tout ce temps dans la clinique Rehab Basel à Bâle, où elle s'est faite opérer de la vessie. Un problème lié à son handicap, qui touche un enfant sur 1000 en Europe centrale.
En plus de ces soucis de vessie, la Bâloise (29 ans) souffre de l'intestin et a une paralysie partielle des jambes. Ses séquelles se sont aggravées depuis l'enfance. Malgré tout, elle pratique le snowboard à haut niveau et compte bien remonter sur sa planche après cette opération. Interview avec un modèle de courage et de persévérance.
Vous êtes né avec un spina bifida, avec «un handicap». Est-ce que le terme est encore politiquement correct?
ROMY TSCHOPP: Je ne suis pas susceptible sur le sujet. Mais je préfère que l'on parle d'une «personne avec un handicap» plutôt que d'«un handicapé». Ça permet de mettre l'accent sur la personne et non sur son handicap.
Vous avez grandi dans une famille très sportive. Au début, est-ce que vous arriviez à suivre le rythme de vos trois frères et sœurs en bonne santé?
Quand je suis venue au monde, on pensait que je serais en fauteuil roulant toute ma vie. Mais j'ai suivi très tôt des séances de physiothérapie et ma mère m'a fait faire des exercices tous les jours.
Nous étions polysportifs, nous faisions de l'escalade, du roller, du snowboard, du ski, du vélo. Ensuite, c'est normal que les personnes avec un spina bifida régressent avec l'âge, mais avec de l'entraînement, le retour de facultés n'est pas exclu.
Il y a quelques semaines, vous avez été opérée de la vessie. Comment vous sentez-vous aujourd'hui?
Je me sens mieux. Les débuts ont été difficiles, l'entraînement de la vessie éprouvant. Dès que j'avais un peu plus de liquide dans la vessie, je transpirais, j'avais des nausées et des vertiges, et je vomissais souvent. Le corps réagissait fortement. Cette fin août, on m'a retiré le cathéter, j'ai donc franchi une étape importante.
Quelle était la raison de l'intervention?
Ces dernières années, j'ai eu à plusieurs reprises des fissures dans la vessie suivies d'hospitalisations en urgence. La situation était parfois critique. Il est donc devenu clair à un moment donné que cette opération, au cours de laquelle la vessie a été presque entièrement remplacée par une nouvelle vessie fabriquée à partir d'une partie de l'intestin grêle, serait inévitable. En raison des Championnats du monde, nous avions encore retardé l'opération et j'ai pu terminer deuxième en snowboardcross. C'était un grand pas pour moi, après une opération d'urgence en 2022 qui m'avait permis de remonter sur ma planche pour les Mondiaux.
Lors de l'opération, il a également fallu retirer l'utérus, un ovaire et une trompe de Fallope. Comment avez-vous vécu ce moment?
Les spécialistes m'ont dit il y a des années qu'ils me déconseillaient d'avoir des enfants. J'ai aussi constaté moi-même que mes ressources étaient limitées.
Et comment vous sentez-vous dans votre corps?
Normalement, j'ai une très bonne perception de mon corps. Maintenant, avec la nouvelle vessie, le besoin d'uriner se fait sentir différemment. Je n'arrive pas toujours à identifier les douleurs dans le bassin. Je dois réapprendre à connaître mon corps. Et bien sûr, il me manque toute la force. Je suis habituée à ce que mon muscle antérieur de la cuisse et mon tronc fassent beaucoup. Après cette opération, il me faudra beaucoup d'assiduité et de travail pour revenir.
Quand pensez-vous pouvoir refaire du snowboard?
Difficile à dire. La fin de la rééducation est prévue pour la mi-septembre. A partir de là, je continuerai à m'entraîner, en suivant mon planning d'entraînement habituel. Je dois m'habituer aux changements liés à la nouvelle vessie, par exemple au fait que je dois la rincer. Je dois trouver un moyen de gérer ça au quotidien. Pour moi, 2023/24 est une saison intermédiaire. Mon objectif est d'établir une base solide pour les années à venir. Mais bien sûr, si j'en ai l'occasion, je participerai aussi à une compétition (rires).
En été, vous faites du vélo électrique. Cette discipline est-elle comparable au snowboard?
Comme en snowboard, je suis dans une chaîne fermée: je ne dois pas contrôler le bassin à tous les niveaux. Ça m'aide. Mais dès que je n'ai plus un pied dans la fixation, j'ai besoin d'assistance. C'est pareil pour monter sur le VTT, mais si je suis assise et que je peux pédaler avec l'arrière du pied, je peux compenser beaucoup.
Vous semblez courageuse en tout. Comment expliquez-vous ce caractère?
(Rires) Je peux très bien duper les gens: je suis une poule mouillée quand il s'agit de faire des sauts! J'apprécie beaucoup les capacités que j'ai et je ne veux pas les mettre en jeu. Mais je travaille aussi avec mon entraîneur mental. Le snowboard me permet de me muscler, ce qui est utile dans la vie de tous les jours. Et pratiquer sa passion, c'est la plus belle chose que l'on puisse avoir.
Ressentez-vous des douleurs au quotidien?
Des douleurs nerveuses, j'en ai tous les jours. Depuis dix ans. Elles vont du dos aux jambes, parfois comme des coups de couteau, des décharges électriques, parfois comme des fourmillements ou un rayon qui part du cou et traverse tout le corps. J'arrive à compenser mentalement beaucoup de choses, mais je dois respecter mes temps de repos.
Pour ça, il faut être très fort mentalement.
Je dois dire que j'ai un entourage qui m'aide beaucoup. Je ne peux pas vivre du snowboard, mais mon mari m'appuie pleinement. Il a créé une association de soutien, ma marraine et mon oncle en font également partie. Les douleurs, l'incontinence, le fait de ne pas pouvoir décider moi-même si je veux des enfants, ce sont des aspects brutaux, mais je peux les gérer parce que tout ce qui est important dans ma vie, à savoir la famille et les amis, fonctionne à merveille.
Cet état d'esprit positif, c'est quelque chose d'inné chez vous? Ou alors c'est votre entourage qui l'a transmis?
C'est déjà ancré dans la famille. Je n'ai jamais eu le sentiment d'être désavantagée et l'idée de base a toujours été qu'il existe des solutions aux problèmes. Ce sentiment est peut-être encore plus marqué du fait de mon histoire, où j'ai souvent passé par des moments difficiles. Ma mère raconte que lorsque j'étais à l'hôpital avec une hémorragie interne, je lui ai dit: «Maman, mais regarde, le soleil brille» ou quelque chose du genre.
Dans votre cas, la paraplégie incomplète est congénitale, tandis que d'autres deviennent paraplégiques à la suite d'un accident. Y a-t-il une différence dans la manière de gérer la situation?
Chez moi, il y a du positif et du négatif d'avoir ce handicap depuis la naissance. Je pouvais faire certaines choses jusqu'à mes 20 ans, mais après c'était fini. Pour l'incontinence, je suis contente de l'avoir eue dès la naissance, je ne sais pas comment ça se serait passé autrement. Mais je suis reconnaissante d'avoir pu courir, de savoir ce que ça fait de faire des randonnées, de sauter, de jouer au unihockey, de faire une randonnée à ski. Je m'accroche à ces souvenirs, même si c'est brutal d'abandonner tout ça.
Vous avez un programme quotidien chargé en rééducation, et maintenant vous passez à la physiothérapie.
J'ai dû attendre longtemps à cause de ma cicatrice abdominale. Mais désormais, je peux faire davantage d'activités, comme la presse à jambes et du vélo. Sentir à nouveau son corps, c'est super beau, j'en profite énormément.
Adaptation en français: Yoann Graber